"Explosion!", "tous couchés": les futurs hauts fonctionnaires découvrent l'armée par le terrain
"Voiture blanche, tous couchés!": Fusil en bandoulière, les élèves de l'Institut national du service public (INSP) obéissent à leur chef de groupe et se cachent derrière un bosquet, tandis qu'un véhicule ennemi file sur...
"Voiture blanche, tous couchés!": Fusil en bandoulière, les élèves de l'Institut national du service public (INSP) obéissent à leur chef de groupe et se cachent derrière un bosquet, tandis qu'un véhicule ennemi file sur une départementale, à quelques mètres d'eux.
Sitôt le danger éloigné, la colonie de futurs hauts fonctionnaires en treillis traverse la route pour poursuivre sa mission. L'objectif de ce jeudi d'avril - un poste de commandement à arracher aux mains d'un ennemi fictif - est encore loin.
Depuis son arrivée au camp militaire de Canjuers (Var), première étape d'une immersion de trois semaines, la promotion Paul-Emile Victor enchaîne les défis: descente en rappel, exercices de tir... et surtout "piste d'audace".
"C'est un exercice en altitude sur lequel on a tous achoppé", raconte Pierre-Louis Gali, un élève de l'INSP bombardé temporairement "chef de section", chargé de diriger une vingtaine de ses pairs.
L'immersion, une nouveauté dans le cursus de cette école qui a remplacé l'Ecole nationale d'administration (ENA), vise à "travailler le leadership" des élèves, explique François Chazot, directeur adjoint des stages à l'INSP. Mais aussi à questionner "le rapport à l'autorité", ajoute-t-il: "des camarades doivent obéir à leurs camarades".
Dans l'immensité aride du camp de 35.000 hectares, la menace peut venir de partout: drones, tirs ennemis, mines...
"Explosion, tout le monde descend !", s’époumone d'ailleurs un instructeur après qu'un camion transportant les élèves a roulé sur un engin explosif improvisé.
Cinq minutes s'écoulent avant que l'ensemble de la section récupère son sac à dos et sécurise sa position face à d'éventuelles attaques ennemies.
"Les gars, on essaie de ne pas rester debout sur la route alors qu'on vient de sauter sur une mine ! (en réalité un explosif inoffensif qui a émis une fumée rouge, NDLR) Il faut réduire la surface" corporelle exposée aux tirs ennemis, "ne pas être une cible vivante", rappelle l'instructeur aux élèves grimaçant sous le soleil et le poids de leur équipement.
Bienveillant, le général Erick souligne que "ce ne sont pas des pros, mais ils percutent vite".
Pour l'armée, l'intérêt de l'immersion est de "briser la glace" avec les hauts fonctionnaires de demain.
Cohésion
Le but est que les élèves "aient une meilleure compréhension" de l'armée, confirme le lieutenant-colonel Philippe. "On a notre vocabulaire, notre façon de gérer les crises."
Or les cadres de l'Etat ne sont pas nécessairement familiers de cet univers, en particulier depuis la suppression du service militaire obligatoire. Ce qui peut entraver la collaboration avec l'armée lors des crises comme des attentats ou des catastrophes naturelles.
"C'est très important de voir" sur le terrain comment travaille l'armée, estime Hanae Bonet. Comme le reste de la promotion, elle partira en stage dans quelques semaines, dans une ambassade en Asie, "très marquée par les questions de défense".
"En termes de stress, de gestion de l'effort", elle entrevoit déjà les acquis de l'immersion qu'elle pourra mobiliser sur place.
Son camarade Baudouin Seillier constate lui que "l'armée est un des principaux budgets de l'Etat", d'où l'importance de "comprendre comment ça fonctionne".
La capitaine Florence fait enfin valoir que "vivre des choses dures ensemble, ça resserre les liens".
Avec l'immersion, un "esprit de corps" s'est développé dans la promotion, assure Suzanne Fabrègue, une de ses membres.
"Cette cohésion fera que plus tard, on aura des liens de confiance et on pourra s'appeler pour débloquer des situations", espère-t-elle alors que le cloisonnement entre administrations demeure parfois épais.
Tout au long de la journée, les gourdes ont circulé d'un sac à dos à l'autre pour alléger le fardeau des élèves les plus accablés par la marche en plein soleil.
Un esprit d'entraide pas forcément évident, dans une école où les élèves ont longtemps été en concurrence pour décrocher le meilleur classement de sortie, supprimé depuis.
"La suppression du classement de sortie permet d'être plus serein dans la scolarité", estime le directeur adjoint des stages François Chazot.
"Hier, quand certains n'arrivaient pas à passer des obstacles, d'autres les ont aidés", en veut-il pour preuve.
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