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Emploi cadres : le retournement du marché donne l’avantage aux entreprises

Depuis l’été 2024, le marché de l’emploi cadre montre des signes de ralentissement. Quel cap pour 2025 ? L’Apec, Association pour l’emploi des cadres, a dressé le bilan 2024 et les perspectives pour 2025.

© Adobe Stock
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« La fête est finie pour l’emploi cadres, a annoncé le directeur général de l’Apec, Gilles Gateau. Il ne s’agit plus seulement d’un ralentissement. Il y a un vrai retournement ». Après un fort rebond post-Covid, il explique que la tendance favorable que l’on connaissait depuis quelques années est en train de se retourner. Ainsi, les recrutements de cadres en 2024 ont chuté de 8% par rapport à 2023, pour atteindre 303 400 embauches en CDI ou CDD d’un an et plus. « On revient au niveau de la crise des subprimes en 2008 ». En cause ? L’instabilité politique et économique et les incertitudes budgétaires qui pèsent sur les entreprises. « Pour la première fois depuis longtemps, il y a une contraction de l’investissement des entreprises très marqué en 2024 », une première depuis 2009 (hors crise sanitaire), explique Gilles Gateau. Une baisse de dynamisme qui augure également une baisse d’opportunités.

Un rapport de force au bénéfice des employeurs

Même si elle reste élevée, la tension sur les recrutements de cadres a commencé à baisser. Ainsi, 54% des entreprises estimaient avoir rencontré des difficultés à recruter en 2024, contre 60% en 2023 et 64% en 2022. En conséquence, les entreprises ont consenti à faire moins d’ajustements l’an dernier pour faire aboutir leurs recrutements. Dans le détail, seules 41% d’entre elles ont accepté de revoir la rémunération à la hausse (moins 10 points par rapport à 2023), 23% à recruter un cadre avec plus d’expérience qu’attendu (contre 31% en 2023) et 18% à recruter un cadre n’ayant pas le niveau ou le type de diplôme attendu (contre 23% en 2023). Pour la première fois, l’incertitude économique est citée par les employeurs dans les freins à l’embauche. Un frein qui passe devant le manque de compétences. Résultat, le rapport de force entre employeurs et candidats est en train de se retourner en faveur des entreprises. « Si depuis cinq ans, il y avait de fortes tensions de recrutement et des difficultés exprimées par les entreprises, le retournement du marché du travail observé en 2024 et que l’on anticipe en 2025 va modifier le rapport de force entre candidats et entreprises au profit de ces dernières », relève Hélène Garner, directrice des données et des études de l’Apec.

Le secteur informatique au ralenti

Ce retournement du marché du travail chez les cadres concerne tous les secteurs d’activité et toutes les zones géographiques avec toutes les régions qui semblent être concernées. Même s’il est plus accentué dans les moteurs traditionnels de l’emploi cadre que sont les services à forte valeur ajoutée (-10%), et notamment dans les activités informatiques (-18 %), premier pourvoyeur de recrutements cadres, le conseil, les activités juridiques et comptables (-10%), l’ingénierie et la R&D (-6%), et l’industrie et le commerce, qui affichent un bilan en net retrait de -7% chacun. « Les cadres informaticiens demeurent les profils les plus recherchés par les entreprises, donc ils restent des métiers cadres par excellence mais c’est la première fois depuis 2009 que cette fonction subit une telle contraction », commente Hélène Garner.

Mais toujours des créations d’emplois cadres en 2024

Malgré le ralentissement des embauches et 308 600 sorties par démissions, licenciements et départs à la retraite restés relativement stables (-1 % par rapport à 2023), la population globale de cadres continue à croître au sein de la population active (+1,8% en 2024), avec un solde positif de 69 700 créations. « Cela suit le mouvement structurel qui consiste à créer de plus en plus de postes qualifiés en France, versus de moins en moins de postes moins qualifiés, donc les cadres en bénéficient », justifie Gilles Gateau. Cette bonne tenue s’explique en partie par une hausse conséquente des promotions internes de salariés non-cadres au statut de cadre (+12 %), en particulier dans l’industrie. A noter que, dans le même temps, le nombre de demandeurs d'emploi cadres inscrits à France Travail a fortement progressé (+20% entre janvier 2024 et janvier 2025).

Et en 2025, une prévision de 292 600 recrutements

Cette année, la baisse des recrutements de cadres devrait se poursuivre, avec une prévision de -4%. Ils « repasseraient sous la barre symbolique des 300 000, relève Hélène Garner. Il y a une forme d’attentisme de la part des entreprises qui ont perdu de la visibilité sur leurs carnets de commande et perdu de la confiance dans leurs prévisions de vente ». La cause de cette « morosité », « un climat incertain qui marque les prévisions 2025 », avec « des prévisions d’emploi qui se replient, un climat des affaires dégradé et une croissance en berne qui va rester négative, selon les prévisions de la Banque de France de 0,5% contre 1,2% en 2024 », rappelle la directrice des études. Néanmoins, elle souligne que « l’on reste à un niveau supérieur à ce qu’il était avant crise ».

Cette baisse devrait se poursuivre dans tous les secteurs. Si les services à forte valeur ajoutée et l’industrie se contracteraient moins massivement (-3% chacun), « la construction, qui avait plutôt bien résisté en 2024, voit des prévisions beaucoup plus marquées » (-7%), tout comme le commerce (-5%). Trois fonctions –informatique, commercial et marketing et études et R&D totaliseraient plus d’un recrutement sur deux. Enfin, en termes géographiques, aucune région n’enregistrerait de rebond. Seule la temporalité diffère. « Les régions qui avaient été les plus touchées en 2024, comme la Normandie, les Hauts-de- France, l’Occitanie, ou les régions Paca et Nouvelle-Aquitaine qui avaient enregistré 10% de baisse dans les flux de recrutements en 2024, devraient être un peu moins touchées en 2025 et inversement », détaille Hélène Garner. En revanche, les volumes d’embauches pourraient se stabiliser en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne, après de forts reculs enregistrés en 2024.

Charlotte DE SAINTIGNON