Jean-Claude Bouly, directeur du Cnam en Grand Est : «il faut fabriquer les nouveaux professionnels de la formation»

La crise sanitaire et ses conséquences entraînent les acteurs de la formation professionnelle à renforcer leurs investigations sur l’élaboration d’un nouveau modèle. Directeur du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) en Grand Est, Jean-Claude Bouly prendra prochainement en main un vaste chantier au niveau national histoire d’envisager la formation de demain. Nom de code : Smart Éducation !

«La prospective sur les métiers de la formation professionnelle est une vraie question», assure Jean-Claude Bouly, le directeur du Cnam en Grand Est.
«La prospective sur les métiers de la formation professionnelle est une vraie question», assure Jean-Claude Bouly, le directeur du Cnam en Grand Est.

Quel est l’objectif de la mission Smart Éducation que vous allez mener prochainement ?

C’est expérimenter, professionnaliser, fabriquer et élaborer des savoirs utiles au service de la prospective des métiers de la formation professionnelle des adultes. Les professionnels de la formation sont sous l’impact des mutations actuelles à l’image de la transition numérique et digitale. Dans notre univers de la formation, il y a le monde d’avant, le monde actuel et le monde d’après. Aujourd’hui, il est impossible de savoir ce que sera la journée type d’un formateur dans un ou trois ans. La prospective sur ces métiers est une vraie question. Il est indispensable de fabriquer les professionnels de la formation de demain.

Comment va s’articuler votre travail ?

Le projet était déjà bien mûri et nous allons nous baser sur le modèle que nous sommes en train de mettre en place au niveau du Cnam en Grand Est dans le cadre de notre plan stratégique. Nous allons nous appuyer sur les expérimentations et données territoriales des hubs de compétences (installés sur les territoires pour être au plus près des besoins des entreprises et des individus) pour alimenter nos travaux. Les transitions existent aujourd’hui dans la manière de former, de transmettre un savoir, d’acquérir une compétence. Le numérique bouleverse nos pratiques et apporte des perspectives importantes. On peut se poser la question de la place de l’accompagnement humain. Les nouveaux précepteurs à l’heure du numérique sont à inventer.

La dimension territoriale apparaît plus qu’importante ?

Elle est indispensable ! Les transformations de l’économie ont changé la donne sur les territoires. Les grandes métropoles sont les mieux armées pour y faire face. Les compétences y sont présentes en quantité et en qualité et mobilisables aisément. Mais, 60 % de la population aujourd’hui vit dans les villes moyennes, les territoires ruraux, des espaces éloignés des centres urbains. Le déploiement de nos hubs de compétences permet de réparer cette fracture territoriale et surtout de répondre aux besoins des structures, notamment les entreprises, présentes sur ces territoires.

Comment traversez-vous cette période particulière et quel est le bilan que vous en tirez ?

Dans la formation professionnelle, nous avons trois grands secteurs ! L’alternance et l’apprentissage. Ils sont devenus une voie noble et l’on voit bien l’intérêt qui est porté aujourd’hui à cette typologie de formation notamment de la part des entreprises. Pendant cette période de pandémie, nous avons enregistré un important regain de la demande individuelle pour reprendre des études. Face aux incertitudes d’aujourd’hui et encore plus par rapport à celles de demain, on remarque que les individus affichent une démarche proactive pour faire évoluer leurs compétences. Le déclic semble s’être opéré, d’une façon contrainte ou forcé pour certains. Le cursus a bougé dans les mentalités au niveau de l’intérêt de la formation professionnelle.

Et au niveau des entreprises ?

Globalement, l’année écoulée n’a pas été une bonne et 2021 s’oriente dans la même direction même si l’on sent qu’elles ont changé de logique. Elles ne sont plus dans une logique de plan de formation mais dans une logique de développement des compétences. La formation demeure pour elle un investissement immatériel et dans cette période où la visibilité est quasiment nulle, elle ne s’affiche pas comme la principale priorité.