Entretien
Citeo, partenaire privilégié du tri des emballages en Hauts-de-France
75 kilos d’emballages ménagers et de papiers triés en 2021, une progression de trois points des performances globales de tri (72% pour les emballages et 62% pour les papiers) : les Hauts-de-France font partie du peloton de tête des régions qui recyclent. Le résultat des efforts continus de ses habitants et de la simplification du geste de tri, comme l’explique Sabine Haltebourg, directrice régionale de l’entreprise à mission Citeo.
Picardie La Gazette : Citeo a a été créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers. Comment cela se traduit-il concrètement sur le territoire ?
Sabine Haltebourg : Citeo est le premier éco-organisme de France, créé il y a 30 ans, au départ sous le nom d’Eco-emballages, avec comme symbole le fameux bac jaune. Nous sommes devenus entreprise à mission en 2019, dans le cadre de la loi PACte avec toujours la même vocation : réduire l’impact environnemental et carbone des clients.
Concrètement, cela signifie que nos clients ont cette responsabilité élargie du producteur de financer la collecte, le tri, et donc le recyclage des emballages qu’ils mettent sur le marché. Citeo intervient sur ce volet, et plus particulièrement auprès des territoires, pour accompagner le captage de ces emballages.
Comment cet écosystème se structure-t-il en région ?
Citeo collecte les contributions financières des clients pour les redistribuer aux collectivités du territoire, qui ont la compétence collecte et tri. Notre accompagnement passe aussi par des projets structurants, avec le déploiement des dispositifs de collecte – bacs jaunes et points d’apport volontaire – pour les citoyens, premiers acteurs du tri. Les territoires doivent également être dotés de centres de tri modernisés pour recevoir ces emballages, avec in fine une industrie à même d’en effectuer le recyclage. Tous les acteurs de la chaîne ont leur importance dans cette économie circulaire.
Quelles sont les marges de progression du tri en Hauts-de-France ?
Il faut d’abord rappeler qu’historiquement notre région est performante en matière de tri des emballages, avec 75 kilos recyclés par habitant, contre une moyenne nationale à 69 kilos. Là où des efforts doivent encore être fournis, c’est tout ce qui concerne l’Extension des consignes de tri (ECT), inscrite dans le grand plan de transformation et d’accompagnement des territoires.
Il faut trier tous les emballages et papiers dans les bacs jaunes, sans se poser de questions, ce qui induit d’avoir à disposition immédiate le contenant adéquat, qu’il soit bien jaune pour être immédiatement identifié – dans certains territoires des Hauts-de-France, il n’y a pas cette homogénéisation de couleur. La consigne et le geste de tri doivent eux aussi être homogènes. Nous devons vraiment accentuer l’effort sur le tri des emballages plastiques, il reste encore plusieurs paliers de performances à franchir.
Le tri du verre est davantage ancré dans les mœurs, c’est tout l’objet de l’ECT : ancrer aussi dans le geste du trieur celui de l’emballage plastique. D’où le programme de sensibilisation de Citeo dans les territoires. Le premier maillon de l’Extension de la consigne de tri, c’est la communication de mobilisation du citoyen, qui doit être simple et claire. Sa motivation est un levier essentiel à activer : il faut lui donner envie d’opérer ce tri - qui permet d’économiser 2,2 millions d’émissions de Co2, soit l’équivalent d’un million de voitures en moins sur les routes par an -, lui donner des indicateurs parlants, lui expliquer en quoi ce geste est vertueux, qu’il s’inscrit dans une politique d’économie circulaire et un vrai projet de territoire. Il faut beaucoup de pédagogie et de transparence.
Citeo accompagne aussi les collectivités dans la mise en place d’un dispositif de tri hors foyer, nous avons d’ailleurs mené une expérimentation à Amiens, le projet Point urbain récupération (Pur), avec 37 bornes implantées de juillet 2021 à janvier dernier dans l’espace public. Trois tonnes d’ordures ménagères, 13 tonnes de papiers-cartons et 5,6 tonnes de plastiques-métaux ont été collectées, soit au total quatre à cinq fois plus qu’une collecte dans les poubelles de rue classiques.
