Gaité Lyrique: après trois mois d'occupation, 450 jeunes migrants toujours en attente d'hébergement
"Si on laisse les jeunes à la rue, on ne sait pas ce qu'ils vont devenir." Originaire de Guinée, Alse, emmitouflé dans sa doudoune, fait partie des 450 migrants mineurs isolés occupant le centre culturel de la Gaîté...

"Si on laisse les jeunes à la rue, on ne sait pas ce qu'ils vont devenir." Originaire de Guinée, Alse, emmitouflé dans sa doudoune, fait partie des 450 migrants mineurs isolés occupant le centre culturel de la Gaîté Lyrique à Paris depuis le 10 décembre.
Le jeune homme, qui affirme avoir 17 ans, fait partie du Collectif des jeunes de Belleville, à l'origine de l'occupation des lieux. Il préfère parler de leur "combat" plutôt que de sa situation personnelle: "On veut avoir des hébergements, avoir accès à la santé, aux titres de transport, à l'éducation", énumère-t-il à l'AFP, le regard assuré.
Autour de lui, une dizaine de jeunes migrants discutent, devant le bâtiment qui n'accueille plus de public. Il fait doux en ce début de soirée, quelques personnes peignent une banderole rouge posée au sol, "fille à la rue en danger, fille en lutte de la Gaîté", peut-on lire en lettres capitales.
Elles préparent la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars. Peu de filles - une vingtaine - logent dans le lieu culturel du 3e arrondissement, et généralement pour très peu de temps, étant prioritaires pour l'hébergement d'urgence.
La presse ne peut parler aux jeunes migrants qu'à l'extérieur du bâtiment où ils vivent. "Il y avait de plus en plus de demandes, alors, pour des raisons de sécurité, on a préféré limiter" l'accès à l'intérieur, explique un membre du collectif.
Récemment, des militants d'extrême droite sont venus tracter près de la salle, rapportent plusieurs occupants. "On est dans notre coin et ils viennent nous provoquer", déplore Koné (prénom modifié), un Ivoirien, passé par le Mali, l'Algérie, la Tunisie et l'Italie avant d'arriver en France en 2023. "Ils disent qu'on est violents, mais c'est eux le problème".
Le 28 février, le milliardaire et puissant allié de Donal Trump, Elon Musk, avait relayé sur X un article du journal britannique Daily Mail sur la situation du théâtre parisien, fustigeant une "empathie suicidaire" menaçant selon lui la "civilisation".
Comptant sur ses doigts, Koné, qui dit être âgé de 17 ans, liste les lieux d'hébergement qu'il a fréquentés jusqu'ici: une tente à la Gare de Lyon, aux Invalides, un gymnase Porte de Clichy, Portes de Vanves, dans le 20e arrondissement, pour finalement atterir à la Gaîté Lyrique.
Vide juridique
La salle de spectacle municipale ne dispose d’aucune douche et les centaines d’occupants se partagent quatre toilettes. Une cagnotte solidaire a déjà permis de réunir plus de 64.000 euros, utilisés pour financer les petits-déjeuners et les repas du soir.
Depuis le début de l'occupation, la mairie et l’État se renvoient la balle. Saisi par la ville de Paris, propriétaire du théâtre, le juge des référés du tribunal administratif avait ordonné le 13 février l'évacuation dans un délai d'un mois.
Mais la mairie a indiqué qu'elle ne ferait pas appel à la force publique, affirmant avoir lancé cette procédure pour forcer l’État, compétent en matière d'hébergement d'urgence, à "prendre ses responsabilités", et l'a confirmé dans un courrier adressé au collectif, selon ses membres.
Contactée par l'AFP, la préfecture d'Ile-de-France n'a pas souhaité réagir.
Une banderole noire traverse la façade, au-dessus de l'entrée: "Gaîté lyrique occupée. 400 vies en danger, 80 emplois menacés". Les salariés de l'établissement l'ont accrochée avant de partir, exerçant leur droit de retrait alors que, depuis mi-décembre, le lieu culturel avait fermé ses portes au public.
La Ville de Paris a annoncé le 28 février qu'elle assurerait "les activités de gardiennage et de sécurité à compter de ce jour". Les agents de sécurité présents 24H/24H depuis le début de l'occupation, sont restés les mêmes.
"C'est mieux, ils connaissent la situation, ça se passe bien", explique Axelle, soutien du Collectif des jeunes de Belleville.
"Nous allons rester ici tant qu'il n'y aura pas de mise à l'abri", reprend la jeune femme, expliquant que les jeunes exilés ont déposé un recours devant le tribunal pour enfants afin que leur minorité soit reconnue.
Mais le temps de la procédure - qui peut durer plusieurs mois -, ces jeunes migrants se trouvent dans un vide juridique. S’ils sont reconnus mineurs, ils seront pris en charge par les services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance.
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