FINANCES Faut-il diminuer les dépenses publiques ?
Les dépenses publiques sont devenues le point notable de la campagne présidentielle. Hélas, elles ne sont souvent abordées que sous l’angle de leur baisse, ce qui exclut de facto toute réflexion sur la nature et l’efficacité de celles-ci…
C’est un euphémisme d’affirmer que les positions sur les dépenses publiques sont tranchées voire tranchantes : les uns, majoritaires, font assaut d’idées pour les baisser tandis que les autres s’ingénient à en défendre l’utilité. L’actuelle majorité politique poursuit d’ailleurs le même objectif de réduction des dépenses publiques que la précédente, dans l’espoir de ramener le déficit (public) en deçà de la barre des 3 % du PIB fixée par le Pacte de stabilité européen.
La nature des dépenses publiques
Par définition, les dépenses publiques correspondent à la somme des dépenses de l’ensemble des administrations publiques : l’État, bien entendu, mais aussi les organismes divers d’administration centrale (ODAC), les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de Sécurité sociale (ASSO). Au total, les dépenses publiques en 2015 s’élevaient à 1 243 milliards d’euros financées par 1 166 milliards d’euros de recettes publiques – essentiellement des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) -, situation qui laisse donc apparaître un déficit public. Les prestations sociales (437 milliards d’euros) et autres transferts sociaux en nature (131 milliards) constituent environ la moitié des dépenses publiques en France. Au niveau de l’UE, la protection sociale représente en moyenne plus de 40 % des dépenses publiques et en tout état de cause le principal poste de dépense publique des pays membres. Plus précisément, ce sont les dépenses liées à la vieillesse, dont les retraites, qui pèsent le plus lourd, soit environ 10 % du PIB dans l’UE. À noter également que le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) est comptabilisé comme une dépense publique bien qu’il s’apparente à une baisse des cotisations sociales des entreprises. Toutes dépenses publiques confondues, la France se situe ainsi en tête du peloton européen, avec 57 % du PIB, à égalité avec la Finlande, suivie de près par la Belgique et le Danemark. Mais cela ne signifie nullement qu’il ne reste plus que 43 % pour le privé, la mesure en proportion du PIB n’étant qu’une manière commode de comparer des données entre États. De plus, le haut niveau de dépense publique en France s’explique avant tout par la conception jacobine, parfois paradoxale, que les citoyens français ont de l’État. En effet, ils ne veulent souvent rien lui devoir mais attendent tout de lui lorsque des difficultés surgissent.
Les diminuer ou non
Dès lors, rien d’étonnant à ce que la France ait fait le choix de répondre collectivement, et par le secteur public, à de nombreux besoins. Deux conceptions des dépenses publiques se font face : l’une qualifiée de libérale et l’autre d’interventionniste. La première, tenant d’une orthodoxie financière, ne reconnaît que peu d’influence du budget de l’État sur la croissance économique et recommande donc une modération de la pression fiscale et l’équilibre des comptes publics. Dans cette approche, la baisse des dépenses publiques rend possible une diminution concomitamment des impôts, en particulier de ceux supportés par les entreprises. Ce faisant, on devrait assister à un enchaînement popularisé, par le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974 et qui lui vaut désormais le nom de théorème de Schmidt : baisse des impôts et cotisations sur les entreprises – hausse des marges – hausse de l’investissement – hausse des emplois. A contrario, les interventionnistes pensent que le budget est un moyen d’action privilégié de l’État pour soutenir l’activité économique. Ainsi, une politique budgétaire menée par l’État pour soutenir l’investissement permettrait, par ses effets d’entraînement positifs sur toute l’économie, de s’approcher du plein-emploi. Or, entre les services publics non marchands à destination des ménages – individualisables, comme l’éducation ou collectifs, comme la justice – et les prestations sociales en nature (médicaments, consultation de médecine, etc.) et en espèces (retraites, allocations, etc.), la moitié de la dépense publique est ainsi constituée de prélèvements qui sont restitués aux ménages et donc soutiennent la croissance ! Les couper de manière brutale conduirait donc inévitablement à une chute de l’activité. En définitive, plutôt que de raboter sans distinction les dépenses publiques dans l’espoir qu’un cercle vertueux se mette en place et prendre ainsi le risque de désorganiser un peu plus les administrations publiques déjà sous tension, comme l’hôpital par exemple, peut-être serait-il davantage nécessaire d’évaluer chaque politique publique. En effet, au-delà du montant des dépenses publiques, il importe aussi, sinon plus, de s’interroger sur leur nature et leur efficacité !