En primaire, l'IA a déjà conquis certaines classes

Dans la galaxie imaginaire IA-404, le fils du gardien cosmique Cataclismus a disparu... et c'est Clément, 7 ans, qui s'emploie à le retrouver un vendredi après-midi en alignant additions et soustractions avec l'aide de l'intelligence artificielle depuis le...

Des élèves d'une école primaire de Colomiers, près de Toulouse, dans le labo informatique de l'établissement, le 14 mars 2025 © Matthieu RONDEL
Des élèves d'une école primaire de Colomiers, près de Toulouse, dans le labo informatique de l'établissement, le 14 mars 2025 © Matthieu RONDEL

Dans la galaxie imaginaire IA-404, le fils du gardien cosmique Cataclismus a disparu... et c'est Clément, 7 ans, qui s'emploie à le retrouver un vendredi après-midi en alignant additions et soustractions avec l'aide de l'intelligence artificielle depuis le labo informatique de son école près de Toulouse.

Sa maîtresse, Nathalie Miguel, s'est lancée dès 2019 dans l'aventure de l'IA dans l'enseignement, trois ans avant l'arrivée tonitruante de ChatGPT dans le secteur.

Elle propose notamment à ses CE1 de l'école primaire George-Sand de Colomiers (Haute-Garonne) de s'exercer sur deux logiciels nourris à l'IA, Mathia (pour les mathématiques) et Lalilo (pour le français), tous deux lauréats de l'appel d'offre P2IA (Partenariat d'innovation et intelligence artificielle) du ministère de l'Education nationale.

Fusée

C'est sur Mathia que Clément, lunettes rouges sur le nez, se concentre ce vendredi du début de printemps. Il réfléchit un moment et devine le bon résultat de la soustraction 88 moins 40. Puis change de monde virtuel et joue désormais au jeu du furet, un exercice mathématique où l'on doit trouver le prochain nombre d'une suite. Grâce à sa réponse, sa petite fusée voyage de planète en planète.

A chaque bonne réponse, le petit robot-assistant, baptisé lui aussi Mathia, félicite Clément à grand renfort de confettis, et l'enfant peut surtout, en terminant un exercice, rallumer l'une des étoiles de la galaxie IA-404 que Cataclismus avait éteintes dans sa colère d'avoir perdu son fils Cosinus.

Mathia vise à "réconcilier les élèves avec les mathématiques" en France, où cette matière souffre d'un "désamour", explique Paul Escudé, l'un des fondateurs de l'entreprise Prof en poche, qui édite Mathia.

"Si on veut que les enfants développent des émotions positives à l'égard des maths, il faut les féliciter quand ils ont juste, mais il faut aussi leur dire, quand ils ont faux, +ce n'est pas grave, essaie encore, voilà de l'aide+", détaille-t-il.

En plus de ces encouragements, l'IA permet surtout à Mathia d'évaluer le niveau des élèves et de proposer des exercices en conséquence. "Comme les exercices sont vraiment adaptés à l'enfant, il ne se heurte pas à des questions trop difficiles. Et pour ceux qui sont en avance, c'est l'inverse. Ça s'adapte vraiment à chaque enfant", explique Mme Miguel. Les élèves "sont d'autant plus motivés que les exercices sont progressifs".

En CE1, la notion d'IA est encore très floue. "J'ai l'impression que c'est une personne qui me parle et qui m'explique les exercices. Et après, ça m'aide en classe", dit Inès, 7 ans et des nœuds roses dans les cheveux.

Approche adaptative

"L'apport fondamental de l'IA, c'est une approche adaptative, adaptée aux difficultés de chaque élève. Quand vous avez une hétérogénéité d'élèves, c'est toujours très difficile pour nos enseignants, surtout si les effectifs sont élevés dans une classe", explique l'ancien recteur de l'académie de Toulouse, Mostafa Fourar, qui a quitté ses fonctions en mars.

C'est lui qui avait lancé l'expérimentation de Mathia et Lalilo, pour l'instant proposés du CP au CE2, à grande échelle dans l'académie, où "1.500 classes les utilisent au total", assure-t-il.

"Je peux d'une part savoir quels sont les enfants les plus en difficulté pour les aider ensuite en classe et adapter mon enseignement. Et d'autre part savoir quels sont les enfants qui, justement, sont moteurs et peuvent expliquer les notions aux autres", explique Mme Miguel.

"Et le résultat en termes d'apprentissage est là", constate Olivier Zoccarato, un parent d'élève.

Son fils Ethan, 7 ans, "adore ça, il en fait le week-end". "C'est attrayant aussi pour l'enfant parce qu'il y a vraiment une dimension ludique (...) avec des notions de succès, des notions de score, de classement où ils veulent progresser", raconte le papa.

"Je trouvais ça dur parce que j'aime pas trop les maths", mais "comme j'aime bien Mathia, ça m'a motivée à faire des maths", abonde Elisa, 8 ans, lunettes écailles de tortue aux branches fuschia, deux tresses dans le dos.

"On ne peut pas faire l'impasse sur l'IA, parce que (...) les élèves sont nés dans un monde où l'IA est présente", expose l'inspecteur David Simon. "Donc, il faut que nous aussi, on se l'approprie, et qu'on les éduque à l'utiliser correctement."

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