Eaux, lait, céréales: comment une poignée d'acteurs dominent les rayons des supermarchés

Céréales, compotes, chips... Dans les rayons des supermarchés, un très petit nombre d'agro-industriels se cachent parfois derrière la profusion de marques et la concentration qui a commencé de longue date...

Dans un supermarché à Toulouse (Haute-Garonne), le 4 septembre 2023 © Charly TRIBALLEAU
Dans un supermarché à Toulouse (Haute-Garonne), le 4 septembre 2023 © Charly TRIBALLEAU

Céréales, compotes, chips... Dans les rayons des supermarchés, un très petit nombre d'agro-industriels se cachent parfois derrière la profusion de marques et la concentration qui a commencé de longue date ne s'est pas interrompue avec l'inflation.

Pour le petit-déjeuner, il y a l'embarras du choix entre Coco Pops, Frosties, Smacks, Cheerios, Chocapic ou encore Golden Grahams. Derrière ces marques, deux géants agro-industriels: Kellog's et Cereal Partners Worldwide, co-entreprise détenue par Nestlé et General Mills.

A eux deux, ils trustent 75% de leur marché, celui des céréales du petit-déjeuner sous marque nationale en France, selon des données anonymisées de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), l'association professionnelle des supermarchés.

Ces données ne prennent pas en compte la part des marques de distributeur (MDD), détenues par les supermarchés. Plus ou moins un tiers des ventes des supermarchés se font en MDD, et la proportion tend à s'accroître parce que les clients y voient un amortisseur à la hausse des prix alimentaires et parce que les supermarchés les poussent fortement.

Multinationales ou coopératives

Selon des documents internes à l'un des acteurs de la distribution, consultés par l'AFP, Kellog's représente près du tiers des ventes de son rayon céréales.

Et la domination d'un ou deux acteurs ne s'observe pas qu'au rayon du petit-déjeuner, selon les données anonymisées de la FCD. Cette dernière n'a pas souhaité divulguer l'identité des industriels, que l'AFP s'est fait confirmer par deux sources au fait du dossier.

Dans l'alimentation infantile, Danone (Blédina) et Nestlé se partagent 77% du marché des marques nationales. Lactalis et Sodiaal, 72% du rayon lait. PepsiCo (Lay's) et Intersnack (Vico, Monster Munch et Tyrell's), 68% du rayon chips. 

Dans les rayons compotes (MOM/Materne et Andros/Bonne Maman) et jambon cuit de porc (Herta et Fleury Michon), les deux leaders trustent même 92% et 91% des ventes.

Parmi ces acteurs dominants, des multinationales, comme Mars, Mondelez (Lu, Oreo), Lactalis (Galbani, Leerdamer, Président), Danone (Danette, Actimel, Activia) ou Procter & Gamble, qui pèse plus de la moitié des ventes du rayon couches de l'enseigne précédemment évoquée.

Mais il y a aussi des entreprises coopératives, représentées par la puissante Coopération agricole. Sur son site, elle recense ses membres: Agrial (Florette, Loïc Raison, Soignon ou Pavé d'Affinois), Terrena (Paysan Breton, Régilait ou Père Dodu), Sodiaal (Candia, Entremont ou Régilait), ou encore Tereos (Beghin Say, L'Antillaise ou La Perruche).

"Plus les produits nécessitent un important travail de transformation, moins il y a d'acteurs", note, sous couvert d'anonymat, une des enseignes de la grande distribution française.

Les usines des grands groupes produisent aussi souvent pour les marques de distributeurs.

Mais même des produits moins transformés sont concernés: Nestlé Waters (Vittel, Contrex, Hépar ou Perrier), récemment mis en cause sur sa gestion de la qualité de ses gisements d'eaux, représente environ un quart des ventes du rayon eau. Son concurrent, Danone, le talonne avec près de 24% des ventes via ses marques Evian, Volvic, Badoit ou Salvetat.

Supermarchés également concentrés

Les 283 plus grosses entreprises de la transformation agro-industrielle, 2% des plus de 14.000 entreprises au total, génèrent pas moins de 86% du chiffre d'affaires du secteur, selon la FCD et son homologue de l'agro-industrie, l'Ania.

Le représentant du leader des supermarchés E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, estimait en janvier dans La Montagne que la concurrence "n'est pas assez importante" chez les industriels.

Côté supermarchés, la concentration est toutefois significative en France, d'autant plus que la déroute de Casino l'a accentuée. Les trois plus grosses enseignes (E.Leclerc, Carrefour, Intermarché) pèsent 60% du marché, les 5 plus grosses (Système U et Auchan), 80%, selon Kantar. 

Selon la FCD, le secteur est légèrement plus concentré qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, et largement plus qu'en Italie  ou Espagne.

Pour l'association de défense des consommateurs Foodwatch, les six plus gros distributeurs (avec Lidl) captent 60% de l'argent dépensé par les Français pour se nourrir.

A ses yeux, la "mainmise" de ces mastodontes de la chaîne alimentaire "leur permet d'imposer leurs conditions aux fournisseurs" et d'influencer "les pratiques de consommation". Elle regrette que distributeurs et agro-industriels soient "loin de favoriser les produits sains et durables, au contraire".

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