Eléctroménager, vêtements ou chaussures: le pillage de magasins devant la justice

"On va péta (taper) à Châtelet", "on attend juste que ça pète": plusieurs jeunes ont été condamnés samedi à Bobigny et Paris pour avoir profité des émeutes en réponse à la mort de Nahel pour...

La vitrine d'un magasin Nike endommagée au Forum des Halles, le 30 juin  2023 à Paris © -
La vitrine d'un magasin Nike endommagée au Forum des Halles, le 30 juin 2023 à Paris © -

"On va péta (taper) à Châtelet", "on attend juste que ça pète": plusieurs jeunes ont été condamnés samedi à Bobigny et Paris pour avoir profité des émeutes en réponse à la mort de Nahel pour piller magasins de marque ou grandes surfaces.

Depuis le décès de cet adolescent de 17 ans, tué par un policier mardi à Nanterre lors d'un contrôle routier, de nombreuses villes en France sont le théâtre de violences et de pillages.

Dans le centre de Paris, dans la nuit de jeudi à vendredi, plusieurs enseignes ont été dégradées. L'imposant magasin Nike des Halles a été saccagé en 25 minutes par trente à cinquante personnes, relate le président du tribunal correctionnel.

Le préjudice n'a pas encore été fixé, mais 200 paires de chaussures sont manquantes, selon un premier comptage.

Lydia, tout juste 18 ans, cheveux foncés retenus dans une queue de cheval désordonnée, a été interpellée cachée dans un local proche du magasin, des produits Nike dans les mains et un bas de survêtement enfilé autour de la tête. 

Voler, "c'était pas le projet", affirme-t-elle, mais plusieurs vidéos éloquentes ont été retrouvées dans son téléphone.

A 16h36, "on va péta à Châtelet les magasins branchés" avec la mention "23h00". "On attend les gens (...) on attend juste que ça pète" à 22h39. Puis, une fois dans le magasin avec sa copine mineure: "on a péta, regardez tous les vêtements, si on se fait choper ce sera ma faute".

Lydia se dit "sincèrement désolée". Elle assure avoir compris "la gravité des faits" et s'affole quand le président lui annonce que Nike va certainement demander réparation pour le "préjudice monstrueux".

Déscolarisée depuis deux ans, elle a perdu son père l'an dernier. "C'est une gentille fille", dit sa mère, regardant avec tendresse sa fille pleurant dans le box.

Quoi d'autre ?

La procureure réclame un travail d'intérêt général (TIG) de 70 heures à l'encontre de cette "très jeune femme perdue" qui "a plutôt besoin d'aide que d'être condamnée".  

- Vous êtes d'accord avec le TIG ? lui demande le président.

- Vous me proposez quoi d'autre ? répond l'adolescente.

- La prison ! Quand vous dites que vous regrettez, c'est à se demander si c'est vrai, s'agace le juge.

- Arrêtez ! la tance son avocate. 

La jeune fille est finalement condamnée à 105 heures de TIG à réaliser dans l'année. Sinon "c'est deux mois de prison ferme", prévient le président. Elle a aussi interdiction d'aller à Paris pendant deux mois.

L'audience sur le préjudice de Nike est prévue en juin 2024. 

A Bobigny, c'est le pillage d'un magasin Carrefour de Saint-Denis par une cinquantaine d'individus cagoulés dans la nuit de jeudi à vendredi qui est examiné à l'audience.

Le rideau de fer de la grande surface a été vandalisé, sa porte vitrée pulvérisée à coups de pierres et marteau.

Lorsque les policiers interviennent, sous des jets de projectiles, ils découvrent de nombreux jeunes lestés d'équipements d'électroménager. Certains prennent la fuite avec leur butin, d'autres l'abandonnent sur place.

Juste filmer

Interpellés, quatre jeunes à peine majeurs comparaissent. Parmi eux, un employé du magasin qui a guidé les émeutiers jusqu'aux télévisions et une jeune femme connue du personnel pour des tentatives de vols dans les rayons.

Dans le box vitré, la prévenue, bronzée aux UV, mèches blondes et noires, le nez percé d'un anneau, soutient difficilement qu'elle n'est rentrée dans le magasin que pour sermonner le petit frère d'une amie.

"Je voulais juste filmer la scène", affirme-t-elle de son air de chipie. Pourquoi la cagoule alors ? "Pour pas que je sois reconnaissable, parce que je suis quand même devant une scène de pillage".

A ses côtés, l'employé de 23 ans d'une société de location de voiture, qui habite juste au-dessus du magasin, s'en veut d'avoir renoué avec les vieux démons de son passé judiciaire en participant à la razzia.

"J'ai réussi à m'insérer dans la société, à trouver un travail (...) Ça fait plus d'un an, tout allait bien. C'est (...) comme si j'avais tout gâché", regrette-t-il, le nouveau maillot de l'équipe de France de foot sur les épaules.

Même sanction pour les quatre prévenus: six mois de prison ferme avec mandat de dépôt.

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