"Gilets jaunes": cour criminelle requise pour un policier suspecté d'avoir éborgné Jérôme Rodrigues
Vers un premier procès d'ampleur pour la mutilation d'un "gilet jaune"? Le parquet de Paris a requis le renvoi devant la cour criminelle d'un policier suspecté de l'éborgnement début 2019, place de la Bastille à Paris...
Vers un premier procès d'ampleur pour la mutilation d'un "gilet jaune"? Le parquet de Paris a requis le renvoi devant la cour criminelle d'un policier suspecté de l'éborgnement début 2019, place de la Bastille à Paris, de l'une des figures du mouvement, Jérôme Rodrigues.
D'après des sources proches du dossier jeudi à l'AFP, confirmant une information de Mediapart, le parquet a demandé le 20 septembre contre Brice C. un procès pour violences avec arme, par personne dépositaire de l'autorité publique, ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, soit un crime passible de quinze ans de prison.
Dans ce dossier, Brice C. ainsi qu'un autre fonctionnaire de police, Baptiste R., avaient été mis en examen en janvier 2021 respectivement pour la mutilation de Jérôme Rodrigues avec une grenade de désencerclement et la blessure à la jambe par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) d'un de ses amis, Michaël, lors de l'acte 11 des "gilets jaunes", le 26 janvier 2019.
Pour ce second policier, un procès est requis pour violences volontaires aggravées n'ayant pas entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours, un délit.
A l'époque des faits, la concomitance du tir de LBD et du lancer de grenade sur le groupe de M. Rodrigues avait créé la confusion sur l'origine des blessures. D'autant que les autorités avaient un temps contesté l'usage du LBD à l'heure des faits.
Mais le travail conjoint de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et du magistrat instructeur pour éplucher les nombreuses vidéos amateurs et sécuritaires de la scène, ainsi qu'une remise en situation place de la Bastille, a permis de clarifier les responsabilités.
Sollicité jeudi par l'AFP, M. Rodrigues a répondu aller "mal" et que ce dossier était pour lui "terminé, c'est du passé".
Son avocat, Arié Alimi, a indiqué que c'était désormais "l'heure des comptes": "Ils vont devoir être rendus par Laurent Nuñez (ndlr: le préfet de police), par les syndicats de police, par la place Beauvau et par Emmanuel Macron qui sont responsables des victimes du maintien de l'ordre".
Pas de "menace
Le chef de file des "gilets jaunes" a "subi un harcèlement policier permanent pour avoir contesté une politique de précarisation extrême du peuple français", s'est indigné son conseil.
"Le gardien de la paix soutient de manière constante depuis le début de cette procédure avoir agi en état de légitime défense", a regretté de son côté Sébastien Journé, qui défend Brice C. avec Gilles-William Goldnadel.
Le lancer de grenade est intervenu en réponse à "des violences commises par des black-blocs situés à proximité immédiate de M. Rodrigues", a ajouté le conseil, qui promet de formuler de "nouvelles observations très vives" au juge d'instruction.
Ce 26 janvier 2019, les deux policiers, membres de compagnies d'intervention (CSI), intervenaient dans "une situation tendue" avec des "conditions particulièrement difficiles" et un "manque exprimé quant à une formation spécifique au maintien de l'ordre", remarque la procureure dans ses réquisitions, dont l'AFP a eu connaissance.
Ils ne pouvaient faire usage de la force d'initiative et sans sommation que si des violences étaient exercées ou s'ils ne pouvaient défendre autrement le terrain occupé, rappelle la magistrate.
Au terme de l'enquête, Jérôme Rodrigues et Michaël "n'ont pas eu un comportement agressif ou même menaçant à l'égard des forces de l'ordre en dehors d'invectives", tranche la procureure.
Elle écarte le fait que la figure des "gilets jaunes" ait pu être "personnellement visée".
D'après la procureure, ce sont des "propos virulents" d'un autre manifestant qui ont entraîné le tir de grenade de Brice C. Ces propos, "inadaptés", ne constituaient pas "une quelconque menace physique".
Il revient désormais au juge d'instruction de trancher sur la tenue d'un procès ou non.
Au moins vingt-trois éborgnés avaient été recensés par l'AFP lors du mouvement des "gilets jaunes" à l'hiver 2018-2019.
Selon une enquête de l'AFP en novembre 2023, aucun n'a obtenu la condamnation de l'auteur de sa blessure: à cette date, un seul procès avait eu lieu, qui s'était soldé par une relaxe, les autres plaintes étant à l'examen, engluées ou classées.
En juin, le parquet a requis un non-lieu en faveur d'un major de CRS, mis en cause pour un tir d'une grenade dont l'explosion a mutilé un "gilet jaune" en novembre 2018.
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