Economie
Economie mondiale : entre « résilience à court terme » et « difficultés persistantes »
Le Fonds Monétaire International (FMI) vient de publier une mise à jour de ses prévisions et anticipe, désormais, un ralentissement de la reprise mondiale, sur fond de divergences régionales prononcées…
C’est sous un titre très évocateur, « résilience à court terme, difficultés persistantes », que le FMI vient de publier la mise à jour de ses « Perspectives de l’économie mondiale ». Presque tous les pays font face à une accumulation de problèmes similaires (inflation, instabilité financière, faibles gains de productivité…), auxquels les politiques économiques actuelles semblent incapables d’apporter des réponses satisfaisantes. User du terme « résilience » apparaît alors comme une bouée façon méthode Coué : jusqu’ici, le système a tenu bon !
Ralentissement mondial de l’activité
Selon le FMI, la croissance mondiale devrait passer de 3,5 % en 2022 à 3,0 % en 2023 et 2024. Une légère embellie est à noter pour le début de l’année 2023, liée essentiellement à la réorientation de la consommation vers les services, processus enclenché après la pandémie et qui touche à sa fin. Hélas, les autres secteurs, dont l’industrie, font face à un ralentissement généralisé, ce qui est de mauvais augure pour la croissance déjà bien en deçà de sa moyenne annuelle (3,8 %) sur 20 ans. Cet affaiblissement de l’activité est du reste beaucoup plus marqué dans les pays avancés que dans les pays en développement.
Aux États-Unis, ce ralentissement compliquera assurément la campagne électorale de Joe Biden, dans la mesure où le taux de croissance passerait de 2,1 % en 2022 à 1,8 % en 2023, puis à 1,0 % en 2024. Et le FMI est plutôt pessimiste sur le potentiel de consommation des Américains, ces derniers ayant amplement puisé dans leur bas de laine constitué pendant la pandémie. Dans la zone euro, l’activité restera en berne, avec un taux de croissance qui a chuté de 3,5 % en 2022 à 0,9 % en 2023, mais qui devrait remonter à 1,5 % en 2024. Le FMI fait état de craintes particulières pour l’Allemagne où la faiblesse de la production manufacturière s’est doublée d’une contraction trimestrielle de l’activité.
Quant à la Chine, il lui sera difficile d’assumer toutes ses missions avec un taux de croissance de seulement 5,2 % en 2023 et 4,5 % en 2024, d’autant que la demande intérieure reste plombée par les difficultés de l’immobilier. Et il n’est guère envisageable de compter sur les exportations pour tirer la croissance, puisque le commerce mondial demeure peu dynamique (2,0 % en 2023, contre 5,2 % en 2022), en raison notamment d’une demande orientée davantage vers les services domestiques et de la multiplication des obstacles aux échanges.
L’inflation sous-jacente très élevée
Selon le FMI, le taux d’inflation devrait baisser en 2023 dans près de 75 % des pays, à la faveur essentiellement d’un recul des cours internationaux des produits de base (énergie, denrées alimentaires…). Mais, l’inflation sous-jacente — hors énergie et produits à prix volatils — reste à des niveaux préoccupants, qui loin de s’expliquer par une spirale prix-salaires (accélération concomitante des prix et des salaires), tient principalement à de faibles gains de productivité, et parfois même à une boucle prix-profits, bien documentée par la BCE.
Toujours est-il que, face à ce problème, la plupart des Banques centrales (à l’exception notable de la Banque populaire de Chine, qui doit faire face à un risque déflationniste) ont resserré leur politique monétaire, parfois de manière draconienne, comme aux États-Unis. Les effets sur l’inflation sont cependant loin d’être aussi forts qu’espérés, ce qui démontre la difficulté d’appliquer les vieilles recettes de politique économique des années 1970, dans une économie mondialisée et financiarisée. Hélas, elles conduisent à un durcissement des conditions de financement de l’investissement, préjudiciable à la croissance : le serpent se mord alors la queue !
Pis, ces politiques monétaires sont susceptibles de provoquer de l’instabilité financière, comme le montrent les turbulences subies par le secteur bancaire américain et suisse. Une intervention étatique forte a alors été nécessaire pour calmer à la fois les déposants bancaires et les investisseurs sur les marchés financiers. Mais le resserrement des politiques monétaires continue de mettre certaines banques sous tension, par la hausse des coûts de financement, les moins-values sur portefeuilles obligataires et l’augmentation du risque de crédit. D’où, aux États-Unis comme dans la zone euro, un resserrement important des conditions d’accès au crédit, qui s’accompagne d’une diminution des prêts accordés au secteur privé.
Quant au dynamisme actuel des marchés financiers, en grande partie déconnecté de la réalité économique, il fait redouter au FMI les conséquences (fuite vers des actifs sûrs, contagion à d’autres marchés financiers ou réels…) d’un changement soudain d’anticipation, ce qui milite pour un renforcement de la surveillance des risques.
Face à tant d’incertitudes et de risques dans le monde, auxquels l’UE ne peut échapper, la capacité des Européens à inventer la résilience de leur système socio-économique devrait une nouvelle fois être mise à rude épreuve dans les mois à venir…