Il y a 50 ans, le premier secrétariat à la Condition féminine et des mesures toujours en suspens
Un intitulé aujourd'hui suranné pour un poste à l'époque précurseur: le 23 juillet 1974 était créé le premier secrétariat d'Etat à la Condition féminine. A sa tête, Françoise Giroud va dresser un catalogue de mesures...
Un intitulé aujourd'hui suranné pour un poste à l'époque précurseur: le 23 juillet 1974 était créé le premier secrétariat d'Etat à la Condition féminine. A sa tête, Françoise Giroud va dresser un catalogue de mesures dont certaines ne sont toujours pas complètement appliquées.
Né sous l'impulsion du président Valéry Giscard d'Estaing, six ans après mai 68, ce premier secrétariat "était une idée complètement novatrice", déclare à l'AFP Sylvie Pierre-Brossolette, alors toute jeune chargée de cabinet auprès de Françoise Giroud, figure du journalisme.
La co-fondatrice de L'Express dispose d'"un tout petit secrétariat d'État, rattaché à Matignon, avec peu de moyens et surtout un Premier ministre, Jacques Chirac, qui n'était guère convaincu, comme la plupart des membres du gouvernement, de la nécessité d'avancer sur ce chemin", précise l'ex-présidente du Haut conseil à l'égalité (HCE).
Françoise Giroud, qui s'était battue avec sa plume pour les droits des femmes (avortement, contraception, divorce...), présente moins de deux ans plus tard, en mai 1976, en conseil des ministres "Cent mesures pour les femmes", un ensemble de propositions extrêmement concrètes et documentées, balayant tous les aspects de leur vie, de la naissance à la vieillesse.
Pour la ministre, ces cent mesures sont une "tentative d'éliminer toutes les discriminations" pour conduire les femmes au même "niveau de formation, de rétribution, d'intégration à la vie sociale et économique et de responsabilité" que les hommes.
En 1976, 53% des femmes travaillent. Elles représentent les deux tiers des salariés gagnant moins de 2.000 francs par mois, et occupent rarement des postes à responsabilité: dans la Fonction publique, sur 138 directeurs, 137 sont des hommes.
En retrait
Du contenu de l'enseignement au développement des crèches et cantines scolaires (pour mieux aider les femmes à concilier travail et emploi), en passant par plus d'information pour inciter les jeunes filles à s'orienter vers des formations plus techniques ou valorisées, ou la création d'un programme de formation (sanctionné par un diplôme) via la télévision destiné notamment aux mères de famille... Tout est analysé.
Pour Françoise Giroud, plus question que les hommes seuls signent la déclaration de revenus ou gèrent les biens communs des époux. Elle réclame aussi que les listes aux élections municipales ne comportent pas plus de... 85% d'hommes et veut inciter à davantage de promotions féminines dans l'administration.
"Historiquement, ça a été complètement oublié, parce qu'au même moment, Simone Veil (alors ministre de la Santé) défend la réforme de la contraception, puis de l'avortement au Parlement", souligne Bibia Pavard, historienne des féminismes.
Les cent mesures étaient "en retrait par rapport aux revendications féministes plus radicales de l'époque", notamment du Mouvement de libération des femmes (MLF), qui réclame une "transformation totale de la société", ajoute la chercheuse.
Nombre de féministes se montrent ainsi critiques de la nomination de Mme Giroud, y voyant "une volonté d'édulcorer leurs revendications", note Mme Pavard, en rappelant que la journaliste se veut "consensuelle" et défend l'idée "de coopération et de complémentarité" entre femmes et hommes.
Aux critiques qui lui demandent un an après sa nomination ce qu'elle a fait, Mme Giroud répond: "Il n'y a pas de secrétariat d'Etat aux miracles".
Fortes résistances
Pourtant, ces cent mesures représentent "un gros travail de fond, pour garantir l'égalité par le droit, où il y avait encore des traces importantes de sexisme", souligne Bibia Pavard, "un travail assez remarquable" vu le peu de moyens dont Mme Giroud dispose et les "très fortes résistances" au sein de la société et du gouvernement.
"Beaucoup de choses qui nous paraissent évidentes aujourd'hui n'étaient pas acquises", rappelle Mme Pierre-Brossolette.
"Il en reste encore quelques-unes, comme l'éducation sexuelle que réclamait Françoise Giroud. On en a acquis le principe dans une loi de 2001, mais elle est à peine appliquée".
"Les stéréotypes dans les manuels scolaires sont également une bataille toujours actuelle", ajoute-t-elle, tout comme l'égalité des salaires, "l'éga-conditionnalité, c'est-à-dire mettre comme condition à la conclusion des marchés publics le respect de dispositions favorables aux femmes" (égalité salariale, promotions...) ou encore un vrai "service public de la petite enfance", car "il manque toujours des centaines de milliers de places de crèches".
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