Face au manque de fidèles, un diocèse brade ses églises

C'est une terre où même les clochers sont symboles de l'histoire ouvrière: en Meurthe-et-Moselle, à Joeuf, l'annonce de la vente d'une église suscite une mobilisation populaire au...

L'église Notre-Dame-de-Franchepre, construite par la famille de Wendel en 1910-1911 et située au cœur de la cité ouvrière de Genibois, à Joeuf, en Meurthe-et-Moselle, le 22 juillet 2024 © Jean-Christophe Verhaegen
L'église Notre-Dame-de-Franchepre, construite par la famille de Wendel en 1910-1911 et située au cœur de la cité ouvrière de Genibois, à Joeuf, en Meurthe-et-Moselle, le 22 juillet 2024 © Jean-Christophe Verhaegen

C'est une terre où même les clochers sont symboles de l'histoire ouvrière: en Meurthe-et-Moselle, à Joeuf, l'annonce de la vente d'une église suscite une mobilisation populaire au nom de la défense du patrimoine.

L'église, comme beaucoup d'autres dans l'est de la France, témoin de la révolution industrielle, a été bâtie au début du XXe siècle, en même temps que les quartiers ouvriers et les usines.

Tous les édifices religieux construits après 1905 et la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat sont propriété des diocèses, ce qui représente environ 2.000 églises et chapelles en France. Les 40.000 autres sont majoritairement détenues par les communes.

Très fréquentée au début du siècle dernier, Notre-Dame-de-Franchepré, beau monument de 1.500 places construit par un patron pour ses ouvriers, n'abritait plus de célébrations depuis "plusieurs années", dit à l'AFP le diocèse de Nancy-Toul, ce qui constitue la "motivation principale" de la mise en vente. 

Le dernier enterrement qui y ait été célébré, en décembre 2017, était celui d'Aldo Platini, père de Michel. Le footballeur a aussi été enfant de choeur dans l'église, comme en témoignent des photos conservées par le Cercle pour la promotion de l'histoire de Joeuf (CPHJ).

L'église a été désacralisée en juin. "Alors j'ai compris que c'était un nouveau combat qui s'engageait", dit à l'AFP le président du CPHJ Roger Martinois, qui a pour objectif "que l'église ne soit pas vendue à n'importe qui, ne devienne pas n'importe quoi et reste un bâtiment qui représente la mémoire et l'histoire de la commune", sans quoi elle "perdrait son âme".

En moins d'une semaine, une pétition en ligne, lancée par une habitante, Manuela Pastore, a recueilli plus de 800 signatures. "Il y a un vrai élan de toute la ville" de 6.000 habitants, salue-t-elle auprès de l'AFP.

- Edifices "plus adaptés" - 

L'église était pourtant désertée ces dernières années. "La vie des communautés paroissiales est en pleine mutation, on est un peu sur un effondrement de la pratique que l'on connaissait auparavant", observe le diocèse qui voit aussi un "nouveau dynamisme qui monte, avec l'arrivée de nombreux catéchumènes", des adultes qui se font baptiser après 18 ans.

"Ces gens-là, ils sont en demande d'une vraie vie de communauté, d'un besoin de se rassembler, ils ont besoin d'églises pleines", poursuit le diocèse. "Ces grandes églises, elles datent d'une autre époque, avec énormément d'ouvriers dans les mines (...) qui remplissaient facilement nos églises". Elles ne sont "plus adaptées", selon le diocèse. Et le coût d'entretien est très élevé.

Un argument contrecarré par le maire André Corzani : "Moi, je règle la question du déficit, le problème de gestion de l'église, en la reprenant à notre compte", plaide l'élu qui souhaite que Notre-Dame-de-Franpré lui soit cédé pour un euro symbolique.

La Ville souhaite en faire un lieu culturel et des discussions sont en cours entre les élus et le CPHJ notamment. "C'est un édifice qui est unique aussi du point de vue de son architecture", abonde M. Martinois.

"Nous avons déjà sauvé l'église" au début des années 2000, alors qu'elle avait besoin d'être profondément rénovée. La commune avait récolté 80.000 euros de dons en faisant notamment appel à la famille Wendel, les bâtisseurs de l'édifice. Quelque 400.000 euros de deniers publics avaient aussi été mobilisés.

Depuis plusieurs jours, l'église est vidée de ses objets par le diocèse. L'orgue, remarquable, a cessé de fonctionner depuis longtemps, note M. Martinois. 

Controverses

A Chaligny, commune de près de 3.000 habitants à une dizaine de kilomètres de Nancy, l'annonce de la mise en vente de la chapelle Notre-Dame-Du-Fer avait suscité la même controverse. La commune, qui réclamait une cession pour un euro symbolique, avait finalement dû débourser 50.000 euros.

Près de Nancy, une autre église avait failli être transformée en fast-food au début des années 2010. Le diocèse avait "annulé la vente". "On veut que les projets qui vont s'insérer puissent respecter les lieux, leur histoire", dit-il.

Selon la Conférence des évêques, il y a eu 255 désacralisations d'églises en France entre 1905 et 2015, contre plus de 1.800 constructions d'édifices dans le même temps. 

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