Entreprises en difficulté: Les CIP lancent un appel à la mobilisation
Les Centres d’information sur la prévention des difficultés des entreprises entendent jouer pleinement leur rôle de sentinelles face à un potentiel afflux de demandes à partir de septembre prochain.
Ils veulent, plus que jamais, être prêts à épauler et orienter les chefs d’entreprise en difficulté vers les dispositifs adaptés. Même s’il est encore difficile de prévoir précisément quel va être l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises, et notamment les plus petites, le réseau des 70 Centres d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) se préparent activement à un faire face à un afflux de demandes dans les mois à venir. En commençant par développer la communication pour mieux se faire connaître, y compris de la presse locale. «N’hésitez pas à faire des communiqués de presse et des conférences de presse», «à faire savoir aux journalistes que vous êtes le local de l’étape et que vous pouvez donner des informations sur le territoire», a ainsi lancé le président du CIP National, William Nahum, aux représentants des CIP territoriaux, au cours de la réunion annuelle du réseau national des CIP qui s’est tenue par visioconférence le 26 juin dernier.
L’information et la prévention en premières lignes
«Nous avons tous été surpris par l’arrivée de cette crise sanitaire», mais «même si certains tribunaux de commerce ont fermé, tous ont continué à fonctionner», a rappelé le président de la Conférence générale des juges consulaires de France, Georges Richelme, à cette occasion. «La continuité de la justice économique a été assurée grâce à nos greffiers», «au dévouement de nos juges», à «des outils numériques» et à un certain nombre de «dispositions dérogatoires», telles que «l’audience à juge unique et par tout moyen» et «la procédure sans audience.» Surtout, pour les tribunaux de commerce, «le grand sujet a été la prévention», et ce, dès le début de la pandémie. De leur côté, les administrateurs et mandataires judiciaires ont mis en place un numéro vert animé bénévolement par des membres de la profession pour répondre à toutes les questions des entreprises sur les mesures gouvernementales (chômage partiel, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État…). «95 % des appels proviennent de petites entreprises de moins de 10 salariés», dont une grande majorité sont issues des secteurs «de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce de détail», a souligné Christophe Basse, président du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ).
Une procédure de conciliation «aménagée» pour la sortie de crise
Les premières mesures prises par le gouvernement «ont permis d’apporter de l’oxygène pendant quelques mois», mais «il va falloir mettre en place de nouvelles actions», a pointé le président du CIP national, William Nahum. «Une très grande partie des acteurs économiques risquent de se retrouver à la fois débiteurs défaillants et créanciers impayés», a expliqué Georges Richelme. Pour «éviter les procédures de redressement qui risquent de bloquer le crédit interentreprises et d’avoir des effets en cascade sur les autres partenaires de l’entreprise, (…) nous avons proposé à la Chancellerie d’aménager une procédure de prévention, la conciliation, de façon à forcer les créanciers à discuter avec les débiteurs.» L’article 2 de l’ordonnance du 20 mai 2020 permet désormais au président du tribunal d’interrompre ou d’interdire toute action en justice d’un créancier refusant de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure de conciliation et de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.
Les entreprises bientôt face à un mur de dettes ?
Le nombre d’ouvertures de procédures collectives n’a, pour l’instant, pas enregistré de hausse significative en France. Mais les entreprises ne risquent-elles pas de se retrouver confrontées à un mur de dettes à l’automne, ou l’année prochaine ? «Non, je crois que tout va se faire dans le temps, sur un, deux ou trois ans», a répondu le président du CNAJMJ, Christophe Basse, et «je pense que l’effet sera beaucoup moins fort en France qu’ailleurs, et dans des proportions moins importantes qu’en 2009.» De même, «nous ne pensons pas voir venir de vague [de défaillances d’entreprises] en 2020 parce que les Prêts garantis par l’État sont prévus pour une durée d’un an», a relevé Charles-René Tandé, président de l’Ordre des experts-comptables, qui travaille désormais sur le plan de relance avec le ministère de l’Économie et des Finances.
La crise «déculpabilise» les chefs d’entreprise
Avec la crise, «on observe chez les chefs d’entreprise quelque chose de nouveau sur le plan psychologique», a pointé l’avocat spécialisé en droit des entreprises en difficulté, Georges Teboul. «Les freins habituels à la prévention [mandat ad hoc et conciliation] sont la peur et la honte», a-t-il rappelé. Or, du fait de la pandémie, «la crise déculpabilise» le chef d’entreprise parce qu’il ne se sent pas «responsable de l’échec.» De même, «le tribunal de commerce est de plus en plus perçu comme une aide», ce qui représente «une opportunité extraordinaire de développer la prévention.»
