Édouard Philippe: Horizons, la discrète fabrique d'un candidat

"Quatre ans, c'est long", mais la perspective est toute tracée chez Horizons: encore loin de l'élection présidentielle, Edouard Philippe peut déjà s'appuyer sur son parti, membre de la majorité d'Emmanuel Macron...

L'ancien Premier ministre, maire du Havre et fondateur d'Horizons Édouard Philippe à Châlons-en-Champagne dans le Marne, le 6 septembre 2023 © FRANCOIS NASCIMBENI
L'ancien Premier ministre, maire du Havre et fondateur d'Horizons Édouard Philippe à Châlons-en-Champagne dans le Marne, le 6 septembre 2023 © FRANCOIS NASCIMBENI

"Quatre ans, c'est long", mais la perspective est toute tracée chez Horizons: encore loin de l'élection présidentielle, Edouard Philippe peut déjà s'appuyer sur son parti, membre de la majorité d'Emmanuel Macron, mais qui prépare 2027 en toute discrétion.

L'ancien Premier ministre l'a assuré vendredi à Angers en clôture de la rentrée de son parti: Horizons ne doit pas être "obnubilé" par la présidentielle. "Personne ne peut attendre quatre ans" pour relever les défis français et "notre horizon ne peut pas être celui d'une simple élection, fût-elle la plus prestigieuse ou la plus importante", a insisté le maire du Havre.

Mais sur la route de l’Élysée, même lorsqu'on est en tête des sondages, mieux vaut cependant ne pas dépendre des autres. L'indépendance, surtout financière, est cruciale. La sienne, Édouard Philippe l'a assurée en 2022 au prix d'âpres négociations.

Emmanuel Macron n'avait guère goûté, fin 2021, la création d'Horizons par cet ancien Premier ministre "loyal mais libre", qui n'avait jamais adhéré au parti présidentiel. "On peut lui reprocher plein de choses, mais pas d'avoir été déloyal avec le président. Simplement, il n'a pas adhéré à la règle macroniste +tous unis derrière moi dans un seul parti+", explique un de ses soutiens.

Lors de sa réélection, Emmanuel Macron a bien de nouveau tenté d'embarquer ses alliés sous une seule bannière. Refus du maire du Havre comme du patron du MoDem François Bayrou. D'où la création d'"Ensemble", coalition regroupant les trois partis pour des législatives qui ne se sont finalement pas passées comme prévu, avec la perte de la majorité absolue.

Horizons, pour autant, n'a pas vraiment perdu. Avec 58 circonscriptions réservées et 29 députés à l'arrivée, le parti s'est assuré d'un groupe à l'Assemblée. Et sur les 18 millions d'euros annuels de financement public alloué à "Ensemble", 2,2 reviennent à Horizons, selon l'accord de répartition. Soit une manne de 11 millions jusqu'à 2027.

Après l'Assemblée, le parti compte bien continuer d'essaimer au Sénat où il est déjà bien représenté dans le groupe présidé par Claude Malhuret. "On est quasiment certains de gagner des sièges", avance un dirigeant.

-"On ne dépense pas tout"-

A ce financement public s'ajoutent les cotisations des adhérents: 30 euros par an. Le parti en revendique plus de 20.000. Mais aussi les dons des personnes physiques. Selon une source interne, le parti travaille également à des placements et a déjà été sollicité en vue de collectes de fonds. Mais rien ne presse. "Si la cote de popularité d’Édouard Philippe se maintient, il trouvera le financement sans difficulté. En tout cas, la mécanique est là", plaide le même dirigeant.

En attendant, prudent, Horizons "ne dépense pas tout". Quatre salariés en équivalent temps plein et "beaucoup de bénévoles" font tourner cette boutique dont le siège est situé avenue d'Iéna, dans le 16e arrondissement de Paris.

Même état d'esprit pour la rentrée politique d'Angers, ville du ministre et secrétaire général du parti Christophe Béchu. L'évènement, groupé aux journées parlementaires du parti, "ne nous coûte rien", poursuit la même source.

Les débats de ces journées n'étaient pas ouverts à la presse. Chez Horizons, le patron est "d'une discrétion qui confine au secret", décrit un de ses soutiens. Il peut s'appuyer sur le "pôle idées" et ses nombreux groupes de travail: 23 à ce jour, rassemblant à chaque fois une quinzaine d'experts, explique une de ses chevilles ouvrières. Ce travail affleure dans le livre publié par Édouard Philippe cette semaine, "Des lieux qui disent" (JC Lattès).

L'heure n'est pas encore à la "rupture avec le macronisme" qu'attendent les plus impatients. La majorité partira unie aux européennes. "Il ne faut pas qu'il fasse de fautes de temps", constate un ponte de la macronie, expliquant ainsi que M. Philippe se borne à envoyer "des cartes postales car il ne peut que faire ça".

Mais la suite s'organise: les dirigeants d'Horizons ont dûment enregistré les paroles bienveillantes du président LR du Sénat Gérard Larcher, ou de Gérald Darmanin pour qui le maire du Havre est "le mieux placé".

Selon un député, le ministre de l’Intérieur ferait office de "rabatteur" de soutiens pour M. Philippe au sein de Renaissance. Et cet élu de constater: Édouard Philippe "fixe assez bien un électorat de droite modérée qui est maintenant débarrassé d’un conflit de loyauté vis-à-vis de Macron".

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