“Tristan l’artisan” ou comment accéder aux marchés publics
Depuis juillet 2008, le Centre de gestion de la Fonction publique territoriale du Nord (Cdg59), en partenariat avec le conseil régional Nord-Pas-de- Calais et la Chambre de métiers et de l’artisanat de région, développe avec “Tristan l’artisan” une offre de service innovante d’accès aux marchés publics, ouverte tant aux collectivités territoriales qu’aux entreprises commerciales et artisanales. Le point sur cette initiative avec Guy Decloquement, directeur des affaires financières/prévention au Centre de gestion du Nord.
La Gazette. Le projet “Tristan l’artisan” a quatre ans. Quelle en est la genèse ?
Guy Decloquement. Etablissement public au service d’un millier de collectivités territoriales et d’établissements sur le département du Nord, le Cdg59 a, courant 2007/2008, souhaité mettre en place une mission d’assistance en matière de marchés publics. Rapidement, cette réflexion s’est élargie à l’un des enjeux de la commande publique qu’est la mise en relations des collectivités territoriales et des artisans et commerçants. De là est née une première convention de partenariat signée entre le Centre de gestion du Nord, le Conseil régional et la Chambre de métiers et de l’artisanat. Couvrant la période 2008-2011, elle répondait à deux objectifs majeurs. D’une part, favoriser les outils de dématérialisation compte tenu des exigences nouvelles du code des marchés publics et, d’autre part, essayer de se donner les moyens pour convaincre les artisans commerçants que le monde des marchés publics leur est complètement accessible pour développer leurs activités. Cette réflexion s’est concrétisée à travers le projet “Tristan l’artisan” qui s’est présenté initialement sous la forme d’un CD Rom, outil qui permet de démystifier la commande publique en donnant aux artisans et commerçants les clefs d’accès aux marchés lancés par les collectivités territoriales.
Quelles démarches avez-vous engagées ?
Dès 2008, nous avons organisé des réunions de sensibilisation auprès de l’ensemble des mairies sur les possibilités offertes par le code des marchés publics pour favoriser l’accès des petites entreprises à la commande publique. Avec notamment l’allotissement qui permet de diviser en lots un marché complexe d’un montant relativement important, le code des marchés publics est une boîte à outils qui permet à l’ensemble des acteurs économiques d’accéder à la commande publique. Parallèlement, et dans le cadre du partenariat, le Cdg59 a proposé à la Chambre de métiers et de l’artisanat de l’accompagner pour former les artisans et commerçants qui le souhaitent à la commande publique. Depuis 2010, cette mission de conseil en marchés publics est assurée dans mon service par une personne qui y est complètement dédiée et anime des sessions de formation dans les différents centres de la Chambre de métiers pour expliquer les règles de l’accès à la commande publique.
“Tristan l’artisan” n’est pas que cela ?
Si le projet “Tristan l’artisan” s’est d’abord matérialisé dans un didacticiel qui donne toutes les clefs de compréhension d’accès aisé à la commande publique, il répond aussi à un deuxième enjeu important qu’est, en remplacement d’une formalisation papier des marchés publics, leur dématérialisation. Nous sommes donc intervenus sur cet enjeu en deuxième phase. Après avoir créé un outil permettant aux collectivités locales de saisir en ligne les petits marchés pour leur assurer une publicité dans le cadre de la première convention de partenariat, le Cdg59 s’est depuis doté d’une véritable plate-forme de dématérialisation qui permet à l’ensemble des collectivités qui le souhaitent de mettre en ligne l’ensemble de leurs marchés publics. Cette plate-forme est complètement accessible aux artisans commerçants.
Quel premier bilan pouvezvous dresser ?
En quelques chiffres, sur la période 2008-2009, ce sont à peu près 300 collectivités, pour quelque 360 élus et agents, qui ont été sensibilisées à la problématique de l’accès à la commande publique pour les artisans commerçants, des plus petites aux plus grandes. Le didacticiel “Tristan l’artisan” a été édité à plus de 20 000 exemplaires et ce sont 14 000 à 15 000 CD Roms qui ont été diffusés et distribués à ce jour.
Sur le dispositif formation, une quinzaine de réunions de sensibilisation ont été organisées sur la période juin 2010-juin 2011. Elles ont permis de sensibiliser à la démarche plus d’une centaine d’entreprises artisanales et commerciales.