Appel à la mobilisation et propositions en faveur des TPE
Pour pouvoir faire face à un potentiel afflux de demandes, le réseau national des CIP souhaite mettre en place, dès septembre prochain, un dispositif exceptionnel pour soutenir les CIP territoriaux à assurer leur mission, qui consiste à informer et guider les chefs d’entreprise en difficulté sur les différentes solutions qui leur sont offertes. Pour ce faire, «nous allons faire appel au volontariat de tous, experts-comptables, avocats, anciens juges consulaires», a annoncé le président du CIP National, William Nahum. En parallèle, le réseau vient d’émettre plusieurs propositions pour faciliter la sortie de crise. Il plaide notamment pour un droit des entreprises en difficulté spécifique aux TPE, car si les procédures de prévention fonctionnent bien pour les grandes entreprises, elles nécessiteraient «d’être adaptées» aux plus petites. Le CIP National propose également que l’État devienne un «actionnaire dormant» des entreprises qui vont rencontrer des difficultés à rembourser leur Prêt garanti par l’État (PGE), et de mettre en œuvre des moyens «pour que les investisseurs potentiels (banques, assureurs, fonds d’investissement…) puissent s’engager rapidement dans les entreprises endettées». Ou encore «d’élargir les compétences des tribunaux de commerce» en créant des tribunaux ayant vocation «à juger des contentieux et des difficultés de toutes entités ayant une activité économique», y compris les artisans, les agriculteurs, les professionnels libéraux ou les associations, qui relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires.
Défaillances : vers un automne meurtrier ?
Augmentation de 80 % des défaillances d’entreprises en France ! C’est la prévision annoncée par l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) parue mi-juin. «Le tissu productif français serait lourdement affecté par la crise issue de la pandémie du Covid-19, avec des niveaux de défaillances inédits et des effets variables selon les secteurs, la taille des entreprises et les régions», peut-on lire dans le document : «Dynamique des défaillances d’entreprises en France et crise de la Covid-19» (disponible sur le site : https://www.ofce.sciences-po.fr/). «Les défaillances d’entreprises augmenteraient de 1,4 % en 2020 passant de 1,8 % dans un monde sans crise à 3,2 %, soit une hausse de presque 80 %. Sans le dispositif de l’activité partielle, la part d’entreprises défaillantes aurait même atteint 4,4 %.» Les faillites potentielles annoncées pourraient se solder par la destruction de 250 000 emplois au 1er janvier 2021.
Chambre de Prévention à Nancy
À l’instar de plusieurs juridictions commerciales, le Tribunal de Commerce de Nancy possède en son sein une chambre de Prévention. Dès le début de la crise sanitaire, elle a été mise à disposition des entreprises les plus fragiles pour procéder à l’examen de leur situation. Dans un communiqué, elle assure que «lors d’un entretien confidentiel, le juge de la prévention après examen des difficultés de l’entreprise, communiquera au dirigeant la liste des solutions envisageables. Pour éviter des ouvertures de procédures collectives tout sera mis en œuvre pour privilégier les solutions mandat ad hoc et conciliation (…) Les chefs d’entreprise ne doivent pas attendre d’être en difficulté, mais au contraire ils doivent anticiper la situation à venir. En tout état de cause, il ne faut pas hésiter à prendre contact avec la chambre de Prévention.» Plus d’infos via le mail : gtcnancy-sos@greffe-tc-nancy.fr.
Le CIP 54 bientôt réactivé
Soixante-dix CIP (Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises) dans l’Hexagone. Sur la carte mise en avant sur le site : https://www.cip-national.fr/, zone blanche pour le moment du côté de la Meurthe-et-Moselle. «Le CIP Meurthe-et-Moselle est en cours de réactivation. En attendant, le CIP Moselle est à l’écoute de tous les chefs d’entreprise de la région. Ainsi, les dirigeants de Meurthe-et-Moselle peuvent obtenir par téléphone un certain nombre de renseignements et de réponses à leurs questions. Le numéro à contacter est le suivant : 03.87.52.31.26», assure le CIP national.
Miren LARTIGUE & Emmanuel VARRIER