Financiers et industriels réunis à Bercy pour s'allier dans l'effort de défense

Des investisseurs et des entreprises de défense se réunissent jeudi à Bercy pour réfléchir aux meilleures façons pour les premiers de financer les seconds, quelque 5 milliards d'euros étant nécessaires au secteur pour monter en cadence...

Un atelier de fabrication de munitions pour canons français Caesar aux Forges de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, le 17 mars 2025 © Ed JONES
Un atelier de fabrication de munitions pour canons français Caesar aux Forges de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, le 17 mars 2025 © Ed JONES

Des investisseurs et des entreprises de défense se réunissent jeudi à Bercy pour réfléchir aux meilleures façons pour les premiers de financer les seconds, quelque 5 milliards d'euros étant nécessaires au secteur pour monter en cadence dans le cadre de l'effort national de défense.

"Les entreprises auront besoin à peu près de 5 milliards de fonds propres, de capitaux nouveaux, d'argent des investisseurs publics et privés afin d'augmenter les chaînes de production et de se développer", a annoncé jeudi matin sur TF1 Eric Lombard, le ministre de l'Economie.

"Ce sera de l'argent public de (la banque publique d'investissement, NDLR) Bpifrance, de la Caisse des dépôts, de l'Etat, mais nous avons besoin d'argent privé" également, a détaillé Eric Lombard.

Il a annoncé que Bpifrance allait lancer un nouveau fonds de 450 millions d'euros: les Français pourront ainsi "pour 500 euros devenir indirectement actionnaires des entreprises du secteur de la défense" et par ces "tickets de 500 euros" minimum "placer leur argent sur du long terme", via un capital "bloqué pendant au moins 5 ans".

"C'est très important d'associer l'ensemble des Françaises et Français à cet effort, ce seront des bons placements. Les grands réseaux bancaires et d'assurances vont mettre à disposition d'autres fonds purement privés pour que ceux qui le veulent, sur une base de volontariat", puissent participer, a résumé Eric Lombard.

La nouvelle situation, engendrée par l'évolution de la position américaine vis-à-vis de l'Ukraine et la menace russe, "exige une accélération de notre armement", a rappelé Matignon en amont de cette réunion.

La "base industrielle et technologique de Défense" (BITD) française comporte neuf grands groupes, comme Dassault Aviation, Safran, Thales ou Airbus, mais aussi 4.000 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), dont 1.000 sont stratégiques.

Jeudi, certains acteurs financiers devraient prendre position en faveur d'un soutien à ces entreprises, "et l'idée est d'entraîner les autres dans leur sillage", indique-t-on au gouvernement. 

L'ESG de demain

Énumérant samedi sur France Inter les sujets de la réunion - "Est-ce que les entreprises de défense ont besoin de prêts, de fonds propres, de capacité à produire plus?..." -, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin avait ajouté: "Est-ce qu'elles ont besoin de capacité à travailler plus en tant que groupe européen, plutôt que petites entreprises?".

Mais le secteur financier est souvent réticent à investir dans la défense. 

Les banques, fonds d'investissement ou assureurs sont en effet particulièrement sensibles aux "risques ESG" (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leurs investissements. Des évolutions de doctrine pourraient être annoncées jeudi.

Mercredi, France Assureurs, la fédération des assureurs français, a assuré que ceux-ci étaient "prêts à prendre toute leur part dans l'effort de réarmement du pays".

De même, les six grandes banques regroupées dans la FBF (Fédération bancaire française) se sont dites mardi "pleinement mobilisées pour financer les besoins attendus du secteur", outre les 37 milliards d'euros qu'elles y investissent déjà.

Point de départ

Pour aider la BITD, le ministère des Armées sera aussi "particulièrement exigeant", dans le contexte actuel, sur le fait que les grands industriels déclinent bien les commandes et les paiements passés par l'État vers leurs sous-traitants. 

Le ministre de l'Économie Eric Lombard et celui des Armées Sébastien Lecornu prononceront des discours au début de la réunion, qui occupera la matinée et s'organisera en deux tables rondes.

L'évènement sera surtout, explique Bercy, "un point de départ" du dialogue à venir sur le financement prochain de la défense.

Car cet effort de défense s'inscrit dans un contexte d'équation budgétaire difficile, "il ne peut pas y avoir de nouveau quoi qu'il en coûte" à ce sujet, a prévenu jeudi sur BFM TV/RMC le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, plaidant pour un effort "mesuré" et "financé"

Jeudi après-midi, MM. Lombard et Lecornu doivent se rendre à Bergerac chez le fabricant de poudre et d'explosifs Eurenco, et M. Bayrou est attentu vendredi pour une visite à l'usine de fabrication de canons KNDS à Bourges.

L'UE tout entière est mobilisée sur la défense depuis le début du mois: mercredi, elle a donné le coup d'envoi d'un vaste plan visant à réarmer le continent d'ici à 2030, doté de 800 milliards d'euros.

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