Et si le développement économique local passait par une monnaie alternative ?

Sur les 50 000 défaillances d'entreprises recensées en 2019, près d'un cinquième le sont à cause de défauts de paiement. Une problématique qui touche à la fois les TPE, PME et les ETI, souvent dépourvues d'outils qualifiés. Pour pallier ces arriérés, pourquoi ne pas utiliser une monnaie virtuelle par compensation de factures ?

A Lille, Jean Fauvet porte le projet de la monnaie alternative MLML.
A Lille, Jean Fauvet porte le projet de la monnaie alternative MLML.

Il y a plusieurs années, entreprises et collectivités de la MEL se sont regroupées pour relocaliser les achats et redonner plus de sens aux échanges économiques. En 2019, cela a donné naissance à MLML : "Monnaies locales métropole lilloise". Sous cet acronyme, une initiative autour de la création d'une monnaie interentreprise, portée par Jean Fauvet. Devenue une SCIC (société coopérative d'intérêt collectif), MLML est aujourd'hui hébergée au sein de l'incubateur FALC, à EuraTechnologies.

«Les entreprises qui créent de la valeur sont les micro-entrepreneurs, les TPE et les PME. Mais elles sont les plus fragiles sur leur trésorerie : celle des grandes entreprises est positive de 5 milliards d'euros alors que celle des PME et ETI est négative de 19 milliards. Il y a un vrai enjeu sur le délai de paiement car il ne faut que dix jours de retard pour provoquer une défaillance, et derrière c'est l'effet dominos...», explique Jean Fauvet, un ancien de chez Oney.

Créer une boucle vertueuse

En parallèle, une crise Covid, qui a montré l'importance de l'achat local et une envie toujours grandissante de mieux consommer. Pionnière dans le domaine des monnaies alternatives, la Suisse a d'ailleurs lancé, dès 1934, le WIR, un réseau de confiance devenu aujourd'hui une banque.

Mais c'est en Sardaigne que l'exemple est le plus parlant : le mécanisme du Sardex permet aux membres du réseau de régler leurs dettes avec les créances qu'ils détiennent vis-à-vis d'autres membres. La vitesse moyenne de circulation d'un Sardex serait de 12 échanges par an contre 1,5 pour l'euro et représenterait 0,5% du PIB sarde. Véritable source d'inspiration pour MLML, ces monnaies alternatives n'ont pour l'instant pas beaucoup émergé en France : «Il y a eu des initiatives mais dont le business model n'encourageait pas à l'échange», analyse Jean Fauvet.

MLML entend donc créer un modèle pérenne en passant par l'adhésion : «On veut créer des boucles vertueuses sur le territoire et agréger tous types de corps de métier. Les critères sont simples : être localisé sur la MEL, avoir un statut d'auto-entrepreneur jusqu'à celui d'ETI, et signer une charte d'engagement à un développement responsable. L'entreprise n'est pas là uniquement pour payer mais bien pour échanger avec d'autres acteurs du territoire.» Une quarantaine de structures sont déjà adhérentes, avec l'objectif d'en convaincre 200 pour pouvoir créer un écosystème efficace.

Au premier semestre 2022

Complémentaire aux monnaies classiques – indispensables pour le fonctionnement de toute entreprise –, cette monnaie alternative a pour but de stimuler l'économie locale. «Un euro va créer sept euros de valeur sur le territoire, donc plus d'emplois», ambitionne Jean Fauvet.

Le lancement de cette monnaie est prévu pour le premier semestre 2022 grâce à une plateforme de transactions financières sur laquelle les entreprises gèreront leurs transactions de paiement. Qui, à terme, sera complétée d'une connexion aux outils comptables de l'entreprise.