Histoire(s) du Japon
Jusqu’au 14 août, le Majestic de Lille présente une rétrospective consacrée au cinéaste japonais Yasujiro Ozu. Soit dix films réalisés lors de la dernière période du cinéaste : celle des grands drames en noir et blanc tels que Voyage à Tokyo (1953), de son passage à la couleur avec Fleurs d’équinoxe (1958) ou de son ultime chef-d’œuvre, Le Goût du saké (1962). Dix grands classiques du cinéaste nippon à retrouver sur grand écran dans leur nouvelle restauration !
Avec ses 54 films tournés entre 1927 et 1962, l’œuvre du Japonais Yasujiro Ozu (1903-1963) compte parmi l’une des plus importantes du XXe siècle – aussi bien qualitativement que quantitativement. Bien que découverts assez tardivement en France – Voyage à Tokyo a été son premier long-métrage projeté en France en 1978 –, ses films sont aujourd’hui devenus des classiques. Ses films témoignent d’une carrière magnifique dans laquelle les drames du quotidien japonais font office de paraboles universelles. Avec son regard si singulier, à la fois proche et distancié, le cinéaste invite le spectateur à occuper une place dans le récit, à se joindre à ces histoires de famille qui trouvent une résonance en chacun de nous. Car le génie d’Ozu consiste à montrer les choses de la vie – le temps qui passe, les familles qui se disloquent, l’occidentalisation du Japon – à travers une mise en scène aussi sophistiquée qu’épurée.
Parmi les films projetés, certains offrent la quintessence du style singulier du cinéaste tel Printemps tardif, élu Meilleur film de l’année 1949 par la critique japonaise. Premier film dit «de la maturité», Printemps tardif est une œuvre déchirante sur l’amour filial dans le Japon de l’après-guerre où Chishu Ryu et Setsuko Hara, fidèles interprètes du cinéaste, sont bouleversants. Avec Le Goût du riz au thé vert, Ozu délaisse la chronique familiale générationnelle pour réaliser une étude de mœurs sur la vie de couple et ses aléas, adoptant cette fois un ton plus léger. En choisissant d’utiliser le point de vue féminin, le cinéaste reprend avec brio le schéma de la femme moderne emprunté au cinéma américain de l’époque, clin d’œil au couple Katharine Hepburn/Spencer Tracy dans Madame porte la culotte (1949).
Premier film en couleurs de Yasujiro Ozu, Fleurs d’équinoxe brosse un émouvant portrait de père de famille tiraillé entre conservatisme et progressisme. Renouant avec les thèmes qui lui sont chers – la famille et la question de la filiation, l’abandon des traditions – le cinéaste se place ici du point de vue des parents. Fidèle à sa mise en scène minimaliste, le cinéaste nippon opte cette fois-ci pour un ton plus léger, loin des mélodrames qui ont fait sa renommée.
Ultime film d’Ozu, Le Goût du saké est aussi l’un de ses récits les plus touchants et les plus personnels, aboutissement de son style et de son travail sur la couleur. Avec un regard désabusé, il dresse l’état des lieux du Japon des années 1960, entre disparition des valeurs traditionnelles et occidentalisation de la nouvelle génération.