Entreprises
En Moselle, face aux difficultés de recrutement, Pôle emploi accentue son dispositif
L’enquête annuelle en besoin de main-d'œuvre a été présentée par Pôle emploi Moselle. Il en ressort des données, des tendances, des perspectives qui tendent toutes vers un même objectif : rendre encore plus efficace la synergie entre offre et formation, les missions du service public de l’emploi, répondre aux besoins des entreprises sur les territoires et accompagner les demandeurs d’emploi dans leurs recherches, via davantage de flexibilité pour améliorer l'employabilité.
C’est l’un des points clés de l’enquête annuelle en besoin de recrutement réalisée à l’initiative de Pôle emploi, en partenariat avec le Credoc, présentée à l’échelle départementale par Fabrice Nourdin, directeur territorial de Pôle emploi Moselle. L’étude, très documentée, met en lumière, parmi les nombreux items statistiques, les causes de difficultés de recrutement évoquées par les employeurs. Un duo de freins se dégage largement : le nombre insuffisant de candidats (pour 85 % des chefs d’entreprise sondés) et le profil inadéquat des postulants (79 %). Sont aussi cités, les conditions de travail, le manque de moyens financier pour embaucher, le déficit d’image de l’entreprise, l’organisation du recrutement et l’accès au lieu de travail et la mobilité. Près de 4 employeurs sur 10 s’attendent «à ce que les conditions de travail liées à la nature du poste proposé puissent être un frein à l’embauche.»
Tendance vers l'emploi durable
Le décryptage des données et l’analyse des indicateurs incitent toutefois à un relatif optimisme - loin des scénarios cataclysmiques et des éléments parcellaires trop souvent édictés biaisant la réalité des faits -. On ne sait pas, si, en Moselle, «il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi», mais assurément, de l'emploi, il y en a, et pléthore, dans un contexte où la courbe du chômage s’infléchit, mois après mois. Nous ne sommes pas encore au plein emploi, mais le chemin est tracé vers cet objectif. En Moselle, pour 2023, 30 395 projets de recrutement ont été exprimés par les entreprises locales. C’est moins que l’an passé (32 484, soit une baisse de -6,4 %), mais une progression par rapport à 2018 : 24 671, soit une hausse de + 23,2 %. À noter, cet élément important, et sans surprise : les projets d’embauche se dessinent pour une large majorité dans les entreprises de moins de 50 salariés (66,7 %), surtout dans les TPE (12 807, soit 42 %). Avec presque 14 845 intentions d’embauche, le bassin de Metz regroupe près de la moitié des projets du département (48,8 %). Viennent ensuite le Bassin Houiller (25,1 %), le Bassin Sidérurgique (18,8 %) et le périmètre géographique de Sarrebourg (7,3 %). Fabrice Nourdin donnait cette précision : «81 % des projets déclarés dans le département sont non saisonniers. Ce sont donc des projets d’emploi durable.»
Des pénuries de candidats persistantes
La répartition des projets de recrutement selon le secteur d’activité montre de forts besoins en personnel dans les services à la personne (39 %) et aux entreprises (21,7 %). L’industrie, la construction et le commerce se situent dans le même étiage, dans une fourchette de 10 à 15 %. On l’a vu, dans le préambule de ce panorama, de nombreux métiers cherchent leur personnel. On se situe là dans le registre des métiers en tension. Fabrice Nourdin livrait ce chiffre, laissant deviner toutes les incertitudes, parfois le désarroi, de nombreux employeurs : «Dans le département, 63,6 % des projets de recrutement sont jugés difficiles.» Si pour la plupart, ils seront au final pourvus, ce sera au terme de longues et patientes démarches. Le chef d’entreprise doit alors s’armer d’opiniâtreté et savoir innover, nous y reviendrons. En Moselle, ces difficultés sont criantes dans la construction (78,2 %). Le bâtiment et les travaux publics sont en constante quête de personnel. Au demeurant, aucun secteur n’est épargné, même si ces difficultés ont reculé de - 5,3 points de 2022 à 2023. En Moselle, les métiers présentant les parts les plus élevées de projets de recrutement jugées difficiles sont sans surprise ceux liés aux métiers de couvreurs et couvreurs zingueurs qualifiés (97,2 %), de télévendeurs (95,2 %) et de mécaniciens et électroniciens de véhicules (84,9 %). Dans ce classement des métiers pénuriques, on retrouve les plombiers chauffagistes, infirmiers, cadres infirmiers et puéricultrices, aides à domicile et ménagères, maçons, plâtriers, carreleurs, conducteurs routiers, ouvriers qualifiés ou non qualifiés du bâtiment, agents d’accueil, standardistes, mécaniciens, conducteurs de transports en commun… Cette liste va de pair avec les métiers présentant le plus grand nombre d’intentions d’embauche non saisonnière. Dans le département, celui d’aide à domicile et d’aide-ménagère, avec 1 422 projets arrive en tête. Il devance l’agent d’entretien - y compris ATSEM - (1 277) et aide-soignant - médico-psycho, auxiliaire puériculture, assistant médical - (924). Dans ce top 10 figurent aussi infirmier, employé de libre-service, serveur de café et de restaurant, une cohorte de métiers de la construction, secrétaire bureautique, coiffeur, esthéticien, secrétaire médical…
