Eurotunnel poursuit sa course de fond
Les hausses se poursuivent pour Groupe Eurotunnel (GET) qui a publié dernièrement ses résultats semestriels. La hausse de l’activité du lien fixe transmanche n’est pas une surprise pour les dirigeants du groupe franco-britannique qui bénéficie à plein de la disparition de SeaFrance. Pour autant, les autres activités du groupe sont également en hausse (notamment Europorte). A quelques jours des JO de Londres, GET a saisi l’opportunité d’acquérir trois des quatre navires de l’ancienne compagnie maritime française qu’il loue au nouvel opérateur My Ferry Link... Retour sur un début d’année homérique.
L’année 2012 s’annonce extrêmement riche pour Groupe Eurotunnel, aussi bien en termes d’activité que de trésorerie. C’est d’abord une période “olympique” pour Eurotunnel. En juin dernier, anticipant des pointes de trafic, le groupe a amélioré son dispositif de transport en mettant en circulation une rame supplémentaire, densifiant le rythme de ses départs en lien avec son partenaire Eurolines ou encore en augmentant la vitesse des navettes qui circulent désormais à 160 km/h contre 140 auparavant. Lors des célébrations du jubilé de la reine Elizabeth le 1er juin dernier, le trafic a connu un pic record avec 10 000 véhicules de tourisme transportés ainsi que 128 autocars. En trois jours, 26 000 véhicules ont passé la Manche. L’actualité du groupe a également résidé dans la capitalisation de ses savoir-faire comme avec l’inauguration de son centre de formation (CIFFCO), “ouvert à la fois à l’ensemble des entreprises ferroviaires européennes, aux mainteneurs d’infrastructures et à leurs sous-traitants, capables de former des techniciens évoluant sur le réseau ferré national français et celui des pays voisins” explique le service communication du groupe.
Eurotunnel se jette à l’eau. A l’instar de la RATP, Eurotunnel montre sa volonté de conforter la qualité du transport de ses passagers à travers “la mise en place d’un système de retransmission optique dédié aux réseaux 2 G et 3 G de téléphonie mobile”. Les entreprises de fret apprécieront. Autre fait marquant, Eurotunnel a décidé de transférer ses titres du London Stock Exchange vers le New York Stock Exchange afin de “bénéficier d’une liquidité accrue et d’un accès direct et simplifié aux nombreux investisseurs européens”. Enfin, Eurotunnel a acquis trois navires (pour 65 millions d’euros) de SeaFrance, l’exfiliale maritime de la SNCF liquidée en janvier dernier : le Rodin, le Berlioz et le fréteur Nord-Pas-de-Calais ont rejoint, le 2 juillet dernier, les actifs du groupe avant d’être loués à la société coopérative My Ferry Link, formée par plus de 700 anciens salariés de SeaFrance et dirigée par Jean- Michel Giguet, ancien dirigeant du transporteur maritime Britanny Ferries. GET n’a pas souhaité entrer au capital de ladite société d’exploitation mais a voulu donner un coup de pouce au niveau de la trésorerie. Plus important, avec cette acquisition le transporteur ferroviaire prend clairement position sur le transport maritime, concurrent naturel du rail. Arrivé en mars dernier pour pallier l’absence de SeaFrance, l’opérateur LD Lines a senti le danger arriver et a déjà porté au tribunal un contentieux relatif à une “position dominante” sur le Détroit. Le combat ne fait que commencer. Plus important encore, Eurotunnel n’a pas fait mention dans son actualité 2012 d’un autre événement majeur : sa candidature à la gestion des ports de Calais et de Boulogne-sur- Mer aujourd’hui pilotés par la CCI Côte d’Opale…
Un appétit signe de bonne santé… Le groupe pousse encore son pion avec cette offre de gestion d’infrastructure portuaire. D’aucuns ont déjà dénoncé l’appétit de son PDG, Jacques Gounon, mais comment reprocher à Eurotunnel, transporteur, aménageur et gestionnaire d’infrastructures, de saisir d’autres opportunités et de faire bouger les lignes d’un territoire qui détient le record régional du taux de chômage… La légitimité d’Eurotunnel sur ce terrain n’est pas une question économiquement pertinente ; la vocation des rentes de situation ne sont pas de perdurer éternellement. Le groupe n’a pas attendu l’appel d’offres du Conseil régional relatif au renouvellement des concessions de ses ports pour s’affairer dans le secteur des infrastructures. Sa filiale Europorte a un contrat de maintenance avec plusieurs ports français : Le Havre, Rouen, Paris… Et Dunkerque qui voit d’un oeil très intéressé les velléités d’Eurotunnel sur l’ensemble de la façade maritime régionale. En attendant, le groupe franco-britannique a décroché de nouveaux contrats à travers Europorte mais également sa filiale anglaise GBRf, troisième opérateur fret britannique, qui s’est assurée deux ans d’activité en remportant un contrat de transport d’un million de tonnes de déblais. En outre, son partenariat avec le logisticien Gefco lui confère des liaisons hebdomadaires entre Gevrey, Ambrieu, Fos-sur- Mer, Marseille, Toulouse ou Bordeaux. Plus généralement, peut-on reprocher à une entreprise son goût pour la compétition ?
Une situation financière stable. Les résultats semblent donner raison à la stratégie de la direction du groupe. Le chiffre d’affaires total a augmenté de 14% au premier semestre, avec 473 millions contre 413 millions au premier semestre 2011. Celui de la seule liaison fixe a crû de 10% à 370 millions contre 310 millions sur la période de référence. Enfin, celui des navettes croît encore plus rapidement à +18%. Le résultat net a atteint 5 millions d’euros. L’explication tient à l’augmentation générale des trafics : 20% pour les camions, 4% pour les navettes de passagers, 6% pour les autocars, 3% pour le nombre des voyageurs des Eurostar. La filiale Europorte enregistre un chiffre d’affaires en hausse de 36%, à 103 millions d’euros contre 72 millions sur la période de référence. Jacques Gounon s’est naturellement montré satisfait : “Les trafics sont en progression dans un marché qui reste concurrentiel grâce à une offre de service différenciante. La performance financière est solide, avec la génération d’un très bon niveau de trésorerie” qui atteint 267 millions d’euros fin juin 2012… La croissance de l’activité se retrouve également au niveau de ses charges d’exploitation (+20% avec une croissance de 45 millions d’euros). La dette continue de se réduire avec 128 millions au premier semestre (coût de l’endettement brut). “Le coût de l’endettement financier net est en diminution de 9 millions d’euros par rapport au premier semestre 2011 à taux de change constant, en raison de la baisse des taux d’inflation et son impact sur le principal de la tranche indexée de la dette”, indique le groupe qui peut sourire devant le cash flow dégagé sur les six premiers mois de l’année : 45 millions d’euros. De quoi poursuivre les investissements et réduire encore sa dette passée sous la barre des 4 milliards d’euros. A ce rythme, Eurotunnel pourrait, en fin d’exercice, dépasser le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Un symbole.
NB : les chiffres annoncés par Eurotunnel sont basés sur le taux de change moyen suivant : 1 livre sterling vaut 1,22 euro.