"Il est plus que temps d'opérer un virage à 180°"

Alors que la France est en train de vivre un moment sans précédent, se pose la question d'une nouvelle manière de fonctionner. Davantage de coopération, des achats locaux mais surtout, un système de soins qui souffre d'un manque de moyens, tant financiers qu'humains. Espérant qu'en sortie de cette crise, se dessine un autre avenir pour une filière médicale en souffrance.

"Il faut clairement une réévaluation du modèle et une réforme du système de santé."  Crédit photo Maxime Dufour Photographies
"Il faut clairement une réévaluation du modèle et une réforme du système de santé." Crédit photo Maxime Dufour Photographies

En ligne de front sur la gestion de la crise du Covid-19, Eurasanté renforce son rôle d’accompagnement aux entreprises du secteur sur leurs difficultés de trésorerie ou la non réalisation de levées de fonds. “Beaucoup d’acteurs se sont positionnés sur la production de gel hydroalcoolique et de masques, à la fois en élargissant leur production ou en arrivant sur ce secteur” détaille Etienne Vervaecke, directeur général d’Eurasanté, non sans craindre une baisse de ses subventions fixes et récurrentes indispensables à son fonctionnement. Parmi les nombreuses entreprises actives sur cette crise sanitaire, on peut notamment citer Lattice Medical (impression 3D de circuits jetables pour respirateurs), Accante (fabrication de masques), Centrako (linge pour maisons de retraite), Anios (qui passe de 30 T/jour de production de gel hydroalcoolique à 35 T/jour), Apteeus qui travaille sur des molécules pour des candidats médicaments, Running Care (accès gratuit à l’application pour les confinés), ou encore Cutii avec des robots à disposition des EPHAD…

De belles initiatives dont se félicite le directeur général, mais qui pointent une situation alarmante. “Nous voyons là des effets positifs mais ce qui me frappe dans ce contexte – et ce qui j’espère, changera la donne ! –, c’était, jusqu’à présent, une sorte d’acquiescement collectif à la production à l’étranger ! Enfin, il semble que l’on comprenne que maîtriser sur son sol et avoir les outils de production sont un enjeu de souveraineté nationale. Je pense aussi que cette crise remettra bien plus au centre des décisions économiques et politiques, la place des industries de santé. Sur les dernières années, nous avons trop souffert d’amalgames : le développement économique passerait uniquement par l’innovation et donc par le numérique. Bien évidemment qu’il y a besoin du numérique dans la santé mais on a surtout besoin de soignants, de produire des consommables et d’avoir les outils de production.

La nécessaire réforme du système de soins

Fervent défenseur de l’hôpital public, Etienne Vervaecke espère aussi une prise de conscience sur un système arrivé à bout de souffle. “C’est une nécessité de revoir le fonctionnement de l’hôpital public sur lequel on tape toujours. Dans le cadre de la reprise, je prônerai la nationalisation des cliniques – il faut savoir que seuls 10% des cas du Covid-19 le sont dans le privé ! Il faut clairement une réévaluation du modèle et une réforme du système de santé. Il est plus que temps d’établir un virage à 180°, sinon on se réveillera dans 10 ans avec une autre crise sanitaire et un système mal préparé.”

“Quant à la recherche française, poursuit-il, elle est sous-financée depuis 30 ans et on lui demande d’un coup de faire des miracles en trouvant des vaccins ! Je regrette aussi la fuite de nombreuses entreprises françaises vers d’autres pays qui n’ont pas cette lourdeur administrative et réglementaire. Et cela a un effet direct sur les patients qui ne peuvent pas avoir accès aux innovations de santé. Il faudra donc que l’Etat et l’Europe allouent davantage de moyens aux agences de réglementation pour alléger ce fardeau bureaucratique qui pèse sur les essais cliniques en France. J’espère vraiment de vraies réformes de réorientations des efforts de dépenses publiques.