Entreprises
Entreprise et tiers-lieu : quelle relation en Moselle ?
Dans le cadre de l’événement Faire Tiers-Lieux, qui se déroule cette semaine à Bliiida, un atelier de travail a abordé les relations entre les tiers-lieux et le monde de l’entreprise. À l’écoute des exposés et arguments issus de cet espace de rencontres et de recherche de solutions coconstruites, force est de constater que du chemin reste à parcourir pour que les deux trouvent une synergie commune. Même si les mentalités évoluent et les curseurs se déplacent positivement.
Cette semaine, le tiers-lieu messin Bliiida accueillait plus de 600 acteurs nationaux du mouvement des tiers-lieux, professionnels et partenaires. Un évènement organisé par l'association France Tiers-Lieux et dont c'était la première édition. Trois jours pour replacer ces tiers-lieux dans les enjeux sociétaux, économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. En somme, un brainstorming géant matérialisé par une pléthore de groupes de travail, tables rondes et d’ateliers. L’un d’entre eux abordait les relations, souvent en pointillés, entre les tiers-lieux et les entreprises. Intervenant tout autant comme expert que passionné du sujet : Stéphane Bensimon, CEO de Wojo. Après une expérience chez Accor dans le monde de l'hôtellerie internationale, il se consacre depuis quatre ans à l'environnement de travail revisité. Il dirige Wojo qui propose aux entreprises des nouvelles formes d'espaces de travail avec plus de services, de flexibilité et moins de coûts ou d'empreinte carbone. L’auditoire du jour : une assemblée d’acteurs et d’utilisateurs de tiers-lieux.
Les mutations du monde du travail accélèrent
En préambule de son propos intitulé : «Entreprises en tiers-lieux, je t’aime, moi non plus», Stéphane Bensimon donnait cette constatation chiffrée : quand 71 % des entreprises en France souhaitent réduire leurs charges immobilières et flexibiliser l’utilisation de leurs bureaux, seules 4 % sont engagées dans la recherche de solutions dites ubiques - bureaux partagés ou développement du travail de leurs salariés dans les lieux de coworking -. Un paradoxe, sans doute résultant d’une vision culturelle et d’un ancrage traditionnel de l’espace de travail. Pourtant, Stéphane Bensimon l’a réaffirmé : «L’avenir n’est plus au lieu de travail fixe, figé et réservé pour le collaborateur. Le modèle auquel l’entreprise doit se préparer et intégrer dans son organisation, c’est celui où le salarié travaillera deux jours par semaine en entreprise, le reste du temps de chez lui, dans un espace de coworking, ou ailleurs. Cette aspiration ne se voit pas que chez les jeunes.» Témoin de cette évolution : l’explosion du freelancing, lequel concerne plus d’un million d’individus en France, soit une augmentation de 71 % en une décennie. La crise de la Covid-19 a accéléré un désir d’indépendance chez beaucoup de salariés. Si le télétravail n’est sans doute pas l’alpha et l’oméga tant vanté au début de la crise, il apparaît désormais incontournable, avec toutes les questions qu’il engendre, dans son cadre notamment. Dans la flopée de statistiques qui a émané de ces mouvances sociétales issues de la pandémie, on retiendra ces quelque 70 % de salariés qui aspireraient à travailler un minimum de deux jours par semaine hors des murs de leur entreprise - l'item temps de trajet est au cœur de la problématique - et ces 73 % qui se sentent isolés, notamment en télétravail. Il y a donc là une passerelle à trouver entre cette appétence d’une plus grande liberté et cet ardent souhait de ne pas se couper de toute interaction sociale.
Tiers-lieu et entreprise : communauté humaine
Dès lors, une entreprise, dans sa quête d’un nouvel écosystème de bureaux, peut-elle se servir des tiers-lieux, endroits voués à la dynamique de créations, de coopérations, d’expérimentations, comme alternative ? Elle devra en tous les cas intégrer un certain nombre de paramètres propre à son rythme de vie : optimisation des coûts, flexibilité, solutions sur mesure pour les collaborateurs, protection de ses salariés, attractivité dans le recrutement, la marque entreprise, la fidélisation des talents, la réduction de son impact environnemental. Stéphane Bensimon rappelait à juste titre : «Où que soit le salarié, l’entreprise en est responsable.» Citant quelques solutions pour l’entreprise, bureaux partagés ou privatisés, dans leur aspect adaptable et modulable, il insistait sur «le nécessaire dialogue entre tiers-lieu et entreprise.» Il est vrai que l’un et l’autre se méconnaisse souvent, générant parfois des images d’Épinal. On l’a vu dans l’interactivité entre Stéphane Bensimon et son auditoire, il s’agit de faire, non plus cohabiter, mais travailler ensemble en harmonie, la nuance est importante, deux solutions qui peuvent paraître antinomiques. L’entreprise est une entité à visée économique et donc de rentabilité. Le tiers-lieu n’a pas forcément l’ADN de la seconde. Pourtant, l’intelligence collective sur un territoire, en prenant en compte les spécificités locales, peut amener à des coopérations, surprenantes et au final attractives et épanouissantes. Car, sans conteste, ce qui lie tiers-lieu et entreprise ne saurait être démenti : le premier, comme la seconde, est une communauté humaine. Le lieu où elle grandit, forge son caractère, épanouit intellectuellement des femmes et des hommes, n’est finalement qu’un outil. Forcément évolutif et perfectible. Stéphane Bensimon concluait : «De toutes les manières, le choix alternatif donné au salarié, c’est l’entreprise qui le décide.»