Éric Reinhardt favori du prix Goncourt
Le romancier Éric Reinhardt est favori du plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, remis mardi, avec un roman à la forme audacieuse sur la chute...
Le romancier Éric Reinhardt est favori du plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, remis mardi, avec un roman à la forme audacieuse sur la chute d'une femme délaissée par son mari.
Face à "Sarah, Susanne et l'écrivain", long dialogue entre un romancier, une femme en souffrance et son double de fiction, les prétendants s'appellent Jean-Baptiste Andrea ("Veiller sur elle") et Gaspard Koenig ("Humus").
Le prix a quatre finalistes, mais l'une d'entre eux n'a aucune chance: Neige Sinno. "Triste tigre", récit d'inceste et essai sur les violences sexuelles a en effet remporté lundi le Femina. Or ce prix avait été créé en 1904 en réaction à la misogynie du Goncourt, et le Goncourt tient à s'en démarquer systématiquement.
Le lauréat est annoncé, comme le veut la tradition depuis 1914, à l'heure du déjeuner au restaurant Drouant à Paris.
Le Goncourt est la consécration d'une carrière d'écrivain, un trophée convoité par nombre de romanciers et romancières, même si aucun ne l'avoue publiquement. C'est aussi l'assurance de ventes considérables: en moyenne, depuis le début du siècle, aux alentours de 400.000 exemplaires.
Selon la moitié des six journalistes littéraires interrogés fin octobre par le magazine Livres Hebdo, 2023 est l'année d'Éric Reinhardt.
Goncourable" depuis longtemps
À 58 ans, il cumule beaucoup d'atouts. Son éditeur, pour commencer: Gallimard est la maison la plus influente au sein du jury. L'expérience ensuite: comme chez d'autres lauréats (Michel Houellebecq en 2010, François Weyergans en 2005, Pascal Quignard en 2002), si son livre n'est pas le meilleur de toute son œuvre, cet auteur est "goncourable" depuis longtemps.
"Sarah, Susanne et l'écrivain" est une fiction inspirée de faits réels. La mère de deux adolescents, lasse que son époux lui adresse à peine la parole, quitte le bel appartement familial à Dijon, pour un logement bien plus petit en banlieue. Puis sa vie se délite.
Les concurrents d'Éric Reinhardt sont plus jeunes, assez prometteurs pour espérer le prix plus tard dans leur carrière, s'ils persistent. Mais rien n'est acquis d'avance: l'auteur de "L'Amour et les Forêts", adapté avec succès cette année sur grand écran, n'a pas que des amis, ou pas assez d'amis dans le milieu, lui qui vit, entre Paris et le Perche, en marge des mondanités.
Jean-Baptiste Andrea, 52 ans, est vu comme son rival le plus sérieux. Venu à la littérature sur le tard, à 46 ans, il signe avec "Veiller sur elle" son roman le plus abouti.
Déjà récompensée par le prix Fnac, sa fresque sur un sculpteur qui connaît son heure de gloire dans l'Italie fasciste, doublée d'une histoire d'amour entre un plébéien et une patricienne, est publiée par une maison indépendante, L'Iconoclaste.
Cinq finalistes du Renaudot
Enfin, Gaspard Koenig, à 40 ans, serait un vainqueur surprise, comme on en a déjà vu. "Humus" (aux éditions L'Observatoire), histoire de deux jeunes agronomes "bifurqueurs", à savoir critiques de l'agriculture intensive, a convaincu beaucoup de lecteurs.
Celui qu'on connaissait surtout comme essayiste et philosophe est l'un des favoris de l'autre prix littéraire du jour, le Renaudot.
Immédiatement après le Goncourt, et également au restaurant Drouant, le jury du Renaudot proclame son prix 2023.
Outre Gaspard Koenig, il a désigné quatre autres finalistes: Sorj Chalandon avec "L'Enragé" (Grasset), lui aussi favori, Lilia Hassaine avec "Panorama" (Gallimard), Alexis Salatko avec "Jules et Joe" (Denoël), et Ann Scott avec "Les Insolents" (Calmann-Lévy).
Le règlement du Goncourt impose de primer l'un des quatre finalistes. Mais avec le Renaudot, tout est possible. Pour ses prix du roman et de l'essai – pour lequel Jean-Luc Barré tient la corde, avec le premier tome d'une biographie de Charles de Gaulle –, le jury peut aller chercher le lauréat ou la lauréate qui lui plaît.
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