Financement libyen de la présidentielle 2007: un procès retentissant ordonné pour Sarkozy
Un nouveau procès ordonné pour Nicolas Sarkozy, le plus infamant à ses yeux: deux magistrates financières ont signé son renvoi devant le tribunal correctionnel pour être jugé pour les soupçons de financement libyen de sa...
Un nouveau procès ordonné pour Nicolas Sarkozy, le plus infamant à ses yeux: deux magistrates financières ont signé son renvoi devant le tribunal correctionnel pour être jugé pour les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, qu'il nie en bloc.
L'ancien chef de l'Etat (2007-2012) comparaîtra pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens, a annoncé vendredi dans un communiqué le procureur financier, Jean-François Bohnert.
Il sera convoqué sur le banc des prévenus aux côtés de douze autres personnes dont trois anciens ministres: Claude Guéant et Brice Hortefeux, membres du premier cercle de Nicolas Sarkozy, ainsi qu'Eric Woerth, ex-trésorier de la campagne présidentielle suspecte.
Nicolas Sarkozy, 68 ans, a toujours vigoureusement contesté les faits et multiplié les recours contre sa mise en cause. "Je n'ai pas détourné un centime", a-t-il répété mercredi en réponse à une question sur ses démêlés judiciaires sur TF1.
Vendredi après-midi, à la sortie d'une librairie d'Arcachon (Gironde) où il dédicaçait son dernier livre, il s'est refusé à tout commentaire auprès de l'AFP, France Bleu et Sud Ouest: "Ce n'est pas maintenant que j'en parlerai".
Sous réserve d'éventuels recours, l'audience se tiendra "entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025" devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a indiqué le Parquet national financier (PNF).
Pacte de corruption
Les deux magistrates financières ont globalement suivi les réquisitions du PNF qui avait évoqué mi-mai "l'aval" et la "parfaite connaissance de cause" de Nicolas Sarkozy quant aux agissements reprochés.
Dans leur ordonnance de 557 pages signée jeudi dont l'AFP a eu connaissance, elles évoquent dix ans d'enquête tentaculaire confiée à l'Office anticorruption (Oclciff), qui a pâti du "peu de moyens humains", de l'"absence de volonté politique en France", des "manipulations" et autres "déstabilisations", des mentions rarissimes dans un tel document.
Elles soulignent que si "dans les dossiers économiques et financiers, il n'existe pas d'évidence", "il apparaît qu'un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi aux fins de financement de l'élection du premier", accord qu'auraient ensuite notamment mis en œuvre deux lieutenants du président, MM. Guéant et Hortefeux.
Pour les juges, l'idée d'une "machination destinée à nuire à Nicolas Sarkozy", qui avait accueilli avec faste le Guide suprême Libyen fin 2007 à Paris, "pour le punir d'avoir conduit la coalition (internationale) contre (son) régime" en 2011, confronté alors à une révolte populaire issue des printemps arabes, "ne résiste pas à l'analyse".
Deux intermédiaires sont au cœur du dossier: d'abord le Franco-libanais Ziad Takieddine, en fuite au Liban, mais aussi le Franco-algérien Alexandre Djouhri, soupçonné d'avoir œuvré entre France et Libye sur un autre volet que la campagne 2007.
Les avocats de ce dernier, Pierre Cornut-Gentille, Jean-Marc Delas et Charles Consigny, se sont félicités dans un communiqué qu'il soit "lavé de tout soupçon" concernant la présidentielle de 2007.
L'information judiciaire avait été ouverte en avril 2013 sur le fondement d'accusations de dignitaires libyens, de M. Takieddine et la publication par Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle 2012, d'un document censé prouver que cette campagne avait bénéficié de fonds libyens, contesté par M. Sarkozy.
Contreparties
Abondants témoignages parfois antérieurs à 2011, notes des services secrets de Tripoli, mouvements de fonds "atypiques et troubles", matérialisation d'un certain nombre de contreparties... Les magistrats ont réuni une somme d'indices troublants pour étayer la thèse d'un financement libyen à la campagne de l'ex-président ou à son entourage.
Le procès promet une bataille âpre.
Claude Guéant "démontrera" à l'audience "qu'aucune infraction ne pouvait lui être reprochée", a réagi son conseil, Me Philippe Bouchez El Ghozi.
"On parle des millions de Kadhafi mais on ne peut pas faire cette relation avec 30.000 euros recueillis et distribués après la campagne", a aussi lancé l'avocat d'Eric Woerth, Me Jean-Yves Le Borgne.
Côté parties civiles, Me Vincent Brengarth, avocat de l'association anticorruption Sherpa, a pronostiqué "un procès totalement historique", "un signal fort pour tous les justiciables qui déplorent l'existence d'une justice à deux vitesses".
La justice enquête en outre depuis mi-2021 sur une possible tentative de subornation de Ziad Takieddine, qui a temporairement retiré fin 2020 ses accusations contre Nicolas Sarkozy.
Le chef de l'Etat a été entendu mi-juin en tant que suspect et perquisitionné.
Déjà condamné à la prison ferme, en appel dans l'affaire dite des "écoutes" (il a formé un pourvoi) et en première instance dans l'affaire Bygmalion (il sera rejugé en novembre), Nicolas Sarkozy devra donc affronter un troisième dossier judiciaire.
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