Gilles Treuil : « La force des CCI est d'être au plus près des territoires »

Quel bilan de 2020 faites-vous pour les entreprises de la région ?

Gilles Treuil, président des CCI Normandie : « C'est une année très particulière qui a obligé tout le monde à s'adapter. On peut être fier de la résilience de nos chefs d'entreprise et leurs collaborateurs. On peut saluer également les aides de l’État et de la Région qui sont significatives ainsi que les Chambres de commerce et d'industrie (CCI) qui ont joué un rôle prépondérant dans cette organisation des aides de l’État notamment avec le numéro unique. 21 500 entreprises ont été prises en charge depuis le premier confinement. On a organisé très vite des "drive" dans les CCI pour distribuer des masques aux commerçants et employés. Nous avons également mis en place des baromètres pour adapter les aides suivant les secteurs (toutes les semaines, 500 entreprises étaient contactées pour connaître leurs besoins pendant le premier confinement, NDLR). La force des CCI est d'être au plus près de l'ensemble des territoires pour pouvoir faire remonter le pouls des entreprises. Nous avons créé la plateforme "Protégez-vous Normands", pour laquelle 40 industriels sont aujourd'hui partenaires. Je veux féliciter nos industriels qui ont su réorganiser leur fabrication, comme le groupe Lemoine qui a investi pour fabriquer des masques chirurgicaux. »

Comment la CCI s'est adaptée face à la crise sanitaire ?

Delphine Wahl, directrice générale des CCI Normandie : « Nous sommes passés à 100% en télétravail, ce qui est un exercice particulier. Par exemple, la formation et l'accompagnement aux entreprises représentent 700 collaborateurs. Du jour au lendemain, tous les collaborateurs ont été en télétravail. Pour autant, nous avons mené toutes nos missions. Il y a une vraie dynamique et un engagement des collaborateurs. Le meilleur exemple a été les permanences le samedi, nous avons eu beaucoup, même trop, de volontaires. À aucun moment, les services de la CCI ont été fermés. »

Gilles Treuil, président des CCI Normandie : « Les collaborateurs se sont sentis utiles à la société, il y a eu un vrai élan. Les Chambres de commerce et d'industrie ont été reconnus, ça a été très agréable pour tout le monde. »

Quels enseignements ont tiré les chefs d'entreprise de cette situation ?

Gilles Treuil, président des CCI Normandie : « Je ne sais pas si l'on peut parler d'enseignements. C'est comme si c'était une guerre. On pourrait imaginer comment va évoluer le travail notamment avec le télétravail et l'implication des collaborateurs. Les entreprises sont là pour s'adapter, mais, malheureusement, nous sommes en concurrence avec un marché mondial et il ne faut pas oublier de rester compétitifs. La compétitivité nous est rappelé tous les jours. Il y a des métiers qui peuvent se faire plus facilement en télétravail que d'autres, mais il faut aussi prendre en compte les collaborateurs. Dans mon entreprise, 80% de mes collaborateurs ne veulent pas télétravailler. Ils veulent avoir une vie sociale au travail. Il n'y a pas qu'un dogmatisme, il faut qu'il y ait un dialogue dans l'entreprise pour laisser le choix à chacun. »

« Quand les aides vont s'arrêter, cela va être dramatique »

Les perspectives 2021 en Normandie sont-elles moroses ou plutôt optimistes ?

Gilles Treuil, président des CCI Normandie : « Cela dépend des secteurs. Il y a des secteurs, comme les cafés, hôtels et restaurants, dans lesquels les doutes se posent surtout sur le fait de tenir jusqu'à la réouverture. L'aéronautique est lourdement touchée également, même si certaines industries essaient de rebondir. Il y a des secteurs qui se portent bien comme le bâtiment, l'informatique ou encore la logistique. Les dépôts de bilan, c'est un peu comme un tsunami. Pour l'instant, les statistiques montrent qu'il y a moins de dépôts de bilan que les années précédentes grâce au soutien de l’État, qui n'a pas fait le tri entre ceux qui étaient sur le point de déposer le bilan et ceux qui ne l'étaient pas. Quand les aides vont s'arrêter, cela va être dramatique. Pour cela, nous avons mis en place un numéro unique "CCI Prévention" (02 32 10 09 00). L'idée est de fédérer les acteurs pour aider les entreprises quand ils ont des problématiques, que ce soit d'ordre bancaire, de formation ou bien plus graves comme le suicide. Un seul interlocuteur, dès le début, va pouvoir diriger l'entreprise en fonction de la gravité du secteur. Il y a des sentinelles, à plusieurs niveaux notamment chez les experts-comptables, qui vont détecter quand un chef d'entreprise ne va pas bien. La CCI prend le relais. L'opérateur, formé pour cela, va pouvoir savoir où en est le dirigeant. »

2021 marquera, on l'espère, la fin de la crise sanitaire mais peut-être aussi la fin des aides aux entreprises. C'est quelque chose qui vous inquiète ?

Gilles Treuil, président des CCI de Normandie : « C'est inévitable. Je le crains. D'un autre côté, le monde économique ne peut pas vivre qu'avec des aides, ça paraît logique. Il n'y a que le vaccin qui pourra nous sortir de cette situation. »

Comment la CCI s'implique-t-elle dans le plan "France Relance" ?

Gilles Treuil, président des CCI de Normandie : « On anticipe de gérer les dépôts de bilan, mais parmi les perspectives il y a "France Relance". Le plan de relance est copieux. »

Delphine Wahl, directrice générale des CCI Normandie : « Nous avons lancé une campagne d'appel à projets, il y en a 40 qui sont actifs. Notre enjeu est de contacter les entreprises pour savoir leur besoin spécifique et de trouver le bon appel à projet qui peut correspondre. Le gouvernement nous a confié une mission sur l'industrie. Nous avons donc contacté toutes les entreprises entre 6 à 250 salariés entre octobre et novembre, soit 1 700 entreprises. Et pour les cafés-hôtels-restaurants-commerces, nous avons contacté 1 500 structures qui entraient dans les critères définis par l’État. »

Propos recueillis par Chloé Guérout

Les élections dans les CCI doivent avoir lieu du 20 octobre au 2 novembre. Gilles Treuil et Delphine Wahl lance un appel à candidatures pour ceux qui voudraient s'investir et un appel à la mobilisation.