Entreprise en difficulté, des solutions avant les problèmes !

À l’initiative de Marion Duwat et de Julien Da Costa, coprésidents de la section Côte d’Opale du Centre des Jeunes Dirigeants, une cinquantaine d’entrepreneurs du Boulonnais, du Calaisis, du Montreuillois et de l’Audomarois ont pu se renseigner auprès des professionnels des entreprises en difficulté, lors d’une soirée organisée le 20 novembre au Golf de Wimereux.

APESA 62 est présidée par le juge consulaire Jean-Pierre Braure (à droite), assisté de Daniel Lefebvre, nouveau président du TC de Boulogne.
APESA 62 est présidée par le juge consulaire Jean-Pierre Braure (à droite), assisté de Daniel Lefebvre, nouveau président du TC de Boulogne.

«Dès les premières difficultés de trésorerie, n’hésitez pas à venir nous voir. Il ne faut pas attendre et ne pas avoir peur de franchir la barrière du tribunal de commerce, conseille en préambule Daniel Lefebvre, le nouveau président du TC de Boulogne-sur-Mer. La porte d’entrée est notre greffe. Vous obtiendrez un rendez-vous en moins de 24 heures. Nous vous garantissons réactivité et confidentialité. Si le chef d’entreprise a souvent le nez dans le guidon, les juges consulaires, qui ne sont pas des juges professionnels mais des commerçants ou des entrepreneurs bénévoles désignés par leurs pairs, ont du recul et une hauteur de vue souvent bien utiles. Ce n’est pas parce que l’on passe la porte du tribunal qu’on se fait couper la tête.» De fait, il existe bien des étapes ou des formules pour éviter le redressement ou la liquidation judiciaire. Surtout si on est encore en amont de l’état de cessation des paiements. «L’administrateur judiciaire, confirme Gilbert Declercq, peut intervenir de manière privilégiée en matière de prévention des difficultés de l’entreprise, en conciliation ou à la faveur d’un mandat ad hoc.» Il établit un diagnostic de l’entreprise et assiste son dirigeant pour tenter de maintenir son activité. «Nous, nous intervenons dès cette cessation, en procédure de sauvegarde, sur désignation du TC», explique la mandataire judiciaire Marion Ruffin. Représentant de la société, Philippe Sabatier, procureur adjoint au tribunal de grande instance de Boulogne, répète qu’il participe au TC aux efforts pour sauver les entreprises et prévenir leurs difficultés. Si le tribunal de commerce s’occupe de l’entreprise, une autre entité s’occupe du chef d’entreprise.

(De g. à d.) Marion Duwat, Gilbert Declercq, la greffière Christine Hau, le président Daniel Lefebvre, Jean-Pierre Braure, Marion Ruffin et le procureur Philippe Sabatier.

Un dispositif d’aide psychologique

Depuis deux ans dans les arrondissements de Boulogne, Calais, Saint-Omer et Montreuil-sur-Mer, le dispositif APESA contribue au repérage des chefs d’entreprise en grande souffrance morale face à la défaillance de leur affaire. Il leur propose aussitôt un soutien psychologique gratuit. Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA 62 Boulogne-sur-Mer) est une association créée à l’initiative du tribunal de commerce de Boulogne, son greffe et un représentant des mandataires judiciaires pour venir en aide aux dirigeants de PME ou de TPE en difficulté psychologique. «Nous nous adressons aussi aux agriculteurs et aux artisans pêcheurs, ajoute le président Jean-Pierre Braure, même s’ils ne sont pas ressortissants du tribunal de commerce. La détresse des petits patrons n’est pas un sujet honteux, c’est un vrai phénomène de société, une réalité dont on parle peu.» La souffrance est d’autant mal évaluée qu’il n’y a pas de médecine du travail pour le patron. Chaque année, près de 200 chefs d’entreprise mettent fin à leurs jours, d’après l’Observatoire de la santé des dirigeants de PME.

Un réseau de 60 «sentinelles»

Concrètement, a été mis en place un véritable système de repérage et d’alerte du risque suicidaire au sein même du tribunal pour apporter une réanimation psychologique d’environ cinq consultations gratuites avec un psychologue. Tout un réseau de «sentinelles» est à même d’écouter les entrepreneurs à risque et de faire preuve de solidarité. «Ces sentinelles, précise Jean-Pierre Braure, sont les juges qui reçoivent en audience, les mandataires judiciaires, les greffiers et les assistants, mais aussi, plus en amont, les experts-comptables, les salariés de l’entreprise, les conseillers du RSI, de l’Urssaf, des chambres consulaires, les banquiers, les syndicats patronaux…» «La crise suicidaire, ce n’est pas une pathologie, explique un psychologue, mais un processus qui enferme psychiquement la personne, l’isole et la prive de sa capacité de penser. Il est donc possible de le désamorcer en aidant l’entrepreneur en souffrance à retrouver l’estime de soi et à trouver une autre issue que le suicide.» Faire en sorte que l’échec ne soit que la première étape d’un rebond professionnel ou personnel. Le dispositif est simple et efficace. La sentinelle, avec l’accord du chef d’entreprise dont la souffrance a été décelée, remplit alors une fiche d’alerte. Une convention a été signée avec RMA (Ressources mutuelles assurances) pour que cet organisme prenne le premier contact dans les 24 heures qui suivent l’alerte. Cette plateforme, en fonction du diagnostic, prescrit trois à cinq séances de suivi spécialisé par un praticien de proximité. L’association est indépendante du TC. Le secret professionnel est garanti. Pour prendre en charge les différents accompagnements psychologiques proposés, APESA 62 dispose d’un budget annuel d’environ 10 000 €, alimenté par les subventions des collectivités territoriales et des dons privés.