Fin de partie pour un chantier hors norme

C’est un chantier d’envergure qui s’est achevé au printemps dernier. Le plus grand du genre, au nord de Paris, qui ouvre aujourd’hui la porte à de nombreux projets parmi lesquels plus d’un trimestre de festivités. Le chantier de restauration de la tour abbatiale de Saint- Amand-les-Eaux est terminé, les échafaudages et palissades s’en sont allés et, au pied de l’édifice, les derniers aménagements touchent aussi à leur fin.

Fleuron du patrimoine amandinois, la tour abbatiale domine le centre-ville de Saint-Amand-les-Eaux du haut de ses 82 m.
Fleuron du patrimoine amandinois, la tour abbatiale domine le centre-ville de Saint-Amand-les-Eaux du haut de ses 82 m.

 

La tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux avant rénovation. L’enjeu n’était pas seulement esthétique : il en allait de la survie même de l’édifice…

La tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux avant rénovation. L’enjeu n’était pas seulement esthétique : il en allait de la survie même de l’édifice…

Que serait Saint- Amand-les-Eaux sans sa tour abbatiale ? Construite au XVIIe siècle, dernier vestige – avec l’échevinage voisin – de l’abbaye démantelée à la Révolution, elle est devenue au fil des décennies l’emblème de la cité thermale, au point d’être entrée dans les foyers amandinois, le plus souvent sous forme d’objet de décoration.
Au milieu des années 1990, pourtant, la tour abbatiale est en sursis. Erigée en pierre d’Avesnes-le-Sec, trop friable, elle a mal vieilli, s’est érodée. Les intempéries, la pollution, sans parler des déjections des pigeons, principaux ennemis de l’édifice, ont eu raison du moindre détail de son architecture. Elle n’est plus qu’une masse informe et noircie, que plus d’une décennie de restauration partielle et de nombreux autres chantiers antérieurs n’ont pas réussi à sécuriser.

Un premier objectif : la mise en sécurité. En 1996, sous l’impulsion de la nouvelle équipe municipale emmenée par le député-maire Alain Bocquet, de nouveaux travaux sont entrepris. La tour est nettoyée des végétaux qui l’avaient envahie, et purgée de ses éléments dangereux. Des équipes d’alpinistes se lancent à l’assaut de ce premier chantier qui verra la dépose de plusieurs tonnes de pierres prêtes à tomber, le renforcement de la charpente et la mise en sécurité extérieure de l’édifice. Dès lors, le premier magistrat n’a plus qu’une idée en tête : sauver ce phare du patrimoine amandinois et lui rendre toute sa splendeur. Persuadé que si la Ville s’engage de manière significative, les partenaires institutionnels suivront, Alain Bocquet se lance dans un véritable lobbying, qui s’étend jusque dans les allées de l’Assemblée nationale.
En séance du 2 décembre 1997, il présente une question par laquelle il “attire l’attention de Mme le ministre de la Culture et de la Communication (Catherine Trautmann, ndlr) sur la tour abbatiale de Saint-Amand-les- Eaux, classée Monument historique dès 1846, le plus insolite monument de l’Europe du Nord, (…) véritable curiosité architecturale par son ornementation exubérante, mélange de piété et de fantaisie, et par sa hauteur impressionnante de 82 mètres”. De fait, d’où que l’on soit, dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de Saint-Amand-les- Eaux, on peut la voir, signalant le centre-ville de la cité thermale comme un gigantesque point d’exclamation. Mélangeant Renaissance et baroque, elle déploie – contre toutes les règles architecturales – cinq styles bien distincts : toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. C’est cette originalité que veut préserver Alain Bocquet, conscient de l’attachement viscéral de ses administrés à “leur” tour.

Une adhésion massive au projet. En 1999, une campagne d’affichage sur le thème “Ma tour vaut le détour, sauvons-la !” fait parler de Saint-Amand-les- Eaux partout en France. Contre toute attente, les fonds nécessaires sont finalement levés et, en 2001, c’est un autre ministre de la Culture, Catherine Tasca, qui vient signer à Saint-Amandles- Eaux la convention actant l’engagement financier entre la Région, le Département et la Ville. Le coût total du chantier s’élève à plus de 10 Md€, répartis entre la Ville pour plus de 30%, et les partenaires institutionnels parmi lesquels, également, l’Etat via la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et l’Europe au titre du Feder.
En 2003, une nouvelle campagne de communication voit le jour, qui proclame : “Ma tour est sauvée, merci !”. Sauvée, l’abbatiale ne le sera réellement que huit années plus tard, au terme d’un chantier colossal qui a vu se succéder, sous la conduite de l’architecte en chef des Monuments historiques, Vincent Brunelle, une quinzaine d’entreprises intervenant parfois concomitamment sur la maçonnerie, les sculptures, les vitraux, la couverture et la charpente, sans oublier la structure même de la tour, qui a dû être consolidée.

Un chantier à rebondissements. Au cours de ce vaste chantier, ce sont quelque 850 m3 de pierres et 10 800 m2 d’échafaudages qui ont été posés. Hors sculpture, le traitement de ces pierres a représenté 50 000 heures de travail en atelier et 35 000 heures sur site. En 2008, la découverte dans le frontispice d’une perspective rebouchée a donné un nouvel élan au chantier, arrivé à la moitié du chemin. Après expertises, les opérateurs ont décidé de la rouvrir, moyennant la consolidation des piliers sur lesquels, désormais, allait reposer une partie du poids de la tour. Des poutrelles métalliques habillées de pierre sont donc venues remplacer les piles d’origine. Ce qui n’a pas empêché la structure de l’édifice de se modifier, quelques jours à peine après la réouverture de la perspective. Le résultat d’un transfert de poids qui était attendu, et qui a été rapidement corrigé grâce à l’injection de matière dans les fissures ainsi apparues.

Fleuron du patrimoine amandinois, la tour abbatiale domine le centre-ville de Saint-Amand-les-Eaux du haut de ses 82 m.

Fleuron du patrimoine amandinois, la tour abbatiale domine le centre-ville de Saint-Amand-les-Eaux du haut de ses 82 m.

Et demain ? Le chantier dans son ensemble s’est achevé en mars dernier, sans la moindre anicroche ni le moindre accident à déplorer, et le printemps a été consacré au réaménagement des abords de la tour. Place, maintenant, à la fête, avec une série de manifestations destinées à célébrer comme il se doit la fin de ce chantier hors norme. Festival de carillon, expositions et son et lumière se succéderont ainsi jusqu’à la fin de l’année, tandis que se profile un nouveau défi : le possible classement de l’édifice au patrimoine mondial de l’Unesco, en tant que point d’orgue du rayonnement patrimonial, culturel, économique et social de Saint-Amand-les-Eaux. Mais l’avenir de la tour abbatiale passera aussi, dans un futur plus ou moins proche, par la question de sa rénovation intérieure. Un nouveau chantier qui, s’il voit le jour, pourrait bien encore défrayer la chronique…