Événementiel : les modalités d’une «privatisation» des forces de l’ordre

Lorsque que le périmètre d’un événement est important, la présence des forces de l’ordre semble inévitable.
Lorsque que le périmètre d’un événement est important, la présence des forces de l’ordre semble inévitable.

Certains événements sportifs, musicaux ou religieux nécessitent la mise en place d’un dispositif de sécurité. Lorsqu’elles les organisent, les personnes publiques peuvent solliciter leurs propres polices (municipale, nationale, voire gendarmerie). Mais, qu’en est-il lorsque l’organisateur est une personne privée ? Une récente décision du Conseil d’État confirme le principe et les modalités de remboursement des frais de sécurité engagés par l’État au profit des personnes privées (Conseil d’État, 31 décembre 2019, n° 422679).

Comme toutes sociétés, les organisateurs d’événements peuvent voir leur responsabilité civile, voire pénale, engagée pour des faits survenus dans le cadre de ces événements. Afin d’écarter tout risque et lorsque le périmètre de l’événement le permet, ces organisateurs recourent à des sociétés de sécurité privée. En revanche, lorsque le périmètre ne le permet plus (festival important, événements sportifs d’envergure…), la présence de forces de l’ordre semble inévitable. Quelles sont alors les modalités de participation des forces de l’ordre à la sécurité d’un événement privé ? Le principe en la matière est fixé par l’article L. 211-11 du Code de la sécurité intérieure : «Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique, en matière de maintien de l’ordre, sont tenues de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt.» Ce texte a été complété par un décret du 5 mars 1997, puis par un arrêté du 28 octobre 2010. Pour plus de lisibilité, l’ensemble de ce dispositif a fait l’objet d’une circulaire ministérielle du 15 mai 2018. Plusieurs points importants ressortent de ces textes. Premièrement, toutes les «prestations» des forces de l’ordre ne donnent pas nécessairement lieu à remboursement. Ainsi, seules les prestations «en lien avec la gestion ou la sécurisation des flux de population ou de circulation et la prévention des troubles à l’ordre public et directement imputables à l’événement» peuvent être facturées par l’État. Il conviendra à l’organisateur d’être vigilant sur ce qui peut être facturé ou ce qui ne le peut pas. Sur ce point, l’instruction ministérielle précitée donne quelques pistes.

Convention avec le préfet de département

Ensuite, l’article 4 du décret du 5 mars 1997 prévoit que les modalités de participation des forces de l’ordre sont fixées dans une convention entre le préfet de département et l’organisateur de l’événement. Cette convention précise alors les enjeux techniques (nombre d’agents mis à disposition, équipements prévus, horaires de travail, etc.) et financiers de la participation. Concernant justement les aspects financiers de cette participation, la circulaire du 15 mai 2018 prévoit la méthode de calcul de la somme à rembourser à l’État. Ce calcul est en fonction de nombreux paramètres, tels le nombre d’agents, la mise à disposition de véhicules, de drones, la nécessité d’une escorte, etc. Le «forfait de base» est le suivant : (effectifs) x (taux horaire) x (nombre d’heures) x (coefficient multiplicateur). Le taux horaire est fixé à 20 euros par heure de mise à disposition. Le coefficient multiplicateur est de : 1 lorsque le nombre d’agents est inférieur ou égal à 50 ; 1,2 lorsqu’il est compris entre 51 et 100 ; 1,5  entre 101 et 500 agents et 1,7 au-delà.


Acompte à verser à l’État

Toujours sur les aspects financiers, l’article 4 de l’arrêté du 28 octobre 2010 prévoit l’obligation pour l’organisateur de verser un acompte à l’État. Dans la circulaire du 15 mai 2018, le montant de cet acompte avait été fixé entre 60 et 80 % de la somme totale due, provoquant la colère de plusieurs associations de sociétés d’événementiel, et au final, la censure du Conseil d’État. Cette disposition ayant été supprimée par la Haute juridiction, les organisateurs et le préfet de département sont désormais libres de fixer, dans la convention, la part d’acompte qu’ils désirent. Enfin, attention, l’organisateur ne dispose pas des forces de l’ordre comme il disposerait d’agents de sécurité d’une société privée. Seul le préfet est compétent pour décider des mesures de sûreté complémentaires et des moyens à mobiliser pour organiser le service d’ordre. Ce, en considération des circonstances, des nécessités locales et de la disponibilité des forces de sécurité intérieure. Il est le seul en droit d’adapter le service d’ordre et de décider de l’engagement des forces de sécurité intérieure mobilisées.

 

Nicolas TAQUET, juriste