Evénementiel : la filière craint pour son avenir

Evénementiel : la filière craint pour son avenir

Alors que la majorité des activités économiques reprennent du service, la filière événementielle reste encore à l’arrêt, sans réellement voir le bout du tunnel. Réticence à l’organisation d’événements, budgets en berne et des modes d’organisation complètement bouleversés, c’est tout un écosystème qui doit apprendre à se réinventer.

En métropole lilloise

La péniche L’Eldorado à Lambersart, un lieu atypique pour l’accueil de séminaires.

Lille, ville de tourisme d’agrément mais aussi de tourisme d’affaires, qui ne cesse de grimper les échelons. Alors que la capitale des Flandres occupe la 8e place au classement ICCA – International Convention and Congress Association, classement annuel des destinations de congrès internationaux –, Lille Events a réalisé une enquête menée auprès de 82 entreprises au début du confinement. Le club des professionnels de l’événementiel en métropole lilloise tire la sonnette d’alarme quant aux chiffres qu’il a recensés : avec 98% des événements annulés, le mois d’avril a été sans conteste le pire qu’a connu la filière. Cela a été le cas avec l’annulation d’Art Up, la foire de l’art contemporain à Lille Grand Palais qui attire 40 000 visiteurs, reporté en février 2021. Sur la période de mars à juin 2020, 82% des événements ont été annulés. Une perte colossale qui s’élève à près de 67 millions d’euros pour cette même période, à raison d’environ 16,7 M€ perdus chaque mois. «Nous estimons le manque à gagner à 6 M€ rien que pour la période entre mars en juin. Mais surtout, on sait que pour 1 € investi, ce sont 4 € de retombées indirectes dans le système local», se désole Philippe Blond, directeur général de Lille Grand Palais. «Nous n’avons aucune visibilité sur la reprise d’activité, mais nous imaginons des paliers pour des reprises progressives, en démontrant la capacité des professionnels à s’adapter», explique Maxime François, animateur de l’association Lille Events. La crainte est réelle puisque les annonceurs restent encore frileux et les carnets de commandes s’en ressentent : à peine 10% des événements sont reportés sur la période de juin à août 2020 – alors que juin est normalement un mois phare –, et seulement 27,1% le sont à la rentrée. L’année 2021 se profile comme celle de la réelle relance de la filière événementielle. «Nous nous habituons à l’idée que nous serons les derniers à connaître la reprise. Les professionnels ont mis en place des solutions pour maîtriser le risque. Notre métier est par essence la créativité, alors oui, nous savons nous adapter, mais il faut nous faire confiance et nous laisser reprendre. Nous voulons surtout retravailler», alerte Stéphane Brenne, président de Lille Events. Derrière ces chiffres, c’est l’ensemble d’une chaîne de valeurs qui est en souffrance : rien que sur la métropole lilloise, 1 700 emplois sont concernés (sur les 35 000 que compte la filière), avec une bonne partie de free-lance, d’intermittents, d’auto-entrepreneurs, de TPE ou de PME. Pour porter la voix de la filière auprès des pouvoirs publics, Lille Events a transmis son enquête à Damien Castelain, président de la MEL, espérant des pouvoirs publics un plan de relance «urgent et massif», mais aussi que les annonceurs maintiennent leurs investissements.

Lille Grand Palais a fait les frais de la crise sanitaire en devant annuler Art Up, la foire de l’art contemporain. Crédit photo Maxime Dufour Photographies.

«Le retour au présentiel est fondamental»

Les rencontres, plus impactantes que le virtuel

A l’heure où la communication digitale explose, l’événementiel se doit de revoir son modèle mais, pour autant, ne croit pas en la digitalisation complète du secteur : «Il est bien évidemment possible d’organiser une assemblée générale avec des votes digitaux. Mais derrière se pose la question du modèle économique. Nous allons tendre vers davantage d’hybridation, probablement avec moins de grand-messes qu’auparavant. Mais le retour au présentiel me semble fondamental. Je dirais qu’on est plutôt pour l’événement augmenté que pour l’événement virtuel», ajoute Maxime François. Et d’imaginer l’accueil de congressistes sous de nouvelles formes tout en respectant les réglementations sanitaires, des cocktails sans contact… tout en gardant la convivialité propre à ces événements. Lille, avec son centre des congrès en plein centre-ville – l’un des rares en France à jouir de cette localisation –, son accès autoroutier, ferroviaire, son réseau de transport, mais aussi sa dimension à taille humaine, dispose de vrais atouts pour accueillir des congrès, à valoriser face aux plus grandes villes françaises que les annonceurs pourraient bouder par crainte de la Covid-19. «La clé de la reprise ? La confiance que l’on peut redonner aux organisateurs et aux participants. Nous travaillons déjà aux protocoles sanitaires. Notre site a tout l’équipement technique nécessaire pour réaliser et accueillir des événements physiques et digitaux. L’industrie du rassemblement du grand public ou en B to B ne s’arrêtera pas, mais il y aura une nécessaire prise en compte des mesures sanitaires. Nous serons au rendez-vous !» rassure Philippe Blond.

Dans l’Oise

Cyril Lecomte, dirigeant d’Affipub, basée à Beauvais, Amiens et Dieppe.

Cyril Lecomte a repris l’entreprise Affipub en 2014. S’il reste pour l’instant dans l’incertitude, le dirigeant de cette PME d’une dizaine de salariés sait que le secteur devra s’adapter : «Avec le cluster dans l’Oise, nous avons déjà été confiné une semaine avant tout le monde, avec un premier salon annulé au Tréport en mars. La Foire départementale de l’Oise a été reportée en septembre prochain, mais d’autres événements ont été annulés comme la Foire Expo à Saint-Dizier. Il faut avouer que c’est assez difficile car, entre mars et juin, c’est un pic important d’activité. Mais nous travaillons à commercialiser les événements de septembre et d’octobre qui ont été maintenus», détaille Cyril Lecomte qui espère que les événements se tourneront vers des destinations plus authentiques, plus locales et écologiques. «Ce qui compte, c’est d’être prêt pour la reprise et de maintenir les emplois, même si l’on sait que les conditions seront particulières.»

