Harcèlement à l'école: les parents de Nicolas "outrés", Attal exige un "électrochoc"

"Outrés et effarés": les parents de Nicolas, l'adolescent de Poissy (Yvelines) qui s'est suicidé à la rentrée après s'être plaint de harcèlement, sont sortis du silence pour condamner les réponses de l'administration à qui le ministre de l'Education nationale Gabriel...

L'entrée du lycée professionnel des métiers Adrienne-Bolland à Poissy, dans les Yvelines, le 7 septembre 2023 © JULIEN DE ROSA
L'entrée du lycée professionnel des métiers Adrienne-Bolland à Poissy, dans les Yvelines, le 7 septembre 2023 © JULIEN DE ROSA

"Outrés et effarés": les parents de Nicolas, l'adolescent de Poissy (Yvelines) qui s'est suicidé à la rentrée après s'être plaint de harcèlement, sont sortis du silence pour condamner les réponses de l'administration à qui le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal promet un "électrochoc à tous les niveaux".

"Nous avons été outrés et effarés de recevoir de telles lettres", a déclaré la mère du lycéen, Béatrice, dans un échange écrit dimanche avec l'AFP.

"Nous, le papa de Nicolas et moi-même, nous ne comprenions pas. Nous ne comprenons toujours pas", a-t-elle confié.

Devant les recteurs réunis exceptionnellement lundi après-midi, M. Attal a promis un "électrochoc à tous les niveaux" dans la lutte contre le harcèlement scolaire.

"Mon rôle, votre rôle, n’est pas de protéger une Institution à tout prix, mais de protéger à tout prix nos élèves, nos enfants", a-t-il déclaré selon des propos rapportés par son entourage.

Un audit sur la gestion des cas de harcèlement de septembre 2022 à septembre 2023 sera lancé dans chaque académie. Les conclusions sont attendues dans quatre semaines. Les résultats de la lutte contre le harcèlement menée par les rectorats seront évalués chaque année. Des moyens humains seront dégagés.

Dans des échanges de courriers entre la famille, le proviseur de son lycée de Poissy et le rectorat de Versailles, révélés samedi par BFMTV, le rectorat jugeait "inacceptables" des propos des parents qui auraient "remis en cause" l'attitude des personnels de l'établissement. Il demandait également aux parents d'adopter une "attitude constructive et respectueuse" à son égard, en leur rappelant les risques pénaux d'une dénonciation calomnieuse.

Le ton de ces missives a suscité de vives réactions du gouvernement samedi. La Première ministre Elisabeth Borne l'a qualifié de "choquant" et Gabriel Attal de "honte".

Ces commentaires montrent que Nicolas est enfin "reconnu dans sa souffrance et son harcèlement", a dit sa mère à l'AFP, mais pour autant ils ne la dissuadent pas d'une éventuelle action en justice. "Avant de prendre cette décision, nous attendons les résultats des enquêtes et les actions qui seront menées par le gouvernement".

"Sur le contenu des courriers que nous avons reçus, à ce jour, nous n'avons pas eu de réaction de la part des équipes pédagogiques tant sur le fond que sur la forme", a-t-elle déploré. "Nous ne savons toujours pas si une sanction, même symbolique, a été émise à l'encontre des harceleurs".

Aider notre fils

Nicolas, 15 ans, s'est suicidé le 5 septembre. Un an auparavant, peu après la rentrée 2022, ses parents avaient signalé à l'équipe pédagogique du lycée de Poissy qu'il était harcelé.

Sa situation avait "commencé à se dégrader" en octobre 2022, a raconté sa mère. "Mais nous avions confiance car le professeur principal était en relation directe avec le papa de Nicolas. Ils se sont vus plusieurs fois".

A la mi-mars, les parents ont appris par son psychologue que leur fils avait fait une tentative de suicide en janvier. "C'est à ce moment-là que nous avons tout mis en branle pour aider notre fils, main courante, rendez-vous avec le proviseur, échanges de courriers, etc.", a-t-elle énuméré.

Après un premier rendez-vous avec l'équipe pédagogique, les parents ont envoyé un nouveau courrier au proviseur. Ils l'informaient qu'une main courante avait été déposée. Mais ils n'ont reçu en réponse que les lettres rendues publiques samedi.

A la rentrée, Nicolas avait changé d'établissement. "Cet été, il était heureux de passer des vacances avec moi. Il devait faire un CAP en alternance en électricité. A la rentrée, il était stressé parce qu'il commençait quelque chose de nouveau", a rapporté Béatrice.

Une enquête administrative a été diligentée et doit rendre ses conclusions sous 15 jours. 

Pour Nora Fraisse, fondatrice de l'association de lutte contre le harcèlement Marion la main tendue, "ce genre de courriers où se mêlent culpabilité et parfois menace d'enquête sociale sont malheureusement fréquemment envoyés dans ces cas-là". 

Après un suicide, il est "normal" qu'un tel courrier "choque", a estimé de son côté Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Il faut cependant "attendre les résultats de l'enquête administrative" pour "savoir exactement ce qui s'est passé", a-t-elle souligné.

Pour Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d'établissements, "l'académie de Versailles a vécu le drame Samuel Paty et il y a donc une protection et un soutien des personnels peut-être plus rapides qu'ailleurs".

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