Face à la ruée vers les sommets, l'Alpe d'Huez se demande quand dire "stop"

Attendre sur la route, aux remontées mécaniques, au restaurant... les skieurs affluent vers les stations de haute altitude, faute de neige plus bas, forçant certaines, comme l'Alpe d'Huez, à...

Des skieurs sur les pistes de l'Alpe d'Huez, le 14 février 2024 en Isère © Hassan AYADI
Des skieurs sur les pistes de l'Alpe d'Huez, le 14 février 2024 en Isère © Hassan AYADI

Attendre sur la route, aux remontées mécaniques, au restaurant... les skieurs affluent vers les stations de haute altitude, faute de neige plus bas, forçant certaines, comme l'Alpe d'Huez, à s'interroger sur le point de rupture.

"Il y a vraiment beaucoup de monde cette année", regrette Anne Escolano, une habitante du Vaucluse qui skie depuis 27 ans dans la station iséroise perchée à plus de 1.800 mètres de haut. Les skieurs "sont venus chercher la neige..."

Cette professeure de technologie à la retraite, âgée de 80 ans, passe tout son hiver à l'Alpe d'Huez, mais depuis le début des vacances scolaires, elle a changé son emploi du temps, obligée "de s'adapter pour éviter le monde: je viens le matin à l'ouverture".

Très vite, c'est en effet l'embouteillage pour emprunter les remontées mécaniques. 

Il faut même patienter jusqu'à 45 minutes pour rejoindre le sommet du Pic Blanc. La plupart des skieurs restent philosophes, comme Hervé Péron pour qui l'attente "fait partie du jeu".

Mais d'importants embouteillages sur la route de la station se créent régulièrement, notamment les week-ends, et le manque de parkings provoque quelques désagréments.

Situé au pied des pistes, Le Taburle, doté d'une grande terrasse ensoleillée, n'attend pas le coup de feu pour afficher complet, la plupart des établissements ayant dû s'organiser pour proposer "deux, voire trois services", selon l'office de tourisme, en pleine vacances scolaires, perturbées ce week-end par une grève massive des contrôleurs SNCF.

"Des gens nous ont dit +c'est la première fois qu'on vient à l'Alpe d'Huez, d'habitude on allait dans telle ou telle station, mais comme elles sont trop basses, on choisit l'altitude pour garantir nos vacances+", résume François Badjily, le directeur de l'office de tourisme, évoquant des taux de remplissage supérieurs à 90%.

Stop

Si les responsables de la station assurent qu'il n'y a pas saturation à ce stade, ils commencent à s'adapter.

Les tarifs promotionnels mis en place sur les forfaits le samedi et le dimanche ne sont plus appliqués pendant les vacances scolaires. Ils pourraient même être limités, voire supprimés à l'avenir.

"Un de nos chantiers, c'est de mieux répartir les skieurs sur les pistes", ajoute Fabrice Boutet, directeur général de la Société d'aménagement touristique de l'Alpe d'Huez (Sata), précisant que seuls 5 à 15% du domaine est réellement usité par les "25.000 skieurs présents".

L'Alpe d'Huez accueille cet hiver beaucoup de "vacanciers du Vercors, de la Drôme, des Alpes du Sud, mais aussi des stations de Savoie", où les températures presque printanières des derniers jours ont fait fondre le tapis neigeux. "Comment on va être capable de pouvoir continuer d'accueillir ?" ces visiteurs, se demande-t-il.

"Si vous prenez 234 stations et que vous les concentrez sur une vingtaine, il faudra peut-être imaginer des périodes de ski tout au long de l'année", dit-il. Et, "à un moment, dans plusieurs années, peut-être que face au nombre de skieurs supplémentaires, on devra faire comme les parcs d'attraction et dire : stop!"

Chance

Alors que la Cour des Comptes vient de rendre un rapport sévère sur le modèle économique du ski français, jugé fragile dans la perspective du changement climatique et d'une dépendance à la neige, l'Alpe d'Huez se sent aussi concernée que les autres stations.

"On a cette chance d'être situés à 1.800 mètres d'altitude et d'avoir du ski assuré. Mais le dérèglement climatique nous touche aussi, on est inquiets", explique le maire, Jean-Yves Noyrey. "Inquiets pour nos amis situés un peu plus bas, mais aussi parce que cet impact arrive progressivement vers nous", poursuit-il.

"Tout ça nous oblige à adapter nos remontés mécaniques" pour qu'elles puissent transporter les piétons et "surtout on s'ouvre vers l'été, le printemps, l'automne, pour ne plus être totalement dépendants du ski", dit-il.

Nombre de ses confrères ont dû fermer une partie de leurs pistes, dans l'attente des flocons. 

Par solidarité entre montagnards, des accords avec ces stations ont été noués, selon l'office de tourisme et une vingtaine de moniteurs de ski, au chômage technique ailleurs, sont arrivés en renfort pour les vacances.

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