Entre utopies et monde d’après

Du 27 au 29 août, le Conseil français des urbanistes (CFDU) organise une rencontre nationale au familistère de Guise, dans l’Aisne, pour évoquer les nouveaux modèles à mettre en oeuvre. Rencontre avec Philippe Druon, président du CFDU et organisateur de l’événement, pour qui élus et professionnels de la ville sont appelés à un urbanisme plus frugal et créatif.

Philippe Druon urbaniste
Philippe Druon urbaniste

La Gazette : Pourquoi cette thématique ?

Philippe Druon : L’année dernière, j’avais été inspiré par l’utopie qui est fondatrice en matière d’urbanisme et qui est très inspirante, des cités-jardins aux jardins familiaux, avec toute l’utopie sociale que  l’on met derrière. Avec l’arrivée de la Covid, nous avons finalisé notre thématique pour évoquer ce «monde d’après». Et nous sommes ravis d’être au familistère de Guise, véritable palais social, idéal pour ce travail de prospective.

Comment le monde de l’urbanisme a-t-il été touché par la pandémie ?

Le secteur avait déjà été bousculé bien avant. Le mouvement des Gilets jaunes avait fait émerger une fracture territoriale, une crise de la citoyenneté et les limites de cette vision ancienne des métropoles-locomotives et des territoires en retrait. La crise sanitaire a confirmé qu’il faut revoir nos modèles, notamment pour tous ceux qui sont restés confinés dans leur HLM sans balcon. 

Quel est l’objectif de cette 24e édition ?

Notre profession doit apporter sa contribution à la réflexion sur les moyens d’atteindre un futur durable. Nous allons d’abord revenir sur les leçons à tirer de la crise sanitaire. Une enquête sur le confinement et ses effets sur le quotidien sera présentée par Lise Bourdeau-Lepage, géographe, professeur à l’Université de Lyon, en charge au sein de l’UMR EVS de l’atelier “Bien-être, santé et nature en ville”. Il a été constaté que si le refuge individuel à la campagne représentait une envie de nature, c’est aussi un repli individualiste et un refus de la ville. Il faut donc entendre ce besoin de nature en milieu urbain, sans opposer ville et campagne. Parlons d’avantage de cohérence sociale des territoires. Des ateliers seront également proposés sur le circulaire, la coopération citoyenne, la frugalité …

Dans quelles directions tendent aujourd’hui les nouvelles approches de l’urbanisme ?

Plus de frugalité et de protection de la ressource dans un contexte d’urgence climatique, à l’inverse des vieux schémas consuméristes portés par une croissance destructive de la ressource. Il faut abandonner certaines pratiques. J’aime citer le philosophe Gaston Berger  : «Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer.»

Du 27 au 29 août, le Conseil français des urbanistes organise une rencontre nationale au familistère de Guise, dans l’Aisne.

Pourquoi, durant cette université d’été, s’être associé au groupe Frugalité heureuse ?

En 2018, une architecte, un urbaniste et un ingénieur ont publié un “Manifeste pour une frugalité heureuse” (près de 10 000 signatures). Ils appellent à une architecture et un aménagement des territoires moins gourmands en termes de consommation d’énergie, de matière, de technicité… J’aimerais aller plus loin et qu’à l’issue de cette université d’été, un “Manifeste pour un urbanisme d’après-crise” plus opérationnel soit coécrit avec ce groupe et les urbanistes. Les gens attendent de la mise en pratique. Les urbanistes doivent faire de nouvelles propositions pour changer les choses et motiver citoyens et élus. Philippe Madec, représentant du groupe Frugalité heureuse, mais aussi Myriam Cau, présidente d’Urbanistes des Hauts-de-France, interviendront notamment sur ce sujet.

Quelle sera la place dédiée aux élus durant ce colloque ?

La matinée du samedi 29 août leur permettra de faire du partage d’expérience et de faire remonter les besoins. Seront notamment présents l’ancienne députée Audrey Linkenheld, rapporteur de la loi ALUR, Karima Delli, députée européenne qui interviendra sur le Green Deal européen, Hugues Cochet, maire de Guise. Mais aussi Christian Champiré, maire de Grenay, près de Lens, sur son concept de médiathèque-estaminet multiservices, ou encore Martine Jolly, maire de Courcy, près de Reims, sur l’aménagement d’une ancienne base aérienne en ville nouvelle «Microville 112». Rappelons que le maire est le premier urbaniste de sa commune ! 

Programme disponible sur  : https://sites.google.com/site/cfduurba/2020-guise

Événement complet, mais possibilité encore de s’inscrire pour assister à distance aux visioconférences.


Retour sur l’édition 2019

En juin 2020, le Conseil français des urbanistes a publié Ces villes dites moyennes… le commerce dans tous ses états. C’est le fruit des conférences de la 23e Université d’été d’août 2019, qui évoquent les défis à relever des villes dites moyennes (entre 10 000 et 100 000 habitants), notamment en cœur de ville. Le livre analyse les problèmes rencontrés, les stratégies pour revitaliser le commerce et le thème de la décroissance, considérée par certains comme source d’opportunités.