«Il faut cultiver les talents pour faire repartir la machine»

Alors qu'un demi-million d'emplois a été détruit en France suite à la pandémie, de nombreuses entreprises restent dans le flou sur leurs perspectives de recrutement. Pourtant, lors de cette rentrée spécifique et inédite, les alternants restent plus que jamais à l'affût pour intégrer une entreprise et débuter leur carrière professionnelle.

Les Hauts-de-France comptent 6000 apprentis, dont 1 500 dans l'industrie.
Les Hauts-de-France comptent 6000 apprentis, dont 1 500 dans l'industrie.

Début juin, le Gouvernement lançait un plan de relance de l’apprentissage, fort de quatre principales mesures : une aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis, la prolongation de trois à six mois qu’un jeune peut passer en CFA en attendant de signer son contrat ; la garantie pour les jeunes ayant fait le vœu de se former en apprentissage sur les sites dédiés, de recevoir au minimum une offre d’apprentissage ; et l’éligibilité des ordinateurs portables à l’aide au premier équipement pour les néo-apprentis. Des aides saluées par Frédéric Sauvage, directeur de Formasup Nord – Pas-de-Calais et président de l’ANASUP (Association nationale pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur) : «Il n’a jamais été aussi avantageux de recruter un(e) apprenti(e). C’est le moment de redimensionner son offre et de redynamiser son activité.» Avec cette aide allant d’un montant de 5 000 € pour les apprentis mineurs à 8 000 € pour les majeurs (valable pour un diplôme allant du CAP à la licence professionnelle), l’embauche d’un apprenti ne représente aucun coût pour l’employeur.

Maryline Humetz, directrice développements stratégiques et partenariats Talent’s Up, et Frédéric Sauvage, directeur de Formasup et président d’Anasup.

Une opportunité en ces temps difficiles pour bon nombre d’entreprises, mais qui ne rassure pourtant pas totalement Frédéric Sauvage : «Nous savons que les entreprises manquent de visibilité ; le rôle de Formasup est d’accompagner les recruteurs à mesure que leurs perspectives s’améliorent. Mais sans attendre, les entreprises peuvent engager des recrutement, car un jeune avec un haut de niveau de qualification est un jeune à haut potentiel. Il faut cultiver les talents pour faire repartir la machine.» Du DUT au master, en passant par l’ingénieur, l’apprentissage dans le supérieur concerne 6 000 jeunes dans la région et connaît un développement de 20% ces dernières années, faisant des Hauts-de-France la 3e région française en nombre d’apprentis après l’Ile-de-France et Rhône-Alpes.

Passer à l’action

Mais Frédéric Sauvage craint que cette crise n’impacte l’entrée sur le marché du travail des jeunes diplômés : «Quand il y a des crises économiques, la jeunesse est systématiquement sacrifiée. On se souvient de 2008-2009 où les jeunes sont entrés en demi-teinte sur le marché. Malheureusement, l’aide du Gouvernement s’arrête au niveau bac +3, c’est une rupture de l’égalité des chances.» Pour que les entreprises régionales passent le pas, Formasup a créé la plateforme digitale Talent’s Up, qui accompagne sur mesure les entreprises et les candidats dans leurs recherches respectives. «Notre démarche est pro-active, avec une volonté de toucher les PME régionales. Il faut clairement raisonner en termes d’investissement, en leur proposant des offres à l’appui. Les PME sont aussi des tuteurs potentiels et recherchent l’expérience d’un(e) alternant(e), mais le frein principal reste la méconnaissance du système de l’enseignement supérieur et de la recherche», conçoit Frédéric Sauvage. Formasup travaille avec une quarantaine d’établissements partenaires dans la région, allant de l’école de commerce en passant par l’école d’ingénieurs, soit plus de 300 formations ouvertes dès la rentrée prochaine (génie civil, construction, logistique, gestion, management…).

Parmi les secteurs qui recrutent le plus d’apprentis, on retrouve l’énergie, le commerce, l’automobile, l’industrie – qui représente 30% des recrutements avec en région – ou encore la distribution et le retail, avec un boom sur la filière du numérique (+65% en cinq ans). Les contrats peuvent aller de six mois à trois ans, et les chiffres montrent que 40% des apprentis sont embauchés à la suite de leur alternance. «L’apprentissage peut bouger les lignes et crée de la valeur pour le territoire. Les apprentis ont une capacité d’insertion dans les entreprises qui les distingue», ajoute le directeur.