«Il était temps de comprendre que l'entreprise est nécessaire au fonctionnement d'un pays»
Le prédécesseur de Geoffroy Roux de Bézieux, désormais aux responsabilités patronales européennes, était à la REF 2020, grand-messe annuelle du Medef. Retour sur une période inédite dans l’histoire de l’économie.
Qu’avez-vous pensé des réflexions et interventions du gouvernement ?
Les discours du Premier ministre et de Bruno Le Maire étaient intéressants, ils ont tous deux une vision pragmatique de la situation actuelle et des entreprises. Loin de l’idéologie (pour une fois), et c’est plutôt rassurant que notre classe politique comprenne l’économie. Il était temps de réaliser que l’entreprise n’est ni à gauche ni à droite, qu’elle est surtout nécessaire pour faire fonctionner un pays. Wolfgang Schaüble (membre du Bundestag, Ndlr), m’a dit un jour que le business -ou la croissance-, c’est 50 % de confiance, et visiblement, nos ministres l’ont compris, leur message aux acteurs du monde économique le montre. L’ennemi est commun, il faudra faire face ensemble, souder les troupes, et la confiance et les encouragements sont importants, indépendamment du plan de relance et des dispositifs de soutien.
Ces dispositifs -et moyens- ont-ils été à la hauteur ?
Le gouvernement français a fait ce qu’il fallait, chômage partiel, PGE, fonds de solidarité… Côté Europe, c’est intéressant aussi de voir cette nouvelle commission pilotée par Ursula von der Leyen qui a su entrer dans la crise avec là aussi beaucoup de pragmatisme et de rapidité. France ou Europe, il se passe des choses historiques. Cette crise est sans doute une opportunité pour aller plus vite et plus loin, pour pointer du doigt les
faiblesses à corriger. Cette crise, c’est l’occasion de construire le pays et l’Europe à l’horizon 2030, Bruno Le Maire l’a souligné, il ne s’agit pas de mettre des sparadraps sur des plaies, mais bien de construire, ensemble, grâce à l’argent mis sur la table, d’investir et d’engager des réformes accélérées, pour aller dans l’environnement plus vite et plus fort, pour une digitalisation de l’économie, pour une réindustrialisation de la France. Côté Europe, les axes, les thèmes sont les mêmes, si on arrive à retrouver une fierté française, soutenue par une fierté européenne, basées sur des projets, et des réussites, alors oui cette gestion de la crise aura été bénéfique à l’économie, pas à court terme, réellement, structurellement. Ce double horizon est assez séduisant.
Pour l’heure, il reste quelques vents contraires sur cette ligne d’horizon…
C’est pour cela que les encouragements, aujourd’hui, sont si importants. Tout dépend aussi des secteurs d’activité. Pour moi qui suis dans l’aéronautique avec Radiall, c’est la moitié du chiffre d’affaires qui est impacté par ce marasme profond… C’est l’un des trois ou quatre secteurs les plus touchés, après 20 ans de croissance formidable, il faut donc prendre la situation actuelle avec philosophie, s’adapter, et se préparer à un épisode qui va durer deux ou trois ans, certains parlent de cinq ans. A contrario, dans l’automobile, ça fonctionne, le marché a même été boosté par les circonstances. Restent le tourisme, l’événementiel, le commerce, qui sont terriblement touchés, et il ne faut pas les oublier, eux-aussi sont durablement impactés, ils le seront probablement jusqu’à l’arrivée d’un vaccin. À titre personnel, je pense que dès que le vaccin sera là, on pourra avoir une vraie courbe en V derrière, nous aurons tous une boulimie de voyages, de consommation, de loisirs, j’y crois beaucoup, mais il faudra tenir sur les douze mois qui viennent.
L’Europe et la France, en phase sur tout ?
Sur les grands axes oui, il reste quelques divergences au niveau du patronat européen, la taxe aux frontières sur l’empreinte carbone par exemple, ne fait pas encore consensus. Il faudra encore débattre et argumenter entre nous. Business Europe n’a pas vocation à passer en force. L’environnement demeure un objectif accepté et attendu. La transition numérique aussi, pour ses atouts côté compétitivité. Tout comme la protection du marché unique, mise à mal par la situation sanitaire.
Pour la poursuite des réformes…
Pierre Gattaz préconise la poursuite des réformes d’avant-crise, retraites, assurance-chômage… «Ce sont des réformes importantes, le modèle social français nécessite de l’efficience. L’efficacité est sans doute là, mais le coût est énorme, et personne n’a vraiment travaillé sur ce coût depuis des décennies.» Contraintes et normes se sont empilées au fil des lois, provoquant l’explosion des dépenses. «On peut faire beaucoup mieux en payant beaucoup moins, c’est ce qu’on fait dans nos entreprises. Oui, on peut faire baisser le poids de la fiscalité en France.» Objectif parallèle : les réglementations outrancières devront être revues option régime sec, et du terrain. «Une norme pointilleuse, pour en arriver à des détails délirants, c’est très français, il faut basculer sur un système d’objectifs, d’incitations, de conseils…»
Propos recueillis par Isabelle Auzias, Tribune Côte d’Azur pour Réso Hebdo Éco / www.reso-hebdo-eco.com.