Vous ne vous arrêterez pas en si bon chemin…
Une nouvelle convention pour la période 2012-2014 est en cours de finalisation et doit être signée d’ici la fin de l’année. L’un de ses objectifs est de passer d’un dispositif départemental à un dispositif régional. Le projet bénéficie déjà d’un soutien de la Région et la Chambre de métiers et de l’artisanat a maintenant une vocation régionale de plus en plus forte de par l’évolution de ses statuts. Le Centre de gestion du Pas-de- Calais est d’ores et déjà intégré à la démarche et ses élus ont accueilli favorablement cette démarche.
Au-delà de cette extension géographique et de l’amélioration du didacticiel, outil toujours perfectible, le partenariat 2012-2014 a pour objectif la diffusion la plus large possible de la plate-forme de dématérialisation car elle est véritablement un outil de rapprochement entre la sphère publique et la sphère privée.
Dans cette perspective, a été développé et lancé en début d’année un serious games de formation pour les collectivités territoriales et leurs agents pour leur expliquer comment utiliser la plate-forme de dématérialisation et s’y former. Il est envisagé de l’élargir aux entreprises artisanales et commerciales. Conçu dans le prolongement du didacticiel “Tristan l’artisan” pour pouvoir aller plus loin, il a vocation à être un véritable outil de formation et d’autoformation exploitable aussi lors des sessions de formation organisées en partenariat avec la Chambre de métiers.
Quel a été l’accueil de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région ?
La Chambre de métiers a été très à l’écoute de notre projet et a très vite adhéré à notre démarche en montant des actions de formation auprès des artisans commerçants. La formation des artisans et commerçants est un enjeu important mais qui n’est pas simple avec, d’un côté, un public jeune qui connaît le monde des TIC et des entreprises déjà bien imprégnées dans la démarche TIC (notamment celles qui gravitent autour de toutes les missions d’assistance), et, de l’autre, des entreprises de secteurs plus traditionnels pour lesquelles il y a un vrai enjeu à leur niveau d’accès aux marchés passés par les collectivités territoriales. Il ne faut pas oublier que les collectivités territoriales sont tant en France qu’en région le premier investisseur public. Favoriser cet accès aux marchés publics, c’est aussi se donner les moyens de développer les activités économiques.
Actuellement, un millier d’entreprises, tous secteurs d’activité confondus, sont inscrites sur notre plate-forme de dématérialisation en ligne, qui accueille de manière régulière une centaine d’annonces déposées par les collectivités. C’est un premier palier.
Les utilisateurs les plus nombreux sont bien sûr le BTP et les services courants aux collectivités, compte tenu des secteurs d’activité en matière d’artisanat qui sont moins directement concernés par la commande publique parce qu’ils ne sont pas dans le champ d’intervention des collectivités territoriales.
Les artisans et commerçants ont donc été séduits…
Tout l’enjeu a été de dédramatiser. Leurs craintes initiales portaient sur la complexité de la réponse et sur l’incertitude du paiement. Nous y avons répondu par un rappel de l’obligation faite aux collectivités territoriales de payer à 30 jours, ce qui n’est pas forcément le cas quand ils sont sous-traitants d’un grand groupe. Par ailleurs, ceux dont la réponse n’a pas été retenue ont la possibilité d’en demander les raisons pour améliorer les futures réponses. Les commerçants et artisans doivent accepter d’aller au-delà des vieux préjugés, d’autant que l’ensemble des décideurs locaux est d’accord pour juger sain d’avoir plusieurs réponses, de pouvoir choisir entre plusieurs entreprises pour trouver l’offre la plus adaptée.
Dans le même temps, nous incitons les collectivités locales pour les petites commandes de moins de 90 000 euros à ne pas déposer de dossiers compliqués pour susciter des réponses multiples. Il y a là tout un travail pédagogique à faire sur le long terme, car 90 à 95%, de la commande publique sont des petits marchés. Nombre de commandes se situent à des niveaux très faibles, quelques milliers d’euros. Il peut s’agir d’un marché de restauration, d’une opération de fleurissement, d‘entretiens courants, de petits travaux comme changer les fenêtres d’une école. Ces commandes-là nourrissent aussi l’activité, tel est l’un des enjeux de cette démarche.
En développant ce service, le Centre de gestion est donc dans son rôle …
En étant initiateur de ce projet de plate-forme de dématérialisation, le Centre de gestion est dans son rôle de fédérateur et de mutualisation grâce à son apport d’expertise et d’ingénierie. Il est l’un des rares centres à avoir proposé un partenariat à la Chambre de métiers. Cette plate-forme permet aujourd’hui aux entreprises de répondre à n’importe quel marché. Si l’aspect documentation a largement été développé, les réponses électroniques n’en sont qu’à leurs débuts, mais ça vient. L’outil est ouvert et accessible à tous. Nul n’est exclu s’il veut Le CD-Rom “Tristan l’artisan” adhérer à la démarche.