Etats-Unis: constructeurs autos et syndicat restent éloignés, la grève instille l'inquiétude
Le syndicat de l'automobile et les dirigeants des trois grands constructeurs américains frappés par une grève depuis vendredi affichent des positions encore bien éloignées, laissant présager d'un arrêt de travail...
Le syndicat de l'automobile et les dirigeants des trois grands constructeurs américains frappés par une grève depuis vendredi affichent des positions encore bien éloignées, laissant présager d'un arrêt de travail de plusieurs semaines voire plusieurs mois.
Les tractations se sont poursuivies lundi, quatrième jour de ce tout premier débrayage de l'histoire du puissant syndicat United Auto Workers (UAW) à viser en même temps les trois grands constructeurs General Motors, Ford et Stellantis (Chrysler, Jeep). Trois usines sont touchées pour le moment, une de chaque entreprise.
Mais dans une vidéo publiée lundi soir, le nouveau président du syndicat, Shawn Fain, a adressé un ultimatum.
"Si Ford, General Motors, ou Stellantis ne font pas de progrès substantiels vers un accord juste" d'ici vendredi midi, "l'UAW appellera davantage de membres à joindre la grève".
Une résolution rapide reste encore possible, mais peu probable d'après les experts, car le coût pour chaque camp reste faible à ce stade.
Plutôt qu'arrêter la totalité de la production d'un seul ou des trois groupes, l'UAW a lancé une grève limitée.
Cette tactique de grève ciblée, si elle "n'applique pas autant de pression sur l'une des entreprises, crée l'incertitude", commente Harry Katz, professeur à l'Ecole des relations industrielles et du travail de l'université Cornell, estimant qu'elle pourrait durer six à huit semaines, si ce n'est davantage.
Les usines visées produisent des pick-up de taille moyenne générant des ventes confortables sans être des poules aux oeufs d'or pour les constructeurs historiques de Detroit (Michigan).
Si cette action est spectaculaire car inédite, le coup porté n'a rien de critique pour la rentabilité des groupes. Pas pour l'heure du moins.
"Le syndicat s'est donné la capacité d'escalade et de frappes contre des sites qui pourraient être plus douloureuses", estime Michelle Kaminski, professeure à l'université d'Etat du Michigan, spécialisée dans les relations sociales en entreprise.
Le manque à gagner pourrait se situer entre 41 et 64 millions de dollars par semaine au niveau du résultat opérationnel, d'après une note de Deutsche Bank.
Un peu moins de 13.000 membres du syndicat, sur ses 146.000 adhérents travaillant pour ces groupes, sont concernés. Ce qui réduit l'utilisation de son bas de laine destiné à aider les grévistes, qui atteint 825 millions de dollars (772 millions d'euros).
D'après la banque allemande, l'action déclenchée vendredi va puiser environ 6,5 millions de dollars par semaine (6,1 millions d'euros).
Pression
"Cette situation semble très supportable pour l'instant, illustrant la stratégie de l'UAW de ne pas paralyser immédiatement à grande échelle le circuit de production mais plutôt d'injecter un haut niveau d'incertitude concernant l'ampleur de la grève (...) pour mettre la pression, en fonction de la progression des négociations", relève Deutsche Bank.
Nelson Lichtenstein, spécialiste de l'histoire des relations sociales, s'attend à ce que la grève soit bientôt étendue peut-être avec l'ajout hebdomadaire de nouvelles usines tant qu'un accord n'est pas trouvé.
"La menace est le prochain objectif", considère-t-il.
Depuis plusieurs mois de posture agressive pour l'élaboration des nouvelles conventions collectives de quatre ans, Shawn Fain a annoncé une grève et les sites qui seraient concernés deux heures avant l'échéance des contrats jeudi à minuit faute d'accord.
Le syndicat réclame une hausse salariale de 40%, correspondant à celle perçue par les dirigeants des groupes ces quatre dernières années. Il demande aussi la fin des différentes grilles salariales et d'avantages, un ajustement lié au coût de la vie dans un contexte d'inflation ou encore une meilleure couverture sociale pour les retraités.
Pour le syndicat, il s'agit de renouer avec les standards en vigueur avant la crise financière de 2008 lorsque les faillites de General Motors et de Chrysler l'avaient contraint à d'importantes concessions.
En négociant simultanément avec les trois groupes, le syndicat a rompu avec la tradition de discuter avec un groupe --quitte à faire grève-- et à se servir ensuite de l'accord trouvé comme référence pour les tractations avec les deux autres constructeurs.
Les experts s'attendent néanmoins à ce que l'UAW cherche à utiliser son entente avec le premier groupe qui transigera, pour obtenir des deux autres les mêmes conditions économiques notamment concernant les salaires.
Les analystes de Cox Automotive considèrent que GM est "probablement plus vulnérable" que Stellantis ou Ford.
Paul Jacobson, directeur financier de General Motors, a indiqué en juillet que les stocks des nouveaux modèles les plus populaires atteignaient environ dix jours, avec la volonté de parvenir à 50-60 jours d'ici fin 2023.
Parmi ces véhicules favoris, se trouvent la Chevrolet Colorado et la GMC Canyon, toutes deux fabriquées à l'usine de Wentzville (Missouri). L'une des trois en grève.
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