Savoir-faire et savoir-être
Dans cette période charnière pour beaucoup d’entreprises, Fabrice Nourdin expliquait : «On ne recrute plus comme il y a quelques années. Il s’agit aujourd’hui d’attirer puis de fidéliser. Cela veut dire revoir son organisation de travail, ouvrir le champ du recrutement à des profils atypiques, aller les chercher et ne pas attendre qu’ils viennent, offrir des postes différenciés... La crise sanitaire l’a montré : les candidats cherchent du sens à la mission qui va leur être confié.» Ce changement de paradigme dans le recrutement est l’un des enjeux majeurs, notamment par rapport à la jeune génération de salariés entrant dans le milieu professionnel : elle n’a plus du tout les mêmes aspirations, le même rapport au travail, la même envie de CDI ou de notion de carrière que ses aînés. Dès lors, à côté du savoir-faire du candidat, l’employeur doit orienter toute son attention vers le savoir-être : qui est-il ? Quelle est sa personnalité ? Quels traits de caractère seront un atout pour l’entreprise ? On le voit, nous sommes ici bien loin du traditionnel et monolithique recrutement CV-lettre de motivation. De plus, avec les technologies nouvelles, c'est tout un monde qui bascule...
«Le nerf de la guerre, la formation»
Dans ces mutations, un facteur immuable demeure. Il a été clairement exprimé par les chefs d’entreprise dans cette enquête sur le besoin de main-d'œuvre. Leurs solutions envisagées pour résoudre leurs difficultés de recrutement placent la collaboration avec Pôle emploi en tête (pour 84 % d’entre eux). L’opérateur public de l’emploi reste le vecteur incontournable et privilégié dans une phase de recrutement, par son maillage territorial et son réseau de ressources et de compétences. D’autres solutions citées : former des candidats venant de l’extérieur, faire appel à d’autres intermédiaires, rendre l’offre plus attractive, faire appel à des profils différents de candidats, former des salariés déjà présents dans l’entreprise, recourir à l’intérim ou d’autres types de contrats. Il est un point, essentiel, sur lequel Fabrice Nourdin a insisté : «Le nerf de la guerre, c’est la formation.» De conclure, sur cette observation, qui résonne fort avec l’actualité du moment : «Les entreprises s’intéressent dans leur motivation de recrutement de plus en plus aux seniors.» Connaître le marché du travail local, être vigilant aux secteurs en tension, anticiper les évolutions, adapter les besoins de formations aux réalités des territoires, aider à la décision des acteurs économiques locaux : les défis sont majeurs et quotidiens. Notre pays, qui semble vouloir, enfin, sortir, de son mal endémique très hexagonal du chômage de masse, doit désormais accélérer pour mettre en adéquation offre et demande et optimiser l’employabilité. Cela passe nécessairement par plus d'innovation, de flexibilité, d'engagements, de responsabilités. Soit un vrai contrat renforcé entre entreprise, demandeur d’emploi, et, ici, l'élément clé, le chaînon décisif, qui fait le lien entre les deux : Pôle emploi.
L'engagement de Pôle emploi face aux difficultés de recrutement :
- 525 conseillers dédiés aux entreprises dans le Grand Est,
- 744 opérations ciblées sur des métiers en tension organisées en 2022 dans les agences en Moselle,
- Renforcer les relations avec les branches professionnelles des secteurs en tension aux niveaux régional, départemental et local (référents sectoriels dans chaque agence),
- Accentuer l'identification des viviers de demandeurs d'emploi immédiatement employables,
- Élargir le sourcing via l'approche compétences et à la Méthode de Recrutement par Simulation (MRS),
- Accroître les immersions professionnelles pour faire découvrir un métier ou valider un projet professionnel,
- Renforcer la formation grâce au Plan d'Investissement dans les compétences (PIC) : 16 696 entrées en formation de demandeurs d'emploi en 2022 en Moselle.