Face au gouvernement Barnier, Attal à la tête d'un groupe en proie aux doutes
L'ex-Premier ministre Gabriel Attal, chef de file des députés Renaissance, va devoir jouer serré pour maintenir l'unité de son groupe, tenaillé par des questions existentielles face à un...
L'ex-Premier ministre Gabriel Attal, chef de file des députés Renaissance, va devoir jouer serré pour maintenir l'unité de son groupe, tenaillé par des questions existentielles face à un gouvernement Barnier très marqué à droite.
La journée de mardi a donné une illustration éclatante de ces tensions: trois jours seulement après la nomination du gouvernement, plusieurs députés sont montés au créneau pour prendre la défense du ministre de l'Economie Antoine Armand, recadré par Matignon pour avoir dit qu'il ne souhaitait pas travailler avec le Rassemblement national, qui "n'appartient pas", selon lui, à "l'arc républicain".
"Je comprends ce qu'il dit. Nous sommes nombreux à le penser", a affirmé à l'AFP Ludovic Mendès, représentant de l'aile gauche d'Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance).
Comme lui, les députés Eric Bothorel, Stella Dupont ou David Amiel ont pris la défense du jeune ministre de 33 ans sur X. "On ne négocie pas son programme avec le RN", a tweeté M. Amiel.
Mais Michel Barnier ne doit-il pas sa nomination à la mansuétude du RN, qui l'a placé "sous surveillance" ?
Droit d'exigence
Les journées parlementaires du groupe Ensemble pour la République, le 10 septembre, avait été une première occasion pour sa centaine de députés d'une grande séance de remue-méninges: à quelles conditions soutenir le gouvernement ? Faut-il y participer ? Et au-delà de quelle limite le censurer ?
A la manœuvre pour rassurer les indécis, Gabriel Attal avait mis en avant la nécessité pour EPR de "tout faire pour que ça marche", tout en affirmant "un droit d'exigence". "Pas une majorité ne peut s'écrire sans nous. Pas un vote ne peut se gagner sans nous", avait-il souligné, quand beaucoup s'alarmaient de s'engager "à l'aveugle" dans une coalition avec Les Républicains.
Puis, au cours des deux semaines qu'a durées la formation du gouvernement, M. Attal a dû répondre à la forte pression d'un groupe inquiet de voir LR s'arroger les principaux postes. "Il s'est mouillé la chemise pour qu'on ait le plus de ministres de chez nous à des postes clés: il s'est battu pour l'Ecologie, pour Bercy, pour l'Education", souligne une source au sein du groupe.
L'ancien Premier ministre s'est également efforcé d'obtenir des "clarifications" sur le fond, notamment sur la question des impôts. Et a fait savoir dimanche auprès des députés qu'il demanderait des garanties à M. Barnier sur les questions sociétales - PMA, droit à l'IVG, droits LGBT-, après une réunion où nombre de députés ont fait part de leur malaise devant le profil très conservateur de plusieurs ministres. Le locataire de Matignon lui a donné des gages sur ce point.
Course à l'échalote
La situation politique ravive les éternelles tensions entre ailes droite et gauche de Renaissance, ce dans un contexte de concurrence accrue entre les chefs de clan, désormais libérés de la nécessaire solidarité gouvernementale, 2027 en ligne de mire.
"Entre Attal et (Gérald) Darmanin, c'est un peu la course à l'échalote de qui protège le mieux le groupe", commentait la semaine dernière un député EPR, après des déclarations tapageuses de l'ancien ministre de l'Intérieur au sujet des prélèvements obligatoires.
Et le même de mettre en garde M. Attal, soupçonné de vouloir cumuler la présidence du groupe et la présidence du parti, remise en jeu à la fin de l'année: "s'il veut garder les deux ça va mal se passer".
Ces derniers jours, trois députés ont quitté EPR, deux pour rejoindre le groupe Horizons fidèle à Edouard Philippe, une pour rejoindre les non-inscrits. Représentante de l'aile gauche de la macronie, Sophie Errante a claqué la porte du groupe, un "agrégat de personnalités", mais plus un "collectif", selon elle.
Sans aller jusque là, la députée apparentée EPR Stella Dupont a estimé dans L'Opinion lundi qu'elle pourrait "être contrainte de voter la censure" compte tenu des "valeurs et (de) la composition" du gouvernement.
Gabriel Attal "a un enjeu d'unité du groupe et d'unité du parti", observe un ancien ministre, forcé de constater que "sur la ligne politique on n’est pas toujours absolument d’accord".
"C’est à nous d’être assez malins pour réfléchir, nous mettre d’accord sur des compromis et tenir une position de groupe commune, et ne pas voir le groupe exploser en plusieurs tendances", enjoint-il.
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