Entrepreneuriat : le temps des territoires est venu
«Un nouvel ancrage territorial pour les entrepreneurs ?». C’était le thème d’une des rencontres organisées par Bpifrance, lors de la 7e édition du salon BIG (Bpifrance Inno Génération), le 7 octobre dernier. Une question d’actualité alors que la crise sanitaire a rebattu les cartes, aussi bien à l’échelle mondiale que locale.
«Je crois que le temps des territoires est résolument venu et il va falloir que l’État s’y adapte», a déclaré Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, auprès du ministre de l’Économie, au cours cet échange sur l’entrepreneuriat et les territoires. Pour ce faire, le gouvernement doit, selon elle, commencer par remédier à plusieurs faiblesses actuelles.
L’État
doit faciliter la vie des acteurs sur les territoires
«La coopération est la mission première de l’économie sociale et solidaire depuis un siècle», a-t-elle rappelé, «mais elle a parfois du mal à vivre dans les territoires à cause de l’instabilité de la politique économique menée par l’État central». Ainsi, lors de la création de hubs locaux, par exemple, «tous les efforts faits pendant des années peuvent être anéantis par un revirement de politique».
Il faut également «faciliter la vie des acteurs des
territoires pour que ceux qui demandent des aides de l’État ou de
l’Union européenne puissent avoir un accès plus rapide à ces
aides», a-t-elle pointé, avant d’évoquer le projet de
création d’un guichet unique pour traiter ces demandes.
Elle
a par ailleurs regretté «la faiblesse de l’État à
accompagner les ETI», alors que les entreprises de taille
intermédiaire et les grosses PME «créent énormément
d’emplois sur nos territoires» et que «65%
des ETI ont leur siège en dehors de Paris». Dans le cadre
du plan de relance, Bpifrance, qui dispose déjà d’un programme
d’accompagnement des ETI, vient de signer avec la Banque européenne
d’investissement un accord permettant de leur accorder des avances
de trésorerie.
«Le
meilleur échelon pour démontrer l’impact»
La secrétaire d’État a aussi évoqué le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action publique locale (dit «4 DS»), actuellement en cours d’examen devant le Parlement, et la directive européenne sur le reporting extra-financier, qui devra être transposée en droit français d’ici le 1er décembre 2022.
«Je pense que le territoire est le meilleur échelon pour démontrer l’impact» d’une activité sur le plan environnemental, social et de la gouvernance (ESG), a enfin souligné Olivia Grégoire, qui a lancé en mai dernier une plateforme, baptisée Impact, pour aider les entreprises responsables à le faire savoir ou à le devenir.
Encourager
et soutenir les femmes
«Ce qui m’intéresse, c’est la place des femmes dans l’économie et dans les territoires», a expliqué Marie Eloy, fondatrice de Femmes de Bretagne. Destinée à aider les femmes à créer leur entreprise «dans les grandes villes et les villages», cette initiative a depuis été déployée au niveau national avec la Fondation Entreprendre et est devenue Femmes des territoires.
Elle a aussi lancé le réseau Bouge
ta boîte, destiné aux dirigeantes installées. Le réseau est
aujourd’hui «présent dans 120 villes en France»,
«nous organisons 400 réunions de travail chaque mois et
notre réseau social est très actif», a-t-elle précisé.
«Il faut que l’écosystème soit mixte, toutes les études
le disent : plus il y a de mixité et plus il y a de
performance, d’innovation et de bien vivre ensemble. Je ne
comprends pas pourquoi on se prive de ça», a-t-elle
ajouté après avoir relevé que «les cercles de dirigeants sont
essentiellement masculins».
L’exemple
des métropoles French Tech
Pour
développer des hubs technologiques en dehors de l’Île-de-France,
«il faut de l’argent, des talents et des universités, et
une culture entrepreneuriale», a expliqué
Olivier Mathiot, cofondateur de PriceMinister, membre du
conseil d’administration de France Digitale et directeur général
du fonds d’investissement 2050. «Le pays est très
centralisé d’un point de vue économique» et la région
parisienne concentre «beaucoup de moyens
universitaires et financiers, qu’il s’agisse d’argent public ou
privé», a-t-il relevé.
«Les métropoles French Tech est un exemple de création de maillage territorial. Avec France Digitale, nous allons à la rencontre des start-up partout sur le territoire, mais il faudrait que nous organisions véritablement un train pour faire venir des fonds de capital-risque» en régions. Et si, grâce au télétravail, «il est aujourd’hui beaucoup plus facile de recruter des talents en régions», «cela peut aussi être le moyen pour les Google, Facebook, etc., de nous ‘piquer’ des talents, puisqu’ils peuvent recruter des ingénieurs français depuis la Silicon Valley, en leur proposant de travailler à distance». Enfin, pour ce qui est de la culture entrepreneuriale, «il faut du temps pour que des entrepreneurs deviennent ‘role models’ et inspirent des vocations.»
Attractivité des territoires : travailler sur sa réputation et son positionnement
En parallèle, «il est important pour les territoires de travailler sur leur réputation et leur positionnement», a poursuivi Olivier Mathiot : «il faut qu’un territoire soit connu pour quelque chose qui le distingue des autres». Et ces réflexions sur l’attractivité d’un territoire peuvent tout à fait s’inscrire dans une dynamique nationale.
«Nous avons une voie française à faire valoir
en mettant la technologie au service d’un certain nombre de
valeurs, dont l’inclusion sociale et la dimension
environnementale», a-t-il expliqué. «Il y a une
opportunité pour la France de ne pas courir derrière la Silicon
Valley ,mais d’inventer son modèle.»