En Equateur, le cacao à prix d'or ravit les producteurs mais attire les criminels

Un moment, Julia Avellan a pensé abandonner son exploitation de cacao, puis les cours ont grimpé en flèche et la productrice équatorienne a vu ses revenus augmenter. Mais maintenant, elle...

Un ouvrier coupe des fruits de cacao suspendus à un arbre dans une ferme du canton de Buena Fe, dans la province de Los Rios, en Équateur, le 12 juin 2024 © MARCOS PIN
Un ouvrier coupe des fruits de cacao suspendus à un arbre dans une ferme du canton de Buena Fe, dans la province de Los Rios, en Équateur, le 12 juin 2024 © MARCOS PIN

Un moment, Julia Avellan a pensé abandonner son exploitation de cacao, puis les cours ont grimpé en flèche et la productrice équatorienne a vu ses revenus augmenter. Mais maintenant, elle doit gérer les menaces du crime organisé.

Casquette sur la tête et sécateur à la main, cette femme de 41 ans parcourt sa ferme de Buena Fe, dans la province de Los Rios (ouest), où les cacaoyers sont nombreux.

Au milieu des champs, elle coupe en deux l'un des fruits en forme de cabosses pour en retirer de la pulpe blanche les fèves visqueuses et odorantes de cacao.

Le prix de ces fèves n'a cessé d'augmenter depuis 2023, atteignant pour la première fois 10.000 dollars la tonne à New York en mars en raison d'une forte demande mondiale et d'une réduction importante de l'offre en provenance d'Afrique de l'Ouest.

La graine d'or

En Equateur, où le gouvernement ne régule pas les prix du cacao, les bénéfices sont ainsi de plus en plus importants pour les producteurs. 

Cette année, Julia Avellan a pu vendre son cacao 420 dollars les 45 kg, contre 50 ou 60 dollars auparavant, un prix qui lui "donnait envie d'abandonner la culture".

Aujourd'hui, "nous pouvons assurer l'avenir de nos familles, nous allons vivre mieux, (...) et prendre soin de nos plantations, parce que maintenant (le cacao) est la graine d'or", se réjouit la productrice, qui a hérité du métier de ses grands-parents.

"Ces prix sont historiques, nous ne les avons jamais eus auparavant", se félicite Ivan Ontaneda, président de l'Association nationale des exportateurs et des industriels du cacao (Anecacao).

En Équateur, les petits producteurs cultivent 80% du total des fèves produites dans 22 des 24 provinces. Le reste est produit par des moyennes et grandes plantations.

Après la Côte d'Ivoire et le Ghana, l'Équateur est le troisième producteur mondial avec quelque 420.000 tonnes par an.

Cependant, ces derniers mois, des conditions climatiques extrêmes et des maladies végétales ont dévasté les récoltes en Afrique, entraînant une hausse significative des prix dans le monde.

En Equateur, la quasi-totalité de la production est exportée : en 2023, le cacao a rapporté 1,3 milliard de dollars. Grâce à la flambée des cours, entre janvier et avril 2024, le pays a déjà vendu pour 774 millions de dollars de cacao, selon la Banque centrale.

Les principaux marchés du pays sont l'Indonésie, la Malaisie, les États-Unis, les Pays-Bas et la Belgique.

Enlèvements et extorsions

Mais ce boom est assombri par la violence liée au narcotrafic et aux gangs, avec lesquels le gouvernement est en "guerre" depuis janvier. Les producteurs de cacao sont ainsi désormais la cible d'extorsions, de vols ou même de tentatives d'appropriation de leurs fermes.

Los Rios est l'une des provinces les plus violentes du pays avec un taux d'homicide de 111 pour 100.000 habitants, bien plus que celui de la province voisine de Guayas (86), dont la capitale Guayaquil est le principal port d'exportation de la drogue vers les États-Unis et l'Europe.

"Plusieurs de mes collègues ont été kidnappés. Il n'y a pas longtemps, pas même huit jours, ils ont enlevé un jeune homme (...) ils ont volé des camions chargés de cacao aux entreprises", raconte Julia Avellan.

Les menaces des criminels se traduisent par une "augmentation des coûts" dans la chaîne de production du cacao, souligne auprès de l'AFP Marco Landivar, directeur d'une usine de transformation de la société Eco-Kakao.

"Les chargements doivent être accompagnés d'une sécurité privée, tous les mouvements vers le port sont doublement surveillés", note-t-il.

Selon le président d'Anecacao, quelque 20 millions de dollars ont été dépensés en 2023 pour la sécurité de la filière.

Du sang au nez des requins

La flambée des prix a en outre été alimentée par une spéculation effrénée. "Les fonds spéculatifs sont entrés sur le marché pour acheter du cacao sur papier (...) et ont réussi à faire monter en flèche" les prix, souligne M. Ontaneda. Ca a été comme "du sang pour les requins", note-t-il. 

Mais la production a eu du mal à suivre cette demande gonflée artificiellement et il y a eu des ruptures de contrats car des producteurs et des intermédiaires n'ont pas été en mesure d'approvisionner le marché.

"Le quadruplement des prix du cacao a eu un impact sur l'industrie mondiale, sur le broyage, sur la demande et finalement sur la consommation de chocolat", principal dérivé du cacao, dont les prix pourraient eux aussi grimper en flèche, note par ailleurs M. Ontaneda.

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