Il est nécessaire de proposer aux habitants cette continuité du geste de tri lors de la consommation nomade, c’est un vrai enjeu. Les comportements changent, mais nous avons encore un gros travail de pédagogie à mener auprès des citoyens pour développer l’éco-responsabilité, c’est une tâche de longue haleine.
Les performances de tri ont également été favorisées par le déploiement de la tarification incitative…
Oui, elle est en cours de développement en Hauts-de-France : plusieurs territoires sont passés sous le régime de la tarification incitative, avec plus de 400 000 habitants concernés. Elle est aujourd’hui effective pour le Syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (Smictom) de la région des Flandres, le Syndicat intercommunal de ramassage des ordures ménagères (Sirom) Flandre Nord, les communautés de communes du Vermandois, du Pays de la Serre, du Canton de Charly-sur-Marne, des Portes de la Thiérache, du Val de l’Aisne et la Communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry. La tarification incitative permet dans les collectivités où elle est appliquée une diminution de 5 à 10% des coûts de gestion des déchets et une remobilisation en faveur du geste de tri.
La région se classe à la 7e position en ce qui concerne les performances de tri des emballages ménagers. Quelles actions initier pour gravir quelques marches du podium ?
Une précision d’abord : les Hauts-de France sont à scinder en deux : le bas (l’ex Picardie), à 100% en ECT avec des centres de tri modernisés, en capacité d’accueillir l’ensemble des emballages. Ils sont performants en termes de recyclage, avec des machines à tri optiques, mais aussi au niveau des conditions de travail des collaborateurs, qui exercent des métiers difficiles : l’air des cabines est purifié, les positions permettent de limiter au maximum les TMS… Dans le Nord par exemple, les projets sont moins aboutis.
Au risque de me répéter, la première action à mettre en place, c’est la fameuse Extension des consignes de tri. Si l’on capte plus d’emballages, on augmente logiquement la performance. Le premier de la classe, le Bretagne, est à 81,3 kilos par habitant, contre 57,6 kilos par habitant pour les Hauts-de-France.
Le seul département hyper performant dans la région, et de longue date, c’est le Pas-de-Calais, avec 83,6 kilos par habitant, le geste de tri y est plus naturel et ancré. À l’autre bout du spectre, on trouve le Nord, avec 69,9 kilos par habitant.
La solution pour booster le tri pourrait-elle aussi venir des jeunes, et de l’éveil ou du renforcement de leur conscience environnementale ?
Nous menons effectivement un gros travail pédagogique envers eux, en accompagnant les enseignants via des supports dédiés, pour les aider à prodiguer aux plus jeunes cette éducation environnementale. Nous avons mis sur pied un programme jeunesse, avec le club Citeo, qui propose notamment des revues expliquant le tri. Je crois vraiment à la récurrence de la communication : il faut marteler les messages liés au tri et ne rien lâcher tant que ce geste ne sera pas définitivement ancré dans le quotidien des citoyens.
Chiffres clés 2021 :
- 473 365 tonnes d’emballages ménagers et papiers recyclés en Hauts-de-France (+6,6% comparé à 2020).
- 40% des habitants de la région bénéficient de la simplification des consignes de tri (+33% par rapport à 2020).
- Dans la Somme : chaque habitant a trié en moyenne 79,7 kilos d’emballages ménagers et papiers (+16% sur le tri des emballages légers).
- Dans l’Aisne : chaque habitant a trié en moyenne 72,9 kilos d’emballages ménagers et papiers et 6,5 kilos d’emballages en plastique (+17% comparé à 2020).
- Dans l’Oise : chaque habitant a trié en moyenne 71,2 kilos d’emballages ménagers et papiers (+13% d’emballages légers triés).