Imattec : quand le textile performe et devient intelligent
La société tourquennoise créée en 2016 est spécialisée dans les fils techniques et de haute performance, avec désormais un pied dans le «smart textile». Des domaines peu mis en avant, mais pourtant essentiels à la bonne tenue et à la sécurité de nombreuses professions. Rencontre avec Thierry Delambre, directeur.
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Les vêtements que nous portons au quotidien sont faits de coton, de
lin ou encore de polyester et d’élasthane. Des produits qui siéent
à une grande partie de la population. Pourtant, la garde-robe de
certaines professions est composée bien autrement. Les tissus sont
réalisés à partir de fibres, naturelles ou synthétiques,
inconnues ou presque du grand public, tandis que d’autres sont
faites d’acier. La plupart de ces fibres viennent de l’étranger,
notamment du Japon, mais de plus en plus, la société travaille avec
des entreprises françaises, comme pour les fibres naturelles telles
que la laine ou le lin.
C’est là qu’intervient la filature de produits techniques Imattec.
Installée à Tourcoing, elle «transforme les fibres pour les
rendre filables», comme l’explique Thierry Delambre, le
directeur de la société. Ces fils se retrouvent ensuite dans
différents domaines et ont chacun une utilité différente. Ils
peuvent se retrouver dans le secteur thermique, où ils résistent
aussi bien à de très basses températures (-200 °C) qu’à des
températures extrêmement élevées (+1 300 °C), mais aussi dans le
domaine mécanique, avec des caractéristiques anti-coupure,
balistique, et avec une résistance à l’impact ou encore à la
pliure. La principale manne de clients ne se trouve pas en France,
puisque qu’entre 75 et 80% de la production est exportée en
Amérique du Sud, en Afrique du Sud ou en Asie. Depuis le covid,
l’export s’est un peu plus concentré au niveau régional, que ce
soit en Belgique ou en Allemagne.
Un
travail de fibre métallique sans aucun défaut
La production d’Imattec se retrouve même dans des objets auxquels on ne pense pas, comme des pare-brises par exemple, afin de les solidifier. «Et depuis quelque temps, on se met à travailler beaucoup la fibre métallique, pour des questions de résistance thermique», ajoute le directeur de l’entreprise.
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En
l’occurrence, Imattec travaille avec de l’acier inoxydable. Oui,
le même acier que les couteaux de cuisine ou les poutres dans la
construction de bâtiments. Des fibres sont réalisées avec cet
acier avant d’en faire des fils, qui seront assemblés pour faire
un gant ou tout autre tenue. Le travail de l’acier
inoxydable, s’il commence comme un fil de coton «en
appliquant une torsion», reste complexe car l’erreur est
interdite. «Lorsque vous faites un fil, en coton ou une autre
fibre, vous le coupez automatiquement lorsqu’il y a un défaut et
vous faites une rattache, que l’on nomme un nœud. Avec le fil
d’acier inoxydable, nous ne pouvons pas faire cela, car lorsque
l’on va faire l’article textile avec le fil d’acier, il faut
que l'on soit sur du zéro défaut, et quand vous faites un nœud, il
y a un défaut. Donc nous avons des systèmes très particuliers, qui
sont propres à nos savoir-faire et qui font qu’on arrive à faire
un fil sans aucun nœud».
Le «smart textile», un avenir à prendre en considération
De
fil en aiguille, avec ce savoir-faire
sur les fibres métallique,
la société tourquennoise
s’est également
intéressée aux «smart textiles». Ces
derniers sont conçus
pour intégrer des fonctionnalités supplémentaires, qui «vont
être en mesure de
réagir avec leur
environnement, que
ce soit en collecte
d’informations ou
en diffusion de ces
informations»,
indique Thierry
Delambre. Et au sein de
cette nouvelle famille de textile, il est possible de trouver deux
catégories : les smart textiles passifs et
actifs. Les premiers sont le plus souvent conducteurs électriques alors
que les seconds peuvent
récupérer un signal électrique qu’une personne est en capacité
de traiter. De quoi
ouvrir de nombreuses possibilités. Mais Thierry Delambre garde en
tête une règle importante : «Faire attention à ne pas réaliser
un produit gadget, car on a vite tendance à dépenser énormément d’argent pour quelque
chose qui n’est pas
forcément utile».
Encore peu connus, les smart textiles sont présents dans les domaines sportifs et médicaux. Pour l’instant, cela reste un domaine de niche, mais en cas de démocratisation, Imattec souhaite s’engouffrer dans la brèche et «ajouter une corde à son arc en créant un réel département au sein de la société» début 2025. Ce qui ajouterait de nouveaux salariés à la trentaine déjà employés par l’entreprise. De quoi aider Imattec à croître, comme le souhaite le dirigeant, qui a également l’envie «d’être présent dans des domaines plus variés, comme l’aérospatial par exemple. On aimerait également être un peu plus proches du consommateur final», conclut il.
Un produit «smart
textile» réalisé
par Imattec
Habituellement, Imattec n’est pas forcément présent au moment du produit fini. Pourtant, alors que le marché du «smart textile» se développe petit à petit, la société a développé, en consortium, un produit : Sleepee. Ce sous-vêtement connecté est utile pour le traitement de l'énurésie (émission d'urine non maîtrisée de l'enfant). Sur ce produit, Imattec a apporté les matériaux adaptés, ici des fils conducteurs à base de fibres qui résistent au contact de l'urine, de la sueur, aux frottements et aux passages en machine. «Il fallait que ce soit très fin, pour ne pas qu’on le sente et que ça ne soit pas toxique», explique le dirigeant. Ce produit a été commercialisé en 2024.