Financement : Entre sécurisation et anticipation

Financement : Entre sécurisation et anticipation

Dans une lutte aujourd’hui continue pour tenter de maintenir à flot la trésorerie des entreprises, les actuels dispositifs étatiques mis en place depuis le début de la crise sanitaire et dopés depuis quelques semaines, s’affichent comme des éléments indispensables mais loin d’être suffisants pour réellement sécuriser les finances des structures. Les différents plans et fonds d’appui régionaux permettent d’augmenter les mesures d’urgence de sécurisation tout comme les stratégies développées par les sociétés de capital-risque pour tenter d’accompagner dans l’avenir les structures qui pourront rebondir.

«Il faut à tout prix maintenir à flot la trésorerie des entreprises, c’est la condition sine qua non pour faire face à la reprise quand elle arrive et elle sera brutale.» Ce constat établi par une professionnelle du Chiffre de la région s’affiche, depuis le début de la crise sanitaire, comme le mot d’ordre de l’ensemble des acteurs et accompagnateurs de l’univers entrepreneurial, l’État en première ligne. La relance de l’activité économique  paraît comme le moteur premier. Les différentes mesures mises en œuvre dès la fin du mois de mars ont été boostées après le deuxième confinement des semaines passées à l’image du Fonds de solidarité (voir encadré). Les Prêts garantis par l’État (PGE) viennent de faire l’objet de nouveaux aménagements pour répondre à l’aggravation des conséquences économiques de la pandémie. Le dispositif a été prolongé pour une durée de six mois, les entreprises peuvent aujourd’hui contracter un PGE jusqu’au 30 juin 2021 et non plus seulement jusqu’au 31 décembre de cette année. Les entreprises peuvent également demander un nouveau différé de remboursement d’un an, soit deux années au total de différé. «Il leur est possible aujourd’hui d’intégrer dans la phase d’amortissement une nouvelle période d’un an, pendant laquelle seules les intérêts et le coût de la garantie de l’État seront payés», explique un membre d’un cabinet d’expertise comptable. Sur ce point précis des différés, la Fédération bancaire française (FBF) assure examiner toutes les demandes de différés avec bienveillance. De son côté la Banque de France s’est engagée à ce que ces délais supplémentaires accordés aux entreprises ne soient pas considérés comme des défauts de paiement.

Réalité artificielle

C’est en réalité reculer pour mieux sauter et pour certains, sans doute, dans le vide. «L’effet boomerang du PGE est inévitable, l’entreprise se doit d’anticiper son remboursement. Il est fort de constater également que certaines entreprises, ayant obtenu un PGE, auraient dû faire faillite même sans la Covid-19.» Une bombe à retardement le PGE ? L’avenir le dira mais pour certains cela semble une certitude : «combler le manque à gagner avec un crédit, c’est à la fois retarder le problème et le décupler puisque les entreprises qui font face aux pertes les plus importantes sont aussi celles qui auront le plus de difficulté à rembourser leur PGE.» Des stratégies d’accompagnement financier sont aujourd’hui élaborées par les différents accompagnateurs en la matière pour tenter de limiter la casse annoncée. «Aujourd’hui, la photographie de l’univers entrepreneurial est complètement artificielle. Tout le monde est sous perfusion, c’est une vraie léthargie, mais tout cela ne durera pas. Le bilan est complètement déconnecté de la réalité qui s’annonce, il va devenir vital d’accompagner les TPE et les PME de nos territoires pour leur permettre de rééchelonner leurs dettes du fait de résultats 2020 dégradés et d’accompagner celles qui vont pouvoir redémarrer», assure le président d’une société de capital-risque régionale.

Diversification des financeurs

Dans cette optique, et dès le mois de mai, le Fonds lorrain de consolidation (créé en 2008 pour faire face notamment à la crise des subprimes avec l’appui de l’État, de la région, et Bpifrance et qui devait s’arrêter à la fin de l’année : NDLR), géré par les équipes de l’ILP, (Institut lorrain de participation) a été réactivé. «Son objectif est de renforcer les fonds propres des PME régionales ayant de bons fondamentaux mais fragilisées par des difficultés conjoncturelles (…). Les entreprises qui ont fait appel à un PGE pour renforcer leur trésorerie auront besoin de trouver un nouvel appel d’air pour accompagner leur reprise», explique l’ILP. D’autres sociétés de capital-risque de la région (à l’image d’Ader Investissements) sont sur cette même ligne d’accompagnement des PME régionales (en bonne santé) pour faire face à la reprise. «Tout le monde est conscient aujourd’hui que les TPE et PME qui s’en sortent encore vont avoir besoin de renforcer leurs fonds propres et d’être accompagnées dans leur redémarrage. Notre mission est de pouvoir le permettre et notre intervention entraîne un effet levier au niveau des autres financeurs», explique-t-on chez Ader Investissements. La diversification des financeurs s’affiche comme un des moyens d’aboutir à une sécurisation en matière d’obtention de liquidités pour continuer à avancer. La donne n’est pas nouvelle mais elle semble s’accélérer pendant la période actuelle. Les différentes plateformes de crowfunding, en pleine effervescence aujourd’hui (certaines depuis le mois de mai peuvent même accorder des PGE  sous diverses conditions : NDLR) «Il n’en demeure pas moins qu’un important travail pédagogique est encore à faire notamment au niveau de l’ouverture du capital des sociétés», assure un expert de l’accompagnement financier. L’évangélisation est à la mode, l’écosystème du financement n’échappe pas à la règle et espère bien faire des miracles dans quelques temps.

Fonds de solidarité renforcé

Avec le PGE, le Fonds de solidarité s’affiche comme l’une des principales mesures d’urgence pour tenter de maintenir à flot la trésorerie des entreprises. Depuis la fin novembre, ce Fonds de solidarité est renforcé pour ce mois de décembre. Les entreprises fermées administrativement peuvent demander une aide représentant 20 % de leur chiffre d’affaires, si elle se révèle plus avantageuse que l’aide forfaitaire allant jusqu’à 10 000 euros. Le plafond du Fonds de solidarité est également doublé pour atteindre les 200 000 euros «pour permettre de couvrir, notamment, les restaurateurs qui ont deux, trois restaurants, les chaînes de restauration, les hôtels qui ont plusieurs dizaines ou centaines de salariés qui n’étaient pas couverts jusqu’à présent», assurait Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie fin novembre. Rien qu’en Meurthe-et-Moselle, à la fin novembre, 43,5 millions d’euros ont été mobilisés pour pas loin de 13 000 entreprises.

Meilleur accès au financement…

Forte baisse de leur CA et de leurs bénéfices, mais d’un meilleur accès aux financements ! Constat établi par la Banque centrale européenne fin novembre dans son enquête sur l’accès des entreprises au financement de la zone euro. «Au cours de la période allant d’avril à septembre 2020, les PME de la zone euro ont déclaré une forte baisse de leur CA (- 46 %) et de leurs bénéfices (- 47 %). Les PME indiquent une amélioration de l’accès aux prêts bancaires élevés ayant été enregistrés  en Espagne (17 %), en Italie (15 %) et en France (10 %)», peut-on lire dans cette enquête (plus d’infos sur le site : www.ecb.europa.eu). Autres enseignements de cette enquête : la disponibilité de prêts bancaires s’est accrue en raison des politiques publiques de soutien et de la propension des banques à accorder des crédits. À noter que les PME s’attendent à une détérioration de la disponibilité de la plupart des sources de financement externe.