Entre selfies et bataille d'idées, les politiques tentent de capter les jeunes sur les réseaux
Parler aux jeunes sur les réseaux sociaux, tous les politiques en rêvent, beaucoup s'y essaient, mais...
Parler aux jeunes sur les réseaux sociaux, tous les politiques en rêvent, beaucoup s'y essaient, mais peu y parviennent réellement.
Certains tentent d'en faire leur spécialité, comme Gabriel Attal qui ne cessait de demander vendredi aux quelques jeunes venus à sa rencontre à la foire aux vins de Coulommiers (Seine-et-Marne) de l'ajouter sur BeReal.
Chaque jour, le Premier ministre trentenaire publie sur ce réseau social prisé des moins de 25 ans, à une heure imposée par la plateforme, un selfie de lui-même lors de ses déplacements, du Salon de l'Agriculture à la sortie du conseil des Ministres.
C'est aussi le cas du président du RN Jordan Bardella, dont les extraits d'interviews ou les vidéos de déambulation dépassent régulièrement le million de vues sur TikTok.
"C'est la stratégie Salvini (vice-Premier ministre italien d'extrême droite), une pleine occupation des réseaux sociaux avec beaucoup de selfies partout pour cultiver une image de proximité", analyse le vidéaste politique marqué à gauche Usul.
Parmi les candidats aux élections européennes de juin, Raphaël Glucksmann, tête de liste des socialistes, se distingue aussi par son impact sur Instagram.
D'autres ont plus de mal: si un tiers du gouvernement est présent sur TikTok, leur audience est parfois confidentielle, comme celle de la secrétaire d'Etat Sabrina Agresti-Roubache et ses 14 abonnés.
Car si les politiques pensent généralement voir dans les réseaux sociaux un moyen de toucher un public bienveillant et moins politisé, la recette du succès est difficile à cerner. "Il ne suffit pas de dire : +hello les jeunes, je suis sur TikTok+" commente Usul.
L'âge n'est pas forcément un critère. L'exemple de l'ex-candidat à la présidentielle américaine Bernie Sanders, 82 ans, a montré qu'on pouvait appartenir à une génération différente et réussir sur les réseaux sociaux. Les succès en France de Jean-Luc Mélenchon et d'Eric Zemmour sur YouTube le confirment.
Ce dernier approche les 500.000 abonnés sur la plate-forme, le leader de La France insoumise (LFI) près du double, avec une présence notable sur la plateforme de streaming Twitch, avec 100.000 abonnés.
D'autres facteurs comptent ainsi davantage, comme la capacité à s'approprier les codes des réseaux sociaux et "sortir du discours guindé, du type allocution aux Français", estime Usul.
C'est notamment le cas de députés LFI, comme Antoine Léaument ou Louis Boyard, qui usent régulièrement de la culture des mèmes chère aux réseaux sociaux. "Louis Boyard a fait le chemin inverse: il vient des réseaux sociaux, tout est naturel pour lui", estime Usul.
Des codes moins maîtrisés par d'autres figures politiques, les vidéos face caméra de certains responsables ou candidats sont ainsi régulièrement moquées car frôlant le "cringe", ce sentiment de malaise ou d'embarras connu des réseaux sociaux.
De quoi faire germer chez une partie de la jeunesse une méfiance vis-à-vis des politiques qui essayent de les séduire de manière peu subtile.
Acte de présence
Avec 3,4 millions d'abonnés sur Instagram, Emmanuel Macron, comme Gabriel Attal, a su exploiter sa notoriété pour s'assurer une audience large, mais pas nécessairement captive du propos politique, estime le spécialiste de la communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.
"Contrairement à l'extrême droite ou la gauche radicale, les modérés ne prennent pas les réseaux sociaux au sérieux et en ont une utilisation assez primitive," estime-t-il. "Ils font acte de présence, mais n'arrivent pas à y imposer leur sujet."
"Mélenchon et le RN sont beaucoup plus malins et ont compris la stratégie d'occupation", confirme Usul.
Une stratégie qui consiste, d'une part, à inonder les réseaux sociaux d'extraits d'interviews pensés spécifiquement pour leurs logiques algorithmiques. Jordan Bardella, en tête des sondages pour les européennes, et Eric Zemmour en ont fait leur spécialité.
Mais qui implique également de sortir d'une communication ascendante à laquelle est habitué le monde politique pour se focaliser sur les sujets les plus débattus sur les réseaux sociaux, en particulier par les jeunes.
La communication très large de LFI sur la guerre en Ukraine ou entre Israël et le Hamas à Gaza en fait partie. "Pour comprendre LFI, il faut comprendre les réseaux sociaux", appuie ainsi Philippe Moreau-Chevrolet.
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