En prison, un détenu sur quatre fume quotidiennement du cannabis
L'usage du cannabis est largement répandu en prison: un détenu sur quatre affirme en fumer quotidiennement, montre une étude de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée lundi, la première...
L'usage du cannabis est largement répandu en prison: un détenu sur quatre affirme en fumer quotidiennement, montre une étude de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée lundi, la première enquête représentative à l'échelle de la France.
L'enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI) a été réalisée d'avril à juin 2023, sur un échantillon de 1.094 hommes détenus depuis plus de trois mois et âgés d'au moins 18 ans, représentatif de la population carcérale.
Les détenus ont répondu sur leur usage de sept substances psychoactives: le tabac, l'alcool, le cannabis, la cocaïne, le crack, la MDMA et l'héroïne.
"Près de quatre détenus sur cinq (77%) ont déjà consommé au moins une fois l'un de ces produits au cours de leur détention", observent les auteurs de l'étude.
"Ce n'est pas vraiment une surprise, les études précédentes montraient déjà qu'il y avait de la consommation de tabac et de cannabis. La question était de savoir comment, combien", explique à l'AFP Stanislas Spilka, responsable de l'unité data de l'OFDT.
Par ordre décroissant, les substances psychoactives les plus consommées quotidiennement en prison sont le tabac, le cannabis et l'alcool, alors qu'il s'agit du tabac, de l'alcool et du cannabis dans la population générale.
"La moitié des détenus (49%) déclare avoir déjà consommé du cannabis au cours de sa détention, quelle que soit la durée effective de celle-ci", détaille l'enquête.
Concernant la fréquence d'usage, 39% des détenus consomment du cannabis au moins une fois par mois, 34% au moins une fois par semaine et 26% de manière quotidienne.
"Pour les fumeurs quotidiens de cannabis, la prévalence est huit fois plus élevée pour les détenus qu'en population générale", précise à l'AFP Guillaume Airagnes, directeur de l'OFDT.
Ni initiation, ni arrêt
Les usages de cocaïne, de crack, de MDMA ou d'héroïne sont plus faibles: 14% des détenus affirment avoir consommé une de ces quatre substances au moins une fois au cours de leur détention.
Les prévalences d'usage pour la cocaïne, le crack, la MDMA et l'héroïne s'élèvent respectivement à 13%, 6,2%, 5,4% et 5,1%, sans différence selon la classe d'âge.
Une grande majorité des détenus qui ont pris des substances psychoactives en détention déclaraient déjà des consommations importantes avant leur incarcération.
"On se rend compte avec les résultats de cette étude que la prison n'est ni un lieu d'initiation, ni un lieu pour l'arrêt, avec des consommations plus élevées qu'en population générale. Cela plaide pour une densification des consultations en addictologie", préconise M. Airagnes.
Si la consommation et l'acquisition d'alcool est interdite en prison, la substance est la troisième la plus consommée en milieu carcéral: 16% des détenus disent en avoir déjà consommé au moins une fois.
En 2023, près de trois détenus sur quatre (73%) ont déclaré fumer actuellement du tabac et 63% en fument quotidiennement, soit 2,5 fois plus qu'en population générale.
L'étude montre aussi que les détenus ont une représentation différente de l'accessibilité du cannabis et de l'alcool, le cannabis étant réputé plus facilement accessible que l'alcool.
"La taille des bouteilles d'alcool et son indivisibilité est un argument fréquemment mentionné par les détenus pour expliquer la circulation moins importante de ce produit par rapport au cannabis", pointent les auteurs, qui rappellent les moyens utilisés par les détenus pour introduire des biens interdits en prison.
Ils évoquent les projections par des tiers au-dessus des murs de la prison à l'intérieur des cours de promenade, les livraisons par drones, la transmission grâce à un visiteur au parloir ou par le courrier, ou par un intervenant en prison (surveillant, intervenants, extérieurs cuisine, personnels de santé) en général contre une rétribution financière.
Un second volet est prévu en 2025, en étendant son champ d'investigations aux femmes incarcérées (3,4% de la population carcérale, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice). Les détenus en Outre-mer feront par ailleurs l'objet d'un volet spécifique.
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