Fin du procès des effondrements de la rue d'Aubagne, délibéré au 7 juillet
Le procès des effondrements de la rue d'Aubagne à Marseille s'est achevé mercredi, après six semaines de débats marqués par une forte émotion et un combat âpre sur les responsabilités ayant pu conduire à ce drame "inéluctable" du...
Le procès des effondrements de la rue d'Aubagne à Marseille s'est achevé mercredi, après six semaines de débats marqués par une forte émotion et un combat âpre sur les responsabilités ayant pu conduire à ce drame "inéluctable" du logement indigne dans la deuxième ville de France.
Le tribunal correctionnel de Marseille a mis son jugement en délibéré au 7 juillet 2025, rappelant qu’"honorer la mémoire (des huit victimes), c'est s'efforcer d'être le plus juste possible dans la recherche et la sanction de celles et ceux qui sont susceptibles d'être pénalement responsables de leur sort funeste".
Au total, 16 prévenus -copropriétaires, syndic, bailleur social, architecte-expert et ex-adjoint à la mairie- étaient poursuivis pour différents chefs, dont homicide involontaire et soumission de personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indigne.
Dans son réquisitoire, le procureur avait requis des peines de prison ferme à l'encontre de dix d'entre eux, parmi lesquels le seul élu municipal poursuivi, Julien Ruas (3 ans), et l'architecte-expert Richard Carta (3 ans dont un avec sursis).
A l'encontre des copropriétaires, il avait demandé des peines allant de deux ans de prison dont un avec sursis jusqu'à cinq ans dont deux avec sursis contre Xavier Cachard, également avocat du syndic et élu régional.
Mercredi, les défenseurs de Julien Ruas, ex-adjoint au maire en charge des risques urbains, jugé pour huit homicides involontaires et blessures involontaires, ont souhaité "que le procès de la rue d’Aubagne ne soit pas un jugement de la rue".
Réclamant sa relaxe, Mes Benjamin Matthieu et Erick Campana ont appelé le tribunal à ne pas transformer cet élu issu de la société civile "en bouc-émissaire de la (dernière) mandature de Jean-Claude Gaudin", l'ancien maire LR, décédé en mai, et à rejeter "une justice médiatique qui donne à voir une fermeté d’apparat".
Blessure dans le coeur de Marseille
"Qui peut recruter ? Qui a un pouvoir sur les emplois municipaux ? C'est le conseil municipal. C'est faux et juridiquement impossible" de reprocher à l'adjoint une quelconque réduction des effectifs, a lancé Me Matthieu. Durant les débats, Julien Ruas avait dit refuser "d'endosser toutes les responsabilités de la mairie de Marseille".
Evoquant les manquements reprochés à l’élu, Me Campana a estimé qu'ils "n'ont aucun lien avec la mort abominable de huit personnes". "C'est une faute pénale si quand je demande peu (d'effectifs), on m'accorde encore moins ? Si chaque année le budget de la ville de Marseille est amputé de 20 millions d'euros ?".
Seuls quelques prévenus ont saisi l'occasion offerte par la procédure de s'exprimer en dernier, mercredi après-midi.
Nommé à la tête du bailleur social de la ville, après l'arrivée d'une nouvelle majorité en 2020, Frédéric Pâris a assuré qu'"il n'y a pas un jour où on ne pense à ce drame. Pour nous, professionnels de l'habitat, ce drame a changé beaucoup de choses. Il n'a pas servi à rien".
Dès l'ouverture du procès le 7 novembre, le président du tribunal correctionnel Pascal Gand s'était dit conscient des "attentes" soulevées par le dossier dans la deuxième ville de France, l'une des plus pauvres et dans laquelle les marchands de sommeil prospèrent sur la précarité.
"En 25 ans de carrière, je n’ai jamais vécu une audience comme ça", avec une salle des procès hors-norme transformée pendant un mois et demi en "agora de la ville de Marseille", avec en toile de fond "toute la colère d’une ville", a expliqué l'avocat d'un prévenu, Me Jean Boudot.
Dans cette agora, les larmes ont abondamment coulé face aux récits des parcours aussi lumineux que cabossés des huit victimes. Et notamment à l'évocation du petit El Amine, "parti le matin avec son cartable et le soir, plus de maman, plus de vêtement, plus rien".
Puis les débats sont sans surprise devenus extrêmement techniques, mais concluant toujours sur des carences des services concernés. Avec un défilé d'experts expliquant que les effondrements des deux immeubles étaient "absolument inéluctables" après 15 ans d'alertes en tous genres.
Mais sur les bancs des 16 prévenus, personnes physiques comme morales, on a continué à contester en bloc, les avocats plaidant des relaxes en cascade après les sévères réquisitions.
Car pour le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, venu en personne requérir auprès de son collègue Michel Sastre, ce drame n'est "pas une simple affaire judiciaire" mais "une blessure dans le coeur de Marseille", avec des victimes "décédées par la cupidité des uns, la négligence ou l'incompétence" et "surtout l'indifférence de tous".
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