Perspectives 2024 de l’observatoire de l’Apec

Emploi cadre : cinq enjeux clés pour les entreprises

Transformer les politiques de rémunération, penser transitions de société et transitions professionnelles, veiller à la qualité de vie et des conditions de travail… Comme chaque année, l’observatoire de l’Apec a identifié les grands enjeux de l’année pour l’emploi cadre, qui obligent les entreprises à se réinventer.

En France, le taux d’emploi des 55-64 ans a atteint 57% en 2022. Un chiffre encore inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne (62%). © NDABCREATIVITY
En France, le taux d’emploi des 55-64 ans a atteint 57% en 2022. Un chiffre encore inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne (62%). © NDABCREATIVITY

Adapter les pratiques de recrutement et de fidélisation aux évolutions du marché. Malgré une conjoncture jugée incertaine avec un contexte économique et géopolitique instable, c’est le premier enjeu pour l'emploi cadre en 2024 identifié par l’observatoire de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec)*. Après des années 2022 et 2023 records pour les recrutements de cadres, la dynamique de marché de l’emploi cadre pourrait connaître un fléchissement en 2024. 

Ainsi, seules 10% des entreprises envisagent d’embaucher au moins un cadre au cours de ces trois premiers mois de 2024, contre 14% et 13% à la même période en 2023 et 2022, selon le baromètre Apec du 1er trimestre. Malgré cela, les difficultés de recrutement devraient persister en 2024 – près des trois quarts des entreprises anticipaient des difficultés pour recruter un cadre ce premier trimestre –, obligeant ces dernières à continuer à «se réinventer en matière de pratiques de recrutement et de fidélisation, et aussi de management». Soit à tester de nouvelles pistes pour recruter plus efficacement, mener des actions ciblées de fidélisation en fonction des profils de cadres, afin «de poser les bases d’une relation saine et durable avec les cadres recrutés, tout au long de leur parcours professionnel, et d’éviter trop de démissions précoces» et transformer les pratiques managériales.

Autre axe d’amélioration pour les entreprises sur le marché des cadres, transformer les politiques de rémunération afin de mieux attirer et fidéliser et aussi de réduire les inégalités femmes/hommes chez les cadres – le différentiel étant de 15% entre les rémunérations annuelles brutes médianes. La rémunération restant un «levier clé de motivation des cadres», les entreprises peuvent notamment revoir à la hausse les salaires à l’embauche et ceux des cadres en poste ou faire évoluer les grilles et les fourchettes de salaires, selon les emplois. 

Même si l’inflation sera probablement moindre que durant ces deux dernières années, la question de la rémunération reste donc centrale en 2024 dans les stratégies des entreprises et ce, quelle que soit leur taille, dans un contexte tendu pour le pouvoir d’achat. Ainsi, 69% des cadres sont inquiets pour l’évolution de leur pouvoir d’achat (+4 points, en un an). Près de la moitié d’entre eux (44%) pensaient, en septembre dernier, qu’ils pourraient gagner au moins 5% de plus en changeant d’entreprise pour un poste équivalent (contre 29%, en septembre 2022).

Transitions numérique et écologique

Autre enjeu identifié par l’Apec, «penser transitions de société et transitions professionnelles». Les transitions numérique et écologique auront un impact important sur le métier des cadres et accélèrent la transformation des métiers. Face à l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle (IA) et des solutions d’IA générative (IAG), la montée en compétences s’impose aux cadres, souvent au-delà de leur coeur de métier. Un cadre sur deux aurait déjà expérimenté l’IAG et autant la considèrent davantage comme une opportunité pour leur métier que comme une menace. Pour développer leurs compétences et permettre de rester à jour dans celles attendues dans leur métier ou leur secteur d’activité, ils plébiscitent la formation continue, la jugeant indispensable pour gagner en expertise dans leur cœur de métier ou pour se reconvertir.

Parmi les autres enjeux auxquels doivent faire face les entreprises, la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT), une «préoccupation croissante pour les cadres», juge l’Apec. Après les missions qui leur sont confiées, les conditions de travail constituent ainsi la deuxième raison pour laquelle les cadres souhaitent rester dans leur entreprise, et ce, pour 40% d’entre eux. Parmi elles, la pratique du télétravail est particulièrement appréciée, dans le sens où celui-ci leur permet de «gagner en flexibilité et en autonomie, mais aussi parce qu’il accroît leur bien-être en dehors du travail en leur permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle». Au-delà du télétravail, les cadres apprécient la QVCT en fonction de quatre composantes : l’ambiance et les relations de travail, l’autonomie, la reconnaissance et la charge de travail.

La QVCT est également «un levier de fidélisation et d’attractivité des compétences cadres» pour les entreprises. Ainsi, les conditions de travail sont devenues, en 2023, le troisième critère le plus essentiel pour décider les cadres de rejoindre une entreprise (45%), derrière la rémunération (55%) et l’intérêt des missions (49%). Néanmoins, les informations essentielles pour leur permettre d’appréhender la QVCT sont rarement abordées par les responsables RH ou les managers, lors des processus de recrutement, relève l’Apec. «Pour concrétiser leurs recrutements en 2024 et après, les entreprises auront tout intérêt à faire preuve de plus de transparence dans ce domaine, au coeur de leur responsabilité sociétale», commente l’Association pour l’emploi des cadres.

Reconsidérer la place des seniors

Dernier enjeu de taille pour le marché des cadres, dans un contexte d’allongement de la vie professionnelle, les entreprises se doivent de reconsidérer la place des seniors. Avec une nouvelle négociation interprofessionnelle qui a démarré début 2024 et qui devrait être suivie par la présentation de mesures législatives d’ici à l’été 2024, l’emploi des seniors restera au cœur des débats. Si, selon la Dares (ministère du Travail), le taux d’emploi des 55-64 ans a atteint en 2022, 57%, soit son plus haut niveau depuis 1975, il reste encore inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne (62%), notamment à cause du faible taux d’emploi des 60-64 ans (36%), «conséquence des transitions progressives vers la retraite», commente l’Apec. 

L’objectif : faire passer ce taux d’emploi des 60-64 ans à 65% à l’horizon 2030. Parmi les mesures d’amélioration jugées pertinentes, les seniors évoquent prioritairement l’aménagement du temps de travail et des horaires à partir d’un certain âge (36%), l’allègement de charges pour les entreprises (36% également), ou encore les dispositifs pour favoriser la transmission des savoirs par les seniors (33%) et lutter contre les discriminations liées à l’âge (31%). Aussi, dans une moindre mesure, améliorer l’accès à la formation pour les seniors (12%), sachant que ces derniers ont moins accès à la formation professionnelle que les autres cadres (31% des cadres seniors ont suivi une formation professionnelle dans les trois dernières années, vs 40%, en moyenne).

*Cette étude s'appuie sur les tendances observées dans une vingtaine d'études publiées par l'Apec entre décembre 2022 et janvier 2024.