Esprit d’innovation collaborative, es-tu là ?
La stratégie d’innovation de la filière ferroviaire a fait l’objet d’une table ronde durant le rendez-vous d’affaires. Si la collaboration dans ce domaine ne va pas de soi, elle apparaît comme un atout face à la concurrence internationale.
La 4e édition des Rail Industry Meetings, les 4 et 5 avril à la Cité des congrès Valenciennes, a proposé une table ronde sur la stratégie de la filière en matière d’innovation. Les intervenants étaient Eric Trégoat (directeur du pôle de compétitivité i-Trans et de l’institut de recherche technologique Railenium), Pierre le Conte (Alstom), François Meyer (directeur général de Fer de France) et Christophe Chéron (responsable des partenariats européens dans l’innovation à la SNCF). En fin de table ronde, à l’invitation de l’animateur, ils ont donné leur avis sur l’existence, ou non, de l’innovation et de l’esprit collaboratif dans ce domaine.
«Il faut que le train soit comme une annexe du bureau»
Une filière en retard sur ce plan
François Meyer (qui vient de l’automobile) a estimé que la filière n’avait pas encore inversé la «courbe des coûts» et que c’était le seul moyen de rester dans la course avec l’automobile et l’avion. Il a ajouté que la filière avait moins de moyens en matière de R&D et qu’innover ensemble n’était «pas naturel». Christophe Chéron lui a emboîté le pas en estimant que le «système était rigide» et «trop réglementé». Pierre Le Conte a considéré, quant à lui, que la filière devait être plus créative. «Faire moins cher, aller plus vite, ce n’est pas suffisant. Il faut que ça marche, que l’on soit à l’heure, que le train devienne une annexe du bureau, que l’on fasse mieux en économies d’énergie et confort.» Eric Trégoat en a profité pour dire que l’IRT, «outil d’innovation de la filière», s’était fixé quatre enjeux prioritaires : augmentation de la capacité, les infrastructures étant coûteuses ; fiabilité et ponctualité ; coûts d’acquisition ; délais de mise sur le marché de l’innovation.
L’innovation collaborative ne va pas de soi
Le sujet de la concurrence, notamment avec la Chine, a été évoqué. Les intervenants se sont accordés sur la nécessité de procéder à des regroupements à l’échelle européenne et de réduire les coûts par l’innovation. Les échanges ont cependant montré que l’innovation collaborative n’allait pas de soi chez les constructeurs. M. Trégoat a ainsi estimé que le collaboratif était plus complexe à obtenir parce qu’il y a beaucoup d’acteurs publics. M. Le Conte s’est voulu plus optimiste en affirmant que «sans la SNCF, Alstom n’existerait pas». Les «opérateurs de référence» – SNCF, RATP – sont pour lui indispensables parce qu’ils «utilisent nos produits». Autre frein à la collaboration, relevé par M. Trégoat : du fait de la concurrence accrue, l’innovation reste «confidentielle», secrète, pour préserver l’effet de nouveauté lors de la commercialisation. Cela dit, a-t-il noté, il existe déjà des programmes dits collaboratifs : centre d’essais ferroviaires, train autonome, comportement des matériaux, maintenance prédictive.
Et les équipementiers ?
À cette table ronde, on a aussi parlé des PME-PMI, elles aussi concernées par le travailler-ensemble. M. Meyer a dit qu’il y avait des équipementiers «plus gros» et «plus innovants» que les constructeurs, mais avec une plus grande fragilité du côté des petits acteurs. M. Le Conte a constaté que des équipementiers s’étaient déjà regroupés dans le domaine des freins, des portes, de la climatisation, et estimé que les «petits» devaient pouvoir disposer, comme les gros, de moyens plus importants dans la recherche collaborative. Le vice-président de la Région, présent dans la salle, a rappelé qu’il y avait un soutien régional aux PME/PMI. «Elles vont chercher le travail à l’étranger et se plaignent de devoir se débrouiller seules», a-t-il dit. Il a ajouté que le tissu des PME/PMI était insuffisant par rapport à l’Allemagne et qu’i-Trans et l’IRT étaient là pour leur apporter ce soutien. Ce qu’avait assuré M. Trégoat. Ce dernier a ajouté que les efforts faits en matière de compétitivité ne se voyaient pas non plus, de même que les progrès réalisés en termes de chiffre d’affaires, de poids économique et d’emplois.