"Ici on reste". Dans le Gard, les agriculteurs ne désarment pas

"Ici, on reste". Contrairement à leurs collègues de départements voisins, des agriculteurs du Gard bloquent toujours samedi une autoroute à hauteur de Nîmes, dans l'attente d'"autres mesures" du...

Des agriculteurs bloquent une portion de l'autoroute A9 à hauteur de Nîmes, le 25 janvier 2024 © Sylvain THOMAS
Des agriculteurs bloquent une portion de l'autoroute A9 à hauteur de Nîmes, le 25 janvier 2024 © Sylvain THOMAS

"Ici, on reste". Contrairement à leurs collègues de départements voisins, des agriculteurs du Gard bloquent toujours samedi une autoroute à hauteur de Nîmes, dans l'attente d'"autres mesures" du gouvernement, notamment pour le secteur viticole.

Installés depuis jeudi matin sous l'échangeur du kilomètre Delta qui fait la jonction entre les autoroutes A9 et A54, ils sont entre 100 et 150, la plupart en vêtements de travail, venus avec leurs tracteurs et camions-bennes, très déterminés. Pendu au pont qui les surplombe, un mannequin représente un agriculteur en bleu de travail.

"On n'est pas prêt de lever le camp", assène le président du syndicat FDSEA 30, David Sève, peu après s'être entretenu avec une délégation d'élus venus, selon lui, "regarder un petit peu comment évacuer les choses". "Mais nous, c'est +Non, on reste+. Pour l'instant il n'y a pas de discussion".

"Tant que des mesures viticoles ne sont pas annoncées, et tant que même les autres mesures ne le sont pas, on ne peut pas lever le camp. Le compte n'y est vraiment pas. En tout cas pour nos cultures méditerranéennes, c'est sûr, donc, concrètement, la nuit prochaine? On reste là!", assure le syndicaliste quinquagénaire.

Installé à Meynes, avec son fils, sur une exploitation de 35 hectares de vignes, Jean-Louis Portal, à la carrure de rugbyman, rappelle que les viticulteurs du Gard "sortent de cinq années avec des calamités agricoles". "Les trésoreries sont fragilisées, et maintenant, avec le problème de la mévente de vin, on perd de l'argent tous les mois, tous les jours... Donc, on a besoin d'aide", lâche-t-il.

Depuis le début de leur occupation, les agriculteurs se sont organisés. Entassées en travers de l'autoroute déserte, de nombreuses bottes de foin barrent entièrement l'A9, axe stratégique reliant Orange (Vaucluse) à la frontière espagnole. Des grandes cuves métalliques font office de barbecue pour cuire des grillades. Aux côtés des tracteurs et des camions-bennes, plusieurs tas de sarments ont été jetés sur la route.

les prix, les prix, les prix...

Samedi, ces paysans du Gard ont reçu la visite du député Insoumis de la Somme François Ruffin. L'élu LFI - jeans, pull et parka noire - prend des notes tout en discutant avec des éleveurs, des vignerons, des maraîchers. La plupart des manifestants sont indifférents, beaucoup ne le connaissent pas mais répondent volontiers à ses questions. 

"Pour moi qui viens du Nord, c'est +dépaysant+... Là, j'entends parler de riz, de pêches, de vignes... Je viens vérifier qu'au fond, les problèmes d'ici sont aussi les problèmes de chez moi", explique François Ruffin. 

"Il y a évidemment des particularités locales mais il y a un grand souci national, qui n'est pas né d'aujourd'hui, ni d'hier mais qui traîne depuis des années (...) et ce sont les prix, les prix, les prix", affirme le député LFI, qui prône une "exception agriculturelle" autorisant "protections douanières et barrières tarifaires afin de réguler".

Arborant gilet et casquette au sigle de la FDSEA, Sébastien Gimenez, agriculteur à Redessan (Gard), aspire lui aussi à plus de régulation. Pour ce maraîcher, à la peau tannée par le soleil, passé en bio il y a près de 10 ans, "il faut d'abord que le producteur puisse imposer ses prix à la grande distribution, évidemment conditionnés par des justificatifs qui prouvent notre coût de production".

"Hier soir, ce qu’a dit Gabriel Attal était, pour nous, du chinois. Il ne parle pas la même langue que nous…", fulmine-t-il.

"On a une inflation qui a fait grimper les prix de 30 à 40% sur nos intrants. On n'a plus de marge!, abonde David Sève. La moitié de ceux qui sont là n'existeront plus l'année prochaine. Donc croyez-moi que les gens sont motivés! Quitte à tout perdre, autant rester!", lâche-t-il, avant de grimper sur une botte de foin pour appeler à une minute de silence en hommage à l'éleveuse de l'Ariège et sa fille, tuées accidentellement sur un barrage.

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