Face à la "Glucksmania", les Insoumis voient rouge
Le retour des gauches irréconciliables? La montée de Raphaël Glucksmann dans les sondages a de quoi inquiéter LFI, qui dénonce à l'approche des européennes le retour d'une "vieille gauche" sociale-démocrate, susceptible de remettre en cause...
Le retour des gauches irréconciliables? La montée de Raphaël Glucksmann dans les sondages a de quoi inquiéter LFI, qui dénonce à l'approche des européennes le retour d'une "vieille gauche" sociale-démocrate, susceptible de remettre en cause une domination issue des scores de Jean-Luc Mélenchon.
Alors qu'il y a quelques mois, socialistes, écologistes et Insoumis se talonnaient dans les sondages, Raphaël Glucksmann a pris une certaine avance sur ses concurrents de gauche, au point d'ambitionner maintenant de doubler la candidate de la majorité, Valérie Hayer.
Pis encore pour La France insoumise, l'essayiste et eurodéputé de 44 ans met en avant une autre orientation, moins radicale que celle des Insoumis. "Il faudra une union de la gauche après ces élections, mais ça ne sera pas sur la ligne de Jean-Luc Mélenchon", a-t-il même prévenu la semaine dernière.
Pour les Insoumis, remettre ainsi en question leur figure tutélaire, forte de ses 22% à la dernière présidentielle, relève presque du crime de lèse-majesté.
"S'il redonne de l'oxygène à la gauche François Hollande, ça va être le désordre. Leur ligne va considérer, à tort, que c'est à eux d'avoir la main", prévient Manuel Bompard.
Pour le coordinateur de LFI, le fondateur de Place publique, identifié comme mondain et parisien, est difficilement un homme de gauche.
"S'il progresse un peu, c'est en prenant des voix chez les macronistes", assure-t-il, en demandant: "Quelle est la différence entre Glucksmann aujourd'hui et Macron en 2016?".
"Ils essayent de le caricaturer", répond un cadre socialiste alors qu'un député du parti à la rose estime que leur candidat "prend pas mal chez Jean-Luc Mélenchon, un peu chez Macron et un peu chez les Verts", dont la campagne peine à décoller malgré un lancement dès le mois de décembre.
Un "retour à la maison" du "vote utile" à gauche dont a bénéficié Jean-Luc Mélenchon en 2022, selon une candidate de la liste de Raphaël Glucksmann.
Forêt" d'éléphants
Pour essayer de cadrer le duel avec son homologue socialiste, la tête de liste des Insoumis, Manon Aubry, lui a ainsi écrit une lettre ouverte en début de semaine, comme l'avait fait François Ruffin en janvier, pour dénoncer la "désunion de la gauche".
Un courrier qui pour l'instant n'a pas reçu de réponse.
"On ne va pas rentrer dans une relation épistolaire avec Manon Aubry. On n'est pas dans une primaire de la gauche", tacle l'eurodéputée sortante Aurore Lalucq, reconduite sur la liste de Raphaël Glucksmann.
Mais les piques passent également par des tweets autrement plus acerbes que les courriers de Manon Aubry.
"Aubry joue le good cop, les autres sont tous des bad cops", analyse un sénateur socialiste.
Le député LFI Thomas Portes a par exemple qualifié Raphaël Glucksmann de "porte-parole de l'Otan" et l'a qualifié de représentant de "la gauche au service de la finance".
La militante franco-palestinienne Rima Hassan, présente sur la liste LFI à la 7e place, l'a pour sa part accusé de "bégayer très fort quand il faut nommer les crimes commis par Israël" ou de "mépriser" la gauche.
"Vu comment les Insoumis ciblent Glucksmann, ils ont peur de lui. J'ai peur que ça s'intensifie, ils y vont déjà avec le canon à merde", note le député socialiste, reprenant une expression de Jean-Luc Mélenchon.
Reste à savoir si, en cas de large avance de Glucksmann sur les Insoumis le 9 juin, le centre de gravité de la gauche s'en retrouverait déplacé et l'hégémonie insoumise ainsi menacée.
"Si Glucksmann arrive premier à gauche, c'est embêtant. C'est la vieille gauche qui revient", reconnait en privé un cadre insoumis.
Mais Manuel Bompard, qui accuse Raphaël Glucksmann d'être "l'arbre qui cache la forêt des éléphants" socialistes, prévient: "Il faut que le centre de gravité de la gauche épouse les préoccupations des classes populaires, qu'elles votent ou pas".
Une manière de se prémunir en cas de mauvais score pour la gauche radicale aux européennes, car les Insoumis savent qu'ils seront parmi les plus pénalisés par l'abstention.
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