Alain Meslier, délégué général de la Fédération des ascenseurs : «En France, 25 % des ascenseurs ont plus de 40 ans»
En dépit d'un marché en croissance, les professionnels de l'ascenseur s'inquiètent du caractère atone de la demande en rénovations. Celles-ci sont pourtant nécessaires : une partie non négligeable du parc français est vieillissant.
Comment se porte le secteur des ascenseurs en France ?
En 2021, il représente un chiffre d'affaires de 2,57 milliards d’euros, en croissance de 6 %. Le secteur est porté par 250 entreprises et la fédération représente 90 % d'entre elles. Pour l'essentiel, il s'agit de TPE et de PME, qui, pour la plupart, sont spécialisées dans la maintenance. Leurs techniciens et encadrants représentent 70 % des 17 000 salariés du secteur. En complément, six grandes entreprises couvrent des activités qui vont de la conception, la fabrication, l'installation jusqu'à la mise à niveau d'ascenseurs et escaliers roulants. Ces groupes internationaux ont une vision continentale de leur marché. En effet, la France reste un lilliputien en termes de fabrication : notre production se limite à 15 000 ascenseurs par an, contre 900 000 en Asie. De fait, ces grandes sociétés disposent d'usines en France, mais également en Italie, Allemagne ou Finlande, par exemple. La maintenance constitue donc le cœur de notre activité, à laquelle s'ajoutent l'installation dans le marché du neuf et la remise à niveau.
Le pays est-il bien équipé, et dans quel état est le parc des ascenseurs ?
Aujourd'hui, la France est dotée d'un parc de 600 000 ascenseurs. Pour l'essentiel, dans 65 % des cas, ils équipent des logements collectifs. À cela, s'ajoutent environ 12 000 escaliers mécaniques, situés dans des gares, aéroports, centres commerciaux... Par rapport à d'autres pays européens, ces chiffres sont faibles. Aujourd'hui, dans notre pays, nous comptons huit ascenseurs pour 1 000 habitants, contre 23 pour 1 000 en Espagne, par exemple. Ce différentiel est lié à l'histoire de l'urbanisation des villes. Au-delà des Pyrénées, elles ont été construites dans les années 1960 et 70, dans un contexte d'exigence de confort. Au contraire, dans des villes comme Lyon, Paris ou Marseille, de nombreuses constructions datent du début du 20e siècle, lorsque l'ascenseur constituait encore un luxe. Mais aujourd'hui, ce parc est vieillissant : 25 % des ascenseurs ont plus de 40 ans. Cela constitue un véritable défi pour les propriétaires et les utilisateurs. Mais depuis quatre ou cinq ans, le marché de la rénovation est atone.
Y a-t-il des évolutions sociétales qui impactent le secteur ?
Deux enjeux sociétaux majeurs s'imposent. Celui du vieillissement de la population concerne à la fois la rénovation et l'installation des ascenseurs. La loi ELAN impose déjà leur présence lors de la construction d'immeubles à deux étages, mais il faudrait rendre les logements plus accessibles encore. De plus, il est aussi nécessaire d'éviter que les vieux équipements ne se dégradent. Dans ce sens nous avons proposé un dispositif MaPrimeRenov ascenseur, qui pourrait constituer un déclencheur des investissements nécessaires. Le deuxième enjeu réside dans l'apparition de nouveaux usages, avec le bureau qui rentre à la maison. En effet, les ascenseurs dans les habitations sont conçus pour supporter des flux modérés et permanents. C'est tout l'inverse de ceux des bureaux de la Défense, par exemple, qui, en plus, comportent une gestion de la sécurité et disposent d’une maintenance prédictive. Avec les usages mixtes, les ascenseurs doivent évoluer. En outre, notre secteur est confronté à des enjeux cruciaux de recrutement et également, dans le cadre de la RSE, de l'inclusion de jeunes techniciens souvent issus des quartiers défavorisés, ainsi que de la diminution de la consommation d'énergie des ascenseurs.
Propos recueillis par Anne DAUBRÉE