Dans le Pas-de-Calais

Le Palais des congrès du Touquet-Paris-Plage, récemment rénové.

Après deux ans et demi de travaux et plus de 25 M€ d’investissement, le Palais des congrès du Touquet-Paris-Plage a juste pu accueillir un événement professionnel suivi du FIGRA, avant de fermer ses portes pour deux mois. «Nous avons fait l’inauguration le 29 février et à la fin du FIGRA, nous étions tous confinés. Après plus de deux mois, on retrouve le bâtiment tel que nous avons dû le laisser», se rappelle François Warmé, directeur de Touquet Equipements et Evénements. Avec ses 6 000 m2 et ses 12 salles de 30 à 500 m2 entièrement modulables, le Palais des congrès accueillera entre 4 000 et 5 000 congressistes d’ici la fin de l’année. Onze événements ont été reportés et seulement six ont été annulés. De quoi rassurer François Warmé qui entrevoit une reprise dès septembre : «Il y aura toujours du présentiel, les gens ont besoin de se fédérer, de récompenser les équipes après cette période difficile. Mais il faudra s’organiser différemment.» Forte de sa localisation au grand air, le Touquet-Paris-Plage bénéficie déjà d’un cadre qui respecte les mesures sanitaires, renforcé par une équipe interne dédiée à l’incentive, avec un panel d’une soixantaine d’activités principalement en extérieur. «C’était déjà un de nos points forts avant le confinement, mais ça l’est désormais encore plus. Nous allons vraiment privilégier les activités de plein air. Et c’est aussi dans l’air du temps : nous voulons montrer aux congressistes que cela vaut le coup de faire un peu plus de route pour se retrouver dans une ambiance zen et où on peut tout faire à vélo !» Depuis plusieurs années, la ville s’est mise au rythme du tourisme d’affaires, avec des établissements en pleine rénovation : l’Ibis et le Novotel ont rouvert, flambant neufs, en janvier dernier ; le Westminster, qui ouvrira en septembre, gagnera quant à lui une étoile à sa classification…

«Notre métier est par essence la créativité, alors oui, nous savons nous adapter»

Du côté des traiteurs…

A gauche, Philippe Dehongher, de Butterfly traiteur, et une toute partie de son équipe. Crédit photo Victor Mahieu

 

L’événementiel regroupe tout un écosystème qui souffre aussi de cette crise : de l’ingénieur du son à l’hôtessariat, en passant par les services d’équipement, c’est tout un pan d’une activité qui est dans le flou. Les traiteurs sont eux aussi touchés de plein fouet, comme l’explique Philippe Dehongher, à l’origine de Butterfly traiteur à La Madeleine : «Nous avons eu des annulations le premier jour où le Gouvernement a annoncé la fin des rassemblements. Dès le lundi, on a pu observer une baisse de 200 000 € de chiffre d’affaires», se désole-t-il. Une perte qui ne fait qu’augmenter et que le chef d’entreprise estime aujourd’hui à plus de 2 millions d’euros. Alors que Butterfly traiteur réalisait entre 20 et 30 interventions quotidiennes partout dans la région, aujourd’hui l’entreprise tourne complètement au ralenti avec seulement trois salariés sur… trente-huit ! «C’est vraiment difficile. Jusqu’au bout, on s’est dit que ça allait repartir, mais le virus est toujours là et les entreprises sont en difficulté. On ne sait pas quand il y aura une reprise, et c’est ça le pire», avoue Philippe Dehongher. Loin de se laisser abattre, il a bénéficié des aides gouvernementales et d’un appui sans faille de l’association des Traiteurs de France, indispensables pour garder le cap. Même s’il n’anticipe un retour qu’en septembre 2021, Philippe Dehongher envoie des signaux positifs : continuer à offrir le café dans ses entreprises clientes, imaginer de nouvelles formes de cocktails… sans oublier le sens de la fête. «Il ne faut pas perdre pied. J’ai créé Butterfly à la sortie de la crise des subprimes. Certes, il n’y avait pas l’incertitude qui règne aujourd’hui, mais il faut rester positif.»


Quand le tourisme brassicole rencontre le tourisme gourmand

L’Echappée Bière, agence régionale spécialisée dans le tourisme brassicole, lance l’opération “Dolce Visa Hauts-de-France”, pour profiter d’un été près de chez soi, dans les Hauts-de-France. Véritable tendance cette année, le tourisme local est déjà le fer de lance de L’Echappée Bière depuis sa création en 2013. Cette opération inédite se décline en plusieurs événements, produits et concepts : «Adopte un houblon» ou comment devenir propriétaire fictif de 10 pieds de houblon régional, les passeports Pass’Bière et Pass Fine Gueule (visites guidées de brasseries, gratuités, réductions, verres de dégustation… auprès d’une quinzaine d’acteurs régionaux) et le jeu de piste revisité, pour répondre aux nouvelles contraintes sanitaires. Initialement prévue le 5 juin, la 3e Nuit de la bière reviendra le 11 septembre, avec une mise à l’honneur du bassin minier… Enfin, le 19 septembre, grande première avec le lancement du programme gourmand «Chefs en brasserie», à la brasserie Saint-Germain d’Aix-Noulette et à l’ancienne Malterie.