Forte hausse des défaillances d’entreprises sur la fin d’année 2018
Depuis deux ans, le nombre de défaillances d’entreprises suit une tendance baissière à la faveur d’une croissance économique qui retrouvait peu à peu une certaine robustesse. Toutefois, le retournement de tendance amorcé à l’été s’est confirmé au dernier trimestre 2018, pour aboutir à une quasi stabilité sur l’ensemble de l’année. Des hausses sont attendues pour cette année.
À peine “l’épaisseur d’un trait”, soit seulement 1% de moins qu’en 2017 : la dynamique de reflux des défaillances d’entreprises a bien été freinée l’an dernier, selon le bilan d’Altares, spécialiste des données sur les entreprises. En 2017, le nombre de défaillances avait atteint le niveau de sinistralité de fin 2008, avec quelque 55 000 ouvertures de procédures collectives. « L’année 2018 s’est achevée dans un contexte social tendu et économique incertain. La France, comme les pays de la zone Euro, s’essouffle depuis 2018 après une année 2017 record depuis dix ans, durant laquelle le PIB a gagné 2,3% », rappelle Thierry Million, directeur des études de la société Altares, Dans ce contexte, 54 600 procédures collectives ont été prononcées par les tribunaux en 2018. Après deux trimestres favorables, les troisième (+6%) et dernier (+4%,14 815 défaillances) sont venus confirmer et renforcer un changement de trajectoire. Selon l’étude, « les redressements et liquidations judiciaires concentrent toujours 98% de l’ensemble des procédures pour seulement 2% de sauvegardes, dont les ouvertures reculent de plus de 11%, en 2018 ». Signe de difficultés financières accentuées, les liquidations judiciaires directes ont crû de 4%, sur les trois derniers mois de 2018. « Lorsque s’amorce le mouvement des Gilets jaunes en novembre, les entreprises sont déjà fragilisées par des trésoreries sous tensions depuis plusieurs semaines », relève Thierry Millon. En particulier, « les perturbations ont pu donner le coup de grâce à certains commerces », comme ceux de l’habillement.
Sinistralité accentuée pour les grosses pme et les tpe
Mais derrière la quasi stabilité du nombre de défaillances d’entreprises, il existe une forte hausse de la sinistralité des grandes PME. Après avoir atteint un plus bas depuis 2007 avec 122 défaillances en 2017, les sociétés de plus de 100 salariés subissent de plein fouet le changement de conjoncture à travers une hausse immédiate et corrélative du nombre de défaillances, soit +11,5% dont plus de 24% sur le seul dernier trimestre 2018. L’assureur-crédit Euler Hermes alerte sur le potentiel « effet de domino » des difficultés rencontrées par ces grandes PME. « Certains fournisseurs sont dépendants d’un nombre limités d’acheteurs, et un incident de paiement peut suffire à les mettre en difficulté. Les petits fournisseurs seraient affectés par les difficultés des grands acheteurs, d’où une potentielle recrudescence du nombre de défaillances par la suite », prévient Stéphane Colliac, économiste chargé de la France chez Euler Hermes. Toutefois, ce sont les entreprises de moins de dix salariés qui sont le plus durement touchées puisque, selon Altares, plus de neuf entreprises défaillantes sur dix (94%) sont des TPE, soit -1% sur l’année 2018, mais +3,6% sur le dernier trimestre. Et près des trois quarts (72%) des entités de moins de trois salariés sont immédiatement liquidées. Les PME de 10 à 49 salariés ne font pas exception à la règle, en suivant la même tendance depuis le second trimestre, avec une accélération des sinistres plus marquée au dernier, soit +13%. Avec plus de la moitié (53%) des structures défaillantes, les SARL sont les plus nombreuses à pâtir de la sinistralité. Même tendance pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), soit +23%, en lien avec l’attractivité de ce statut juridique. Le nombre d’associations défaillantes accuse également une nette augmentation au cours du second semestre, soit +7%.
Hausse dans tous les secteurs
Tous les secteurs subissent un revirement brusque de trajectoire sur le dernier trimestre 2018. Dans le bâtiment, les procédures baissent de 2,3% sur l’ensemble de l’année et augmentent de 2,2% sur la dernière période de 2018. Dans le commerce, les détaillants enregistrent un recul de 5,5 % sur l’année, mais une hausse de 4% sur les trois derniers mois. Le secteur du transport routier de marchandises lui aussi accuse le coup avec un dérapage de 11,5% après une année stable à +0,7%. La restauration et les cafés ont également davantage souffert en fin d’année, respectivement +6,1% et +7,1% comme la coiffure et la beauté, plus nettement à +10,8 et 11,9%. L’industrie agroalimentaire reste mal orientée tant sur l’année (+7,5%) que sur le dernier trimestre (+5,7%).
Situation hétérogène selon les régions
En dehors de quatre régions (Provence Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie, Bretagne et Corse) dans le vert en 2018 et sur le dernier trimestre, les autres enregistrent une hausse des défaillances : soit seulement sur les derniers mois de 2018 avec une orientation positive le reste de l’année (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire), soit depuis le début de l’année avec une accentuation de la tendance sur le dernier trimestre. La région Île-de-France figure en tête de ce peloton avec 12 130 procédures enregistrées en 2018, soit 5,6% de plus sur un an. La région des Hauts-de-France fait également partie de ce groupe : même si la sinistralité est au plus bas depuis 2008 avec 4 853 procédures annuelles, le dernier trimestre reste défavorablement orienté à +5,6%. Sur l’année, le Pas-de-Calais (+9,5%) et la Somme (+11,4%) sont les plus en difficulté. Alors qu’« en 2019, voire en 2020, le PIB pourrait, au mieux, stagner aux environs de 1,5% comme en 2018 », selon Thierry Millon, la hausse des défaillances observée en cette fin 2018 devrait se poursuivre ces prochains mois. Pour l’ensemble de l’année 2019, Altares table sur une hausse de 2,6 %, soit 56 000 défaillances. Euler Hermes est un peu plus optimiste qui prévoit une hausse de 